De La fée aux choux à Wonder Woman, c'est un peu l'histoire des femmes et du moment où elles se sont emparées du cinéma. Dans son ouvrage 100 grands films de réalisatrices, aux éditions Arte et Gründ, la journaliste Véronique Le Bris revient sur l'invisibilisation des femmes dans ce secteur de la culture et sur l'idée que le regard cinématographique féminin a été occulté pendant de nombreuses années. Invitée d'Europe Midi, la fondatrice de cine-woman.fr, le premier webmagazine féminin sur le cinéma a notamment estimé que leur travail dans le cinéma avait été "atomisé".
"Avoir conscience du travail des femmes"
Dans cet ouvrage, Véronique Le Bris décrit en effet un regard de la femme délaissé et auquel il faut absolument avoir accès aujourd'hui. "Les femmes ont toujours travaillé dans le cinéma, depuis le début, et Alice Guy fait notamment partie des pionnières. La seule chose, c'est que leur travail est complètement atomisé. Du coup, on ne le reconnaît jamais", a estimé la journaliste.
Et pour cause, selon elle, le grand public assimile en grande majorité le cinéma à la gent masculine. "Quand vous demandez aux gens leur film ou leur réalisateur préféré, ça va être systématiquement un film d'homme. Tout simplement parce que les œuvres des femmes n'ont pas été réunies, il n'y a pas d'effet de masse, et leur travail passe un peu à la trappe. Donc je trouvais important de le regrouper, le réunir, pour qu'on en ait conscience", a-t-elle poursuivi.
"L'Histoire du cinéma a été écrite par des hommes"
D'après Véronique Le Bris, cette absence de mise en lumière des femmes dans le cinéma s'explique par deux raisons. "D'abord parce que ce sont des hommes qui ont écrit son Histoire. Et en plus, ce sont des critiques. Donc ils ont une vision très subjective. Et comme les thématiques qui pourraient éventuellement être développées par des femmes leur échappent, et bien ils n'en parlent pas, ils les méprisent même. Alors qu'il y a toute une partie de la population que ça intéresse."
Pour illustrer son propos, l'autrice prend notamment comme premier exemple dans son ouvrage le film La fée aux choux, réalisé par Alice Guy en 1896. "Finalement, c'est la première fiction de toute l'Histoire du cinéma et on lui attribue peu ce mérite. En plus, personne ne la connaît alors qu'elle a une carrière en France pendant dix ans, mais aussi aux Etats-Unis. Ce qui est juste exceptionnel pour une pionnière", regrette la journaliste. D'autant qu'Alice Guy a elle-même beaucoup parlé des femmes et leur a donné beaucoup de premiers rôles.
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Les femmes ont également souvent été les premières à aborder certains thèmes comme l'homosexualité féminine, la vie de femme au foyer ou même un sujet central aujourd'hui : le viol et la culture du viol. "Comme les réalisatrices ont toujours été cantonnées à la marge dans le cinéma, elles ont besoin d'être plus audacieuses pour au moins pour sortir du lot et pour tenter de réussir à faire leurs films. Donc effectivement, elles sont toujours à l'avant-garde des courants, à l'avant-garde de ce qui va se faire après. Et elles traitent de thématiques qui ne sont jamais abordées par les hommes", a poursuivi Véronique Le Bris.
Ne plus être seulement audacieuses
Pour elle, mettre en avant toutes ces pionnières oubliées est aussi une façon de montrer la voie aux jeunes femmes qui voudraient se lancer dans un monde encore très masculin. "J'espère que ça va leur donner d'abord une connaissance de leur histoire, parce qu'il y a une caractéristique assez puissante chez les femmes, c'est qu'elles ne savent pas qu'elles ont une histoire. Donc ça va déjà les renforcer", a souhaité l'autrice.
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Mais ce n'est pas tout ce qu'elle espère concernant l'avenir des femmes dans le cinéma. "Il faut certes qu'elles voient qu'elles peuvent travailler dans des genres différents, qu'elles peuvent s'autoriser à franchir des limites et des frontières et à être audacieuses. Mais ce qui serait bien, c'est qu'elles ne soient plus simplement audacieuses mais qu'elles soient aussi intégrées au système."