Après 2008, 2014, 2015 et 2017, Lewis Hamilton a décroché dimanche le cinquième titre de champion du monde de sa carrière, à 33 ans. Cette nouvelle couronne, la deuxième consécutive, la troisième en quatre ans, permet au pilote Mercedes de rejoindre dans l'histoire l'Argentin Juan Manuel Fangio (cinq titres lui aussi) et de se rapprocher à deux unités seulement du recordman absolu, l'Allemand Michael Schumacher, qui compte sept titres.
La saison 2018 a confirmé la domination de l'Anglais, qui a rapidement éteint tout suspense dans la course au titre, comme il l'avait fait l'an passé. Ce qui nous amène à nous poser cette question : qu'a-t-il de plus que les autres ?
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— Lewis Hamilton (@LewisHamilton) October 28, 2018
"Talent et expérience". "Il a à peu près tout ce qu'un pilote de F1 doit avoir : une vitesse naturelle, un talent exceptionnel, une grande expérience désormais, car il est en F1 depuis onze ans maintenant. Il a un sens de la course incroyable, et il dispose aussi depuis plusieurs années de la meilleure voiture, même si ce n'était peut-être pas le cas cette année par rapport à la Ferrari", relève Lionel Froissart, spécialiste des sports auto et pendant longtemps plume de la F1 à Libération. "C'est un pilote très méticuleux, qui travaille énormément, qui est à l'écoute de ces ingénieurs, qui ne fait pas beaucoup d'erreurs en piste, contrairement, et on a pu encore le constater cette année, à Sebastian Vettel par exemple. En résumé, c'est un pilote complet."
Devenue aujourd'hui la référence n°1, Hamilton a toujours vécu pour la course. "C'est un énorme talent, servi par une farouche volonté de gagner, qui s'est manifestée dès son plus jeune âge", rappelle Dominique Bressot, qui a été la voix de la F1 sur Europe 1 pendant plus de 35 ans. "À 9 ans, lors d'une remise de prix, il est allé voir Ron Dennis, alors patron de McLaren, pour lui dire : 'Je veux courir pour vous, je veux gagner pour vous'." Trois ans plus tard, il est pris dans le giron McLaren. Et en 2007, il débute en F1 avec l'écurie britannique, où, associé à Fernando Alonso, il ne va pas tarder à faire des étincelles.
"Volonté et méchanceté". "C'est un pilote qui ne va jamais se contenter d'un accessit, il est toujours au maximum. Il a une énorme volonté qui fait que, s'il en a besoin, il peut, le moment venu, être méchant sur la piste et faire quelques coups tordus, si le contexte s'y prête", souligne Dominique Bressot. Il en a fait quelques-uns à Alonso, avec lequel la cohabitation ne dura qu'un an, le temps pour Hamilton de devenir pilote n°1 et d'être sacré plus jeune champion du monde en 2008, à 23 ans, un record qui sera ensuite battu par Sebastian Vettel en 2010.
Mais c'est surtout la saison 2016, à l'issue de laquelle son coéquipier chez Mercedes Nico Rosberg lui avait ravi la couronne, qui fut la plus révélatrice de sa dureté au combat, presque de sa "méchanceté" selon Dominique Bressot. "Pour le battre, Nico Rosberg avait dû suivre des cours au Japon auprès d'un 'maître' pour apprendre à gérer ses émotions et garder le contrôle de lui-même. Il a dû énormément travailler, il ne voyait même plus sa fille, pour battre Lewis Hamilton, qui ne s'attendait sans doute pas à une telle résistance. Et cela lui a pris tellement d'influx de le battre que, quelques jours après son titre, il a dit : 'J'arrête'. Tout est dit sur la difficulté à battre cet 'oiseau-là'. Je le mettrais au-dessus de Schumacher parce qu'il a un petit truc en plus."
