Quatre vingts personnalités et associations, parmi lesquelles l'avocate Camille Kouchner ou l'ancienne ministre Elisabeth Moreno, alertent sur "le risque de deux graves reculs à venir" en matière de protection des mineurs contre les violences sexuelles, dans une pétition partagée jeudi. Les signataires s'inquiètent en particulier d'une décision que doit rendre vendredi le Conseil constitutionnel, par laquelle il pourrait remettre en cause une loi d'avril 2021 qui a fixé à 15 ans le seuil en deçà duquel un mineur ne peut pas être considéré comme consentant à une relation sexuelle avec un adulte.
Laurence Rossignol, Camille Kouchner, Emmanuel Piet parmi les signataires
"Remettre en cause cette loi, c'est revenir à une situation, où, dès l'âge de 4 ans, un enfant qui avait été pénétré par un adulte devait prouver la contrainte, la menace, la violence ou la surprise", déplore le texte de cette pétition. Ont notamment signé ce texte la sénatrice et ancienne ministre (PS) Laurence Rossignol, l'auteure et avocate Camille Kouchner, la présidente du Collectif féministe contre le viol Emmanuel Piet, ou encore le juge Edouard Durand, co-président de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise).
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La loi de 2021 punit de vingt ans de réclusion criminelle tout acte de pénétration sexuelle ou acte bucco-génital commis par un majeur sur un mineur de moins de quinze ans, lorsque la différence d'âge entre le majeur et le mineur est d'au moins cinq ans, et ce même sans violence, contrainte, menace ou surprise.
Autre inquiétude : la fin de la Ciivise
Mais une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) examinée le 4 juillet dernier vise à abroger ce texte. Celui-ci "remet frontalement en cause la présomption d'innocence" dans la mesure où il instaure une "culpabilité automatique" du mis en cause, ont plaidé devant les "Sages" les avocats requérants Louis Heloun et Antoine Ory. Autre sujet d'inquiétude soulevé par la pétition : la fin annoncée de la Ciivise, créée en 2021 par le gouvernement dans la foulée du mouvement #MeToo.
L'institution, dont la mission prioritaire est de recueillir les témoignages de victimes et d'élaborer des recommandations, avait demandé l'extension de sa durée de vie. En vain : la secrétaire d'État chargée de l'Enfance Charlotte Caubel a réitéré que ses travaux prendraient fin en novembre.
"Aujourd'hui, l'État est à un tournant historique : faire taire les victimes, ou donner un second souffle à leur parole", affirment les signataires, qui concluent : "Par sa voix, l'État dira aux victimes 'Parlez' ou elle leur dira 'Taisez-vous'."