L'an dernier, Jean-Pierre de Mondenard évoquait la "loi du silence" qui prévalait dans le football autour du dopage. Alors que plusieurs internationaux algériens, parents d'enfants handicapés, font part de leurs doutes sur les produits qu'ils ont absorbés dans les années 1980, le célèbre médecin du sport revient sur cette affaire pour Europe1.fr.
Europe1.fr : êtes-vous surpris par les déclarations des internationaux algériens ?
Jean-Pierre de Mondenard : "ça ne me surprend pas du tout. Dans le Dictionnaire du dopage (2004), j'ai consacré tout un chapitre aux effets tératogènes des dopants sur la descendance. J'y montre qu'un certain nombre de substances peuvent provoquer des malformations par leur action sur l'embryon. Car on parle toujours des effets collatéraux du dopage sur le dopé, et on ne parle jamais des effets collatéraux du dopage sur la descendance. Or, on a prouvé récemment, par exemple, que des mères qui buvaient quotidiennement des boissons contenant de l'aspartame, comme des sodas, mettaient à terme de façon prématurée. Cela suffit à montrer que ce que vous prenez a une influence sur le fœtus. En ce qui concerne les footballeurs algériens, il y a forcément une raison à tous ces cas d'enfants handicapés. Ce n'est pas normal de retrouver autant de cas sur une population aussi ciblée. Il faut chercher l'explication car il y en a une, forcément."
E1.fr : y-a-t-il des précédents dans l'histoire ?
J-P de M. : "oui, notamment en Allemagne de l'Est. On a appris qu'il y avait eu pas moins de 10.000 athlètes qui avaient suivi des protocoles de dopage. Un certain nombre d'entre eux sont allés ensuite devant la justice allemande parce que leurs enfants avaient des effets tératogènes, des malformations du corps. Sont nés des enfants phocomèles, c’est-à-dire sans bras ni avant-bras, qui avaient la main fixée à l'épaule, ou avec des pieds-bots également. La nageuse est-allemande Christiane Knacke, qui fut la première nageuse sous la minute sur 100 m papillon, avait témoigné après avoir fui l'Allemagne de l'Est. Elle avait expliqué que sa fille avait été victime d'une hyperthermie inexplicable qui a duré plusieurs mois. Les médecins lui ont assuré que la maladie de sa fille était due aux produits qu'elle avait pris quand elle était athlète de haut niveau."
E1.fr : est-ce que le protocole est-allemand a pu s'exporter ?
J-P de M. : "dans les années 1980, les pays du Maghreb étaient en relation avec des pays de l'ex-bloc soviétique. Entre 1974 et 1985, j'ai été médecin du tour du Maroc cycliste. Et, sur cette épreuve, il y avait des médecins russes qui venaient apporter leur savoir. Ce qui étonnant dans l'affaire révélée aujourd'hui, c'est que ça concerne une période bien précise, qui, il est vrai, était assez anarchique au niveau des produits. Les hormones, notamment, ont de graves effets tératogènes, mais pas seulement. Alcool, amphétamine, caféine, cannabis, cocaïne, métamphétamine, nicotine ou pot belge peuvent avoir des conséquences sur la forme et la santé du bébé."