Lens à Lille ? "Ce n'est pas possible." La rivalité entre Lille et Lens a visiblement de beaux jours devant elle. Mercredi, le directeur général adjoint du Losc, Frédéric Paquet, a confirmé que le club nordiste refusait de prêter le stade Pierre-Mauroy à son voisin du Pas-de-Calais, le RC Lens, dont le stade Félix-Bollaert va être en travaux pendant 18 mois en vue de l'Euro 2016 organisé en France. "Il y a eu une vraie réflexion suite à cette demande. Mais pour des raisons pratiques et opérationnelles, ce n'est pas possible", a avancé le dirigeant lillois, confirmant les dires plus tôt dans la semaine du président du Losc, Michel Seydoux, qui avait jugé "techniquement impossible d'accueillir Lens".
Cette fin de non-recevoir a fait sortir de ses gonds le président du club artésien, Gervais Martel, visiblement touché par ce refus. "Aujourd'hui, pour cinq-six matches où Lens demande à jouer au Grand Stade de nos amis lillois, on nous refuserait ça", a-t-il fait mine de s'interroger au micro d'Europe 1. "Si jamais ça se passe comme ça, on va vraiment passer pour des crétins dans l'ensemble de la France."
"On n'est pas des lépreux", s'irrite Gervais Martel :
Un prêté pour un rendu. Ou pas. Le débat est d'autant plus passionné que, par le passé, le RC Lens avait lui prêté son stade au Losc. C'était lors des saisons 2001-02 et 2006-07 en Ligue des champions. "Sauf que là, ce n'est pas un problème ponctuel de deux-trois matchs par saison. On parle de dix-huit mois minimum. Ce n'est pas pareil", insiste Michel Seydoux dans un entretien à 20 Minutes. Le dirigeant nordiste rappelle que ce fut la dernière fois que le RCL loua son stade au Losc, "au prix fort" précise-t-il. Le Losc joua effectivement sa phase de poules de la Ligue des champions au Stadium de Villeneuve-d'Ascq en 2011-12. Et, en 2005-2006, c'est au Stade de France que le club nordiste avait disputé ses matches de Ligue des champions, Lens disputant à l'époque la Coupe de l'UEFA.
Les arguments avancés : l'état de la pelouse, les transports et la sécurité. Mais, aujourd'hui, le Losc ne s'appuie pas sur l'histoire pour justifier sa décision. Parmi les "raisons pratiques et opérationnelles" invoquées, le club cite notamment l'entretien de la pelouse. "En jouant 20 à 25 matches par an, c'est déjà compliqué", considère Frédéric Paquet. "Alors, 40 ou 45... On a été au bout des choses et on estime que ce n'est pas possible." De son côté, Michel Seydoux avance d'abord des impératifs de transports et de sécurité : à la différence des Lillois, les supporters lensois vont se déplacer d'abord en voiture et l'inimitié entre les supporters les plus chauds des deux clubs reste vive, selon lui.
"Quand je prends l'autoroute, je vois encore des tags qui datent d'au moins huit ans disant "Non au Losc à Bollaert", rappelle le président lillois. Aujourd'hui, sur le même modèle, il existe un groupe Facebook "Non à Lens au Grand Stade". Il y a ces aspects pratiques, mais également la réalité économique. Michel Seydoux recherche un repreneur pour le club. Et prêter son stade au rival local n'est pas forcément à même de séduire les investisseurs...
Les politiques dans la danse. Pour obtenir gain de cause, Martel en appelle au président du conseil régional, Daniel Percheron. L'élu socialiste lui a apporté son soutien : "je regrette profondément la décision de ne pas associer Lille et Lens". La région a financé à hauteur de plus de 40 millions d'euros le stade Pierre-Mauroy, propriété du groupe Eiffage via sa filiale Elisa. Le contrat qui le lie