La semaine présentée comme un épilogue ne sera, a posteriori, qu'un rebondissement supplémentaire dans la douloureuse affaire Vincent Lambert. Saisie par les parents de cet homme de 42 ans, en état végétatif depuis un accident de la route en 2008, la cour d'appel de Paris a ordonné lundi soir le rétablissement des traitements le maintenant en vie. Le protocole entamé le matin, comprenant l'arrêt des machines à hydrater et à alimenter ainsi qu'une sédation "contrôlée, profonde et continue", aura donc duré moins de vingt-quatre heures. Et la bataille entre les deux "camps" de la famille Lambert se voit relancée, à plusieurs niveaux.
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Les parents réclament un transfert vers une unité spécialisée
Sur le plan médical, les parents de Vincent Lambert se sont rendus à l'hôpital Sébastopol de Reims, mardi, pour vérifier que l'équipe du CHU avait remis en place l'hydratation et l'alimentation, et mis fin à la sédation. Les horaires de visite ne leur ont pas permis de voir leur fils, a constaté notre journaliste sur place. Mais leurs avocats ont pu s'assurer que l'hôpital s'était plié à la décision rendue lundi soir. "Le combat, à partir d'aujourd'hui, c'est le transfert de Vincent dans une unité spécialisée, où il sera pris en charge de manière bienveillante par des spécialistes et non plus par ce CHU qui n'a fait de lui qu'un mort en sursis", a déclaré l'un d'entre eux, Me Jérôme Triomphe.
Le débat n'est pas nouveau : la partie de la famille du patient favorable à son maintien en vie se prononce pour un changement d'hôpital depuis 2013 et la première procédure d'arrêt des traitements - déjà suspendue par la justice. Ces proches demandent à ce que Vincent Lambert soit soigné dans une unité EVC-EPR (état végétatif chronique-état pauci-relationnel), "parce qu'(il) y aurait été pris en charge très différemment", "dans un projet de vie et non de mort", estime auprès de La Croix le professeur Xavier Ducrocq, conseil des parents Lambert.
"Vincent pourra faire les progrès dont il est probablement capable, mais qui sont empêchés depuis des années puisqu'il ne reçoit pas les soins dont il aurait besoin, notamment de rééducation pour la déglutition, qui lui permettrait d'améliorer sa situation", renchérit Viviane Lambert, interrogée par Europe 1 lundi soir. Reste que la décision de transférer le patient, majeur, ne revient légalement pas à ses parents, comme le souligne Le Monde. Son épouse, Rachel à qui la justice a confié la tutelle de son mari, s'y oppose.
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De nouveaux arbitrages judiciaires à venir
Sur le plan judiciaire, deux visions s'opposent également. Les magistrats de la cour d'appel ont "décrété qu'une cinquantaine de juges (...) ne valaient rien", a estimé mardi François Lambert, neveu de Vincent, favorable à l'arrêt des traitements. Une référence aux juges administratifs, dont relève le droit à la vie. Sur ce point, la justice a tranché jusqu'au plus haut niveau en la matière - le Conseil d'État. Mais lundi, c'est une décision d'une juridiction judiciaire qui a changé la donne. La cour d'appel de Paris est compétente en matière de libertés individuelles, un terme qui peut aussi recouper le droit à mourir. Pour étayer sa décision, lundi, elle s'est appuyée sur un avis du Comité international des droits des personnes handicapées (CDPH), dépendant de l'ONU, qui avait demandé à la France un délai pour examiner le dossier sur le fond, début mai.
Désormais, la France doit veiller à ce qu'aucun acte irréversible ne soit commis pour la santé de Vincent Lambert pendant six mois, le temps dudit examen. Mais cet avis ne mettra pas fin à la bataille entre droit judiciaire et administratif : quelle que soit la décision, elle sera contraignante selon le premier, et pas selon le deuxième. Dans ce type de conflit, le seul arbitre possible, le tribunal des conflits, peut-être saisi par l'État.