Le scandale atteindra-t-il l'ampleur de celui des "lasagnes au cheval" ? Alors que deux anciens dirigeants de la société Spanghero et deux négociants néerlandais sont jugés depuis deux semaines à Paris dans le dossier de l'arnaque débusquée en 2013, un nouveau scandale sanitaire d'envergure européenne implique cette fois de la viande de bœuf, en provenance d'un abattage illégal en Pologne. Le ministre de l'Agriculture français a confirmé vendredi que l'Hexagone était concerné, et que 150 kg de cette viande ont été vendus à des consommateurs.
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Que sait-on de ce nouveau scandale ?
Il a éclaté mercredi en Pologne, grand exportateur de viande en Europe - 415.000 tonnes de bœuf en 2018. Un journaliste de la chaîne commerciale TVN24 s'est fait embaucher dans l'abattoir de Kalinowo, dans le nord du pays, où il a filmé pendant trois semaines des bovins traînés la corde au cou, manifestement malades, serrés dans un camion. Ses vidéos montrent aussi des carcasses entassées et des quartiers de viande visiblement impropres à la consommation. Son enquête a révélé que des marchands proposaient, par petites annonces, d'acheter des vaches malades pour un prix très inférieur à celui des animaux sains, avant de les abattre la nuit pour échapper aux contrôles sanitaires, et de débarrasser leur corps des tumeurs et autres escarres. Après la publication des images, le ministre polonais de l'Agriculture a reconnu la fraude en soulignant qu'il s'agissait d'un "incident isolé", avec des vaches malades "abattues à l'insu et sans le feu vert des vétérinaires".
Le responsable des services vétérinaires polonais a ensuite déclaré que "2,7 tonnes" de la viande concernée avaient été "vendues à des pays membres de l'UE", tandis que 7 tonnes ont été distribuées dans une vingtaines de points de vente en Pologne. Un contrôle sanitaire doit être mené dans l'ensemble des abattoirs du pays.
Quel est l'impact en France ?
La France fait partie des quatorze pays européens concernés, au même titre que l'Espagne, la Finlande ou encore le Portugal. Les services sanitaires du ministère de l'Agriculture ont annoncé que "795 kilos" de viande avariée polonaise ont été vendues dans "neuf entreprises" du secteur agroalimentaire en France, a annoncé vendredi le ministre, Didier Guillaume, sur CNews.
Selon les informations d'Europe 1, 513 kilos de viande ont été récupérés par les services vétérinaires français vendredi à la mi-journée et vont être détruits. Ils se trouvaient chez des grossistes, situés dans quatre départements français, mais n'avaient pas encore été acheminés vers les distributeurs et donc mis en rayon. Quid des 300 kilos restants ? Au moins 150 kg ont déjà été vendus, notamment via des boucheries, à des consommateurs, a précisé vendredi le ministère de l'Agriculture. "Ces boucheries ont mis en place dès cet après-midi des affichettes pour informer leurs clients. [...] Les équipes du ministère sont mobilisées pour poursuivre les recherches sur les 150 kg restants", détaille le ministère dans un communiqué. Aucune viande avariée n'a, en revanche, été retrouvée "à ce stade" dans les circuits de grande distribution.
Quels sont les risques ?
En Pologne, où une partie de la viande avariée a été commercialisée, un responsable de l'inspection sanitaire a indiqué jeudi que "l'on pouvait manger tranquillement du bœuf et des produits à base de bœuf", en l'absence de menace biologique. Mais pour la Direction générale de l'alimentation (DGAL) française, la viande est "impropre à la consommation", car "elle n'a pas fait l'objet des contrôles vétérinaires prévus, ni avant la mise à mort des animaux, ni sur les carcasses" a indiqué une responsable de la DGAL à l'AFP.
Des inspecteurs européens doivent par ailleurs se rendre sur place dès lundi, pour évaluer la situation. Car selon le journaliste à l'origine de l'enquête, cité par la RTBF, d'autres abattoirs du pays exportateur pourraient être concernés par ces pratiques. "Je reçois de très nombreux emails et messages de gens scandalisés qui me signalent qu'ils ont remarqué la même chose dans leur propre région", a-t-il affirmé jeudi.
En France, l'ONG Foodwatch a de son côté réclamé la "totale transparence" quant à la viande importée, dans un communiqué diffusé vendredi. "Quels sont les fabricants, les marques qui ont commercialisé cette viande ? Quels contrôles avaient été effectués ? Quelles failles ?" a interrogé sa présidente Karine Jacquemart, estimant que ce nouveau scandale "montre une fois de plus que la prévention et la traçabilité des circuits alimentaires sont insuffisants dans les pays européens."