Même si le jeu des comparaisons entre les époques est toujours difficile, Lionel Froissart rappelle que Lewis Hamilton avait un objectif quand il est arrivé en F1 : celui de rejoindre son idole, Ayrton Senna, au palmarès. "Il est allé au-delà de ça car Senna a été trois fois champion du monde et lui, cinq fois maintenant. Il a remporté plus de courses, accroché plus de pole positions à son palmarès. Ce n'est pas moi qui les rapproche, c'est lui qui avait cette cible, il voulait faire aussi bien que son idole. Il l'a aujourd'hui dépassée. Alors, il a un style assez vif, assez agressif, qui se rapproche de celui de Senna, mais ce qui fait aussi sa force, c'est que, comme Alain Prost, il est capable parfois d'accepter une défaite, de se contenter d'une 3ème ou 4ème place, plutôt que d'aller chercher l'impossible, remporter des points importants, ce que refuse pour le moment Vettel et ce qui lui a coûté cher cette année…"
"Soif de vaincre et instinct". Vettel (et Ferrari) souvent à la faute, Robserg à la retraite, le très lisse (et moins rapide) Valtteri Bottas désormais à ses côtés, Hamilton a repris sa marche depuis deux ans sa marche en avant. "Il aime la course automobile, il aime le sport, il réclame d'ailleurs souvent plus de bataille en piste, mais ce n'est pas de son fait s'il a comme seuls adversaires directs les Ferrari ou les Red Bull", insiste Lionel Froissart.
"Sa soif de vaincre vient du simple plaisir de la compétition, de courir contre des adversaires de haut niveau. Il a toujours eu cet instinct." Cet instinct, cette volonté, ont pu être nourris, aussi, par une enfance moins dorée que certains des ses adversaires sur la piste. "Il ne faut pas oublier que Lewis Hamilton est issu d'un milieu relativement modeste et qu'il a dû faire aussi certains sacrifices", rappelle Dominique Bressot.
Dans le milieu assez conservateur de la F1, Hamilton détonne, et pas seulement par sa couleur de peau. "Il a une vie très occupée en dehors de la F1, et ce qui est très étonnant, c'est qu'il arrive à tenir ce rythme, car il a quand même 33 ans", rappelle Lionel Froissart. "On ne parle plus là d'un jeune pilote. Il est certes en pleine forme, c'est un grand sportif, il est d'ailleurs ceinture noire de karaté, ce qui explique peut-être un certain self-control. Il a l'avantage aussi de voyager dans de bonnes conditions, il a un jet privé, il voyage évidemment toujours en 1ère… Mais il voyage quand même beaucoup (comme il en rend compte sur ses réseaux sociaux, ndlr) et il arrive à concilier cette vie de jet-setteur et de pilote de course, et donc d'athlète de haut niveau. Tant que ça marche, il n'y a rien à dire."
Lewis Hamilton ne rate jamais une occasion de citer l'un de ses sponsors :
Mexico City I love this place. Huge thanks to the fans who came out to my #TommyXLewis event. Excited for the weekend ahead #MexicoGP@TommyHilfigerpic.twitter.com/3AP31KbCSn
— Lewis Hamilton (@LewisHamilton) October 25, 2018
Lionel Froissart rappelle qu'Hamilton, qui aime la compagnie des stars, a été critiqué quand il a commencé à vivre de cette façon. "Mais on s'est aperçu que ça n'enlevait rien à sa compétitivité les week-ends de course. Et je crois que ça convient très bien à ses employeurs, cette image de jet-setteur. Il faut rappeler que son employeur, c'est Mercedes, qui vend des voitures, et qui veut vendre des voitures à toutes les catégories de personnes de la société, dont les rappeurs, les jeunes… Et Lewis Hamilton participe à soigner l'image du constructeur dans certaines catégories d'acheteurs potentiels." En juillet dernier, Hamilton a prolongé de deux ans son contrat chez Mercedes. Pour un montant annuel d'environ 45 millions d'euros selon la presse anglaise.