Les chevelures au vent de Dominique Rocheteau et d'Osvaldo Piazza, les moustaches de Patrick Revelli et Christian Lopez, les "touffes" de Gérard Janvion et de Robert Herbin, l'entraîneur. Ah ça, niveau look, le football d'aujourd'hui n'a plus grand-chose à voir avec celui popularisé par les Verts dans les années 1970. Mais, au niveau des fameuses valeurs (comment on dirait dans le rugby), le football (et le footballeur) ont-ils si radicalement changé ? Nous avons soumis à la question les finalistes malheureux de la Coupe d'Europe des clubs champions 1976 face au Bayern Munich.
"Le joueur de maintenant, ce n'est pas le joueur d'il y a 40 ans, et le joueur dans 20 ans ne sera plus le même non plus, donc il faut évoluer avec son temps", estime Dominique Bathenay, l'homme qui avait frappé sur la barre transversale de Sepp Maier, ce fameux 12 mai 1976. "Les joueurs de maintenant évoluent dans une société qui est celle que l'on connaît (et que l'on ne comprend plus trop, c'est ça ?, ndlr). C'est à tout le monde de s'adapter. Il ne faut pas non plus vouloir faire des comparaisons sans arrêt." Mais si on essayait quand même, Dominique ?
"Oui, c'est comparable, il y a toujours un ballon rond." Mais pour Gérard Janvion, demi-finaliste (malheureux là aussi) de la Coupe du monde 1982 avec les Bleus, cela s'arrête là, ou presque. "Ça reste le football, mais ce n'est plus du tout pareil. Les gars sont là pour leur image de marque. Quand l'entraîneur leur demande de jouer à un poste qui n'est pas le leur au départ, ils se plaignent. Nous, quand l'entraîneur nous déplaçait à n'importe quel poste, même si au départ, on n'était pas très doué à ce poste-là, on le faisait. Les gars sont individualistes à ce niveau-là. On avait également le respect de l'entraîneur. Aujourd'hui, ce n'est plus l'entraîneur qui commande mais ce sont les joueurs." On peut dire que l'affaire Serge Aurier, où le défenseur ivoirien a insulté son coach sur Periscope avant d'être réintégré dans le groupe, apporte de l'eau au moulin de Gérard Janvion. Le rapport aux entraîneurs a évolué, mais aussi celui aux supporters, selon les anciens Verts.
"Je crois qu'aujourd'hui, on protège trop les joueurs", estime pour sa part Christian Lopez, défenseur central lors de l'épopée verte mais aussi international français à 39 reprises. "Avant, quand on sortait s'échauffer, on s'échauffait sur le terrain annexe. On sortait des vestiaires et on traversait pratiquement tout le terrain devant les tribunes. Il y avait une relation de proximité avec le public, maintenant, il n'y a plus cette relation. Est-ce qu'il ne faut pas revenir sur cette chose-là pour qu'effectivement, le public puisse sentir que les joueurs viennent vers eux. Les joueurs, c'est une chose, le public, lui, il est prêt à recevoir et à donner. Il faut que les joueurs le comprennent et sachent le faire aussi."
Mais pour savoir donner, ne faut-il pas aussi savoir rester ? C'est ce que pense l'ancien attaquant Christian Sarramagna. "À l'époque, au-delà du football, on était dans l'éducation du sportif de haut niveau mais maintenant, ce n'est plus possible. Parce que les enjeux sont différents mais surtout parce qu'on ne vous donne plus les moyens de travailler sur la durée, les contrats de ne sont plus respectés. Il faut réussir tout de suite, donc forcément, tout a changé. Un joueur passe aujourd'hui deux-trois ans dans un club." Christian Sarramagna a évolué neuf ans à Saint-Étienne, entre 1970 et 79. Il ajoute : "Il n'y a plus d'identification possible avec les joueurs. Quant à l'argent, n'en parlons pas, on est dans la démesure. La gestion devient de plus en plus compliquée dans un club. Avant, on respectait un contrat. Maintenant, au bout d'un an ou même de six mois, le joueur peut partir du club." Et cela déteint sur l'image qu'a le public des footballeurs, y compris ceux qui portent le maillot de l'équipe nationale, juge Christian Sarramagna.
Existe-il encore malgré tout des îlots de football à l'ancienne ? Dominique Rocheteau, l'ancien "Ange vert", aujourd'hui coordinateur sportif à l'AS Saint-Étienne, cite son club en exemple. "On essaie de faire passer des valeurs, avec des joueurs qui sont à l'écoute aussi et qui sont dans cet état d'esprit. Les joueurs qu'on côtoie tous les jours, je peux en citer plein, des Loïc Perrin, des Fabien Lemoine, ce sont des joueurs, des mecs bien. Le problème du football d'aujourd'hui est qu'effectivement les joueurs passent dans les clubs et n'y restent pas longtemps, c'est ce qui fait la différence. Nous, à Saint-Étienne, on essaie de garder une ossature importante." C'est aussi ce qu'a voulu faire le sélectionneur des Bleus, Didier Deschamps, en optant pour une liste sans surprise pour disputer l'Euro 2016. Le football d'hier a donc peut-être encore de l'avenir...