A peine installée, la Ciivise 2 déjà fragilisée : la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants a annoncé mercredi la mise en retrait de sa vice-présidente Caroline Rey-Salmon, visée par une plainte pour agression sexuelle. "La vice-présidente se met en retrait total des travaux de la commission pendant tout le temps de l'enquête", indique la Ciivise dans un communiqué, évoquant une décision "indispensable à la sérénité des travaux" et au maintien "de la confiance" des personnes victimes.
"La Ciivise doit impérativement demeurer un espace d'accueil privilégié et protégé pour la parole des personnes victimes", ajoute le président de l'instance Sébastien Boueilh, réaffirmant "son soutien absolu à toutes les personnes qui ont été victimes d'inceste ou de violences sexuelles pendant leur enfance." Pédiatre et médecin légiste, Caroline Rey-Salmon est visée par une plainte pour "agression sexuelle par personne abusant de l'autorité que lui confère sa fonction", selon la plainte consultée mercredi par l'AFP, confirmant des informations de Franceinfo et BFMTV.
Agression lors d'un examen gynécologique
Selon le récit de la femme de 25 ans à l'origine de la plainte, l'agression a eu lieu lors d'un examen gynécologique mené le 27 juin 2020 à l'Hôtel-Dieu à Paris dans le cadre d'une enquête judiciaire. La jeune femme avait porté plainte pour des faits de viols subis enfant entre 2004 et 2009. "Elle m'a auscultée, elle m'a dit qu'il n'y avait absolument aucune trace et que je me trompais parce qu'une enfant victime de viol vaginal avait forcément l'hymen déchiré, ce qui n'était pas mon cas", a-t-elle déclaré à l'AFP.
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"Elle m'a dit qu'il avait dû se frotter, elle a posé ses doigts sur moi, a fait des mouvements de va-et-vient, m'a dit de fermer les yeux et d'imaginer que c'était le pénis de l'agresseur afin de me souvenir", a-t-elle ajouté. Sollicitée par l'AFP, Caroline Rey-Salmon n'a pas donné suite. Invité mardi soir dans l'émission "Quotidien" sur TMC, Sébastien Boueilh avait indiqué lui apporter son "soutien". "Si la victime a porté plainte, tant mieux, je pense que Caroline le fera aussi et la justice tranchera", avait-il ajouté.
"Trop pour moi"
L'annonce de ce dépôt de plainte survient deux jours seulement après la reprise des travaux de la Ciivise, dont le renouvellement de l'équipe dirigeante a fait polémique à l'automne. Lancée en mars 2021, cette commission, qui a recueilli près de 30.000 témoignages et émis 82 recommandations, était jusqu'alors présidée par le juge pour enfants Edouard Durand et la responsable associative Nathalie Mathieu et devait officiellement prendre fin à la fin 2023.
Devant la mobilisation de nombreux élus, personnalités et associations, qui réclamaient sa prolongation et le maintien du juge Durand, l'exécutif a prolongé la Commission mais en changeant la direction. "Voir la nomination de Caroline Rey-Salmon" en tant que vice-présidente de la Ciivise, "c'était trop pour moi", déclare la jeune femme à l'origine de la plainte.
"Vérité judiciaire"
Dans la matinée, Arnaud Gallais, ex-membre de la Ciivise et président de l'association BeBrave de "survivants de violences sexuelles" avait jugé "indispensable" une mise en retrait de la vice-présidente. "Bien sûr, il y a la présomption d'innocence, mais il y a un principe de précaution", avait-il à l'AFP. "On ne peut pas dire 'je te crois je te protège' et là dire 'je te crois mais si c'est la vice-présidente ça ne marche pas'".
Tout en insistant sur l'importance de la "vérité judiciaire", la ministre chargée de l'Egalité femmes-hommes Aurore Bergé avait de son côté mis en garde contre le risque d'un "discrédit" de la Ciivise. "Ce que je ne veux pas, c'est que la Ciivise soit abîmée alors que ça a été un outil extrêmement important pour permettre à des milliers et des milliers d'enfants devenus des adultes de pouvoir témoigner", a-t-elle dit sur Europe1/CNews.
En décembre 2020, la Ciivise avait déjà connu un faux départ avec une présidence confiée à l'ex-garde des Sceaux Elisabeth Guigou. L'ancienne ministre socialiste avait in fine renoncé à sa mission, après avoir été citée parmi les proches du politologue Olivier Duhamel, accusé de viols incestueux par sa belle-fille Camille Kouchner.