"Une première fois suffit, c'est une substance mortelle" : Sophie raconte comment la MDMA lui a pris sa fille
De plus en plus répandues, peu chères et puissantes, les drogues de synthèse comme la MDMA n'en restent pas moins très dangereuses. Sophie, la mère d'une jeune fille de 26 ans morte d'une overdose, a accepté de témoigner pour Europe 1. Sa fille était en bonne santé, promise à une belle carrière, mais la première rencontre avec cette drogue lui a été fatale. Son dealer est jugé vendredi pour homicide involontaire.
C'est le cri d'alarme d'une mère qui a perdu sa fille d'une overdose à la veille de Noël, en 2016. Alice avait 26 ans et débutait une carrière prometteuse dans le cinéma d'animation. Mais ce soir-là, alors qu'elle fait la fête dans un appartement parisien, elle consomme de la MDMA, le principe actif de l'ecstasy. Une première expérience qui lui a été fatale. "La vie a basculé totalement la veille de Noël, le jour de mon anniversaire", confie au micro d'Europe 1 Sophie de Barrau, la mère d'Alice, alors que son dealer est jugée à partir de vendredi pour homicide involontaire.
"Quand les policiers nous ont dit qu'elle était morte d'une overdose, on est tombés de haut : pour nous, une overdose arrivait à quelqu'un qui avait l'habitude de prendre de la drogue, et pas du tout. Il suffit d'une seule dose, dans le cas de notre fille, c'était une dose 35 fois mortelle [qui dépassait de 35 fois la dose mortelle, ndlr]. Il y avait un kilo de MDMA dans une bouteille d'Ice Tea qui venait juste d'être acheté par une dealeuse qu'Alice ne connaissait pas. Elle a simplement trempé les lèvres dedans, et elle en est morte. Une autre jeune fille s'est retrouvée dans le coma, alors qu'une troisième a été en hôpital psychiatrique parce qu'elle n'a pas supporté la situation. Quant aux autres, je n'ai pas de nouvelles.
Je voudrais faire passer un message aux jeunes : c'est une substance mortelle. Les policiers appellent même ces drogues "la roulette russe" : selon la personne, la même dose peut être mortelle, ou non. On se croit invulnérable à ces âges-là [...] mais ce sont des produits chimiques, on ne sait jamais comment c'est fait, même si c'est banalisé. C'est d'ailleurs le gros problème, avec la banalisation, tout le monde s'imagine que c'est sans danger. Or, avec ces drogues chimiques il est énorme, parce qu'on ne connaît jamais celui qui les a faites, ni le dosage.
Ce qui serait fantastique, c'est que cela devienne une cause nationale, que l'on puisse parler de ces drogues comme on fait de la prévention pour le VIH ou pour l'alcool. Nous avons d'ailleurs envie de monter une association pour éduquer les parents, parce qu'ils connaissent le haschich, l'alcool, mais pas l'existence de ces drogues. J'ai mis trois jours à réussir à dire MDMA. Si les parents savaient exactement ce qu'il y a dans la rue, les bars, les boites de nuit…peut-être que les enfants feraient un petit peu plus attention. Une première fois suffit, et peut être fatale."
Aux côtés de Sophie, son fils Jean, le frère d'Alice, a tenu également à faire passer un message au micro d'Europe 1. "J'ai vu beaucoup de personnes en consommer, c'est totalement banalisé et énormément de personnes aujourd'hui dans n'importe quel milieu l'utilisent facilement. C'est accessible, pas cher, ça fait le job. Pour 15 euros, on peut passer une très bonne soirée. Mais moi je voudrais m'adresser aux grands frères, aux grandes sœurs, à ceux qui voient les cadets partir en soirée : imaginez que votre mère vous appelle un matin pour vous dire que votre petite sœur est morte.
Imaginez-vous entendre l'effondrement de votre famille au téléphone, et dites-vous que ça peut vous arriver demain, parce que certains de vos amis l'ont fait, vous ont dit que c'était 'ok', que tout va bien. Pensez-y demain, pensez-y ce soir quand vous ferez la fête."
Une drogue de plus en plus répandue
Comme le laisse suggérer le témoignage de Jean, il est très facile de se procurer de la MDMA, même si cette drogue fait des ravages. Depuis le début de l'année, dans Paris intramuros, on a enregistré 30 "overdoses" mortelles. Un tiers d'entre elles ont été provoquées par un simple cachet, vendu 10 euros. Ces drogues de synthèse de la famille des amphétamines se sont banalisées, partout, dans tous les milieux. Invité de la matinale d'Europe 1 le mois dernier, le patron de la brigade des Stups Christophe Descoms avertissait d'ailleurs du danger de ces produits, au point de faire de ce combat, son cheval de bataille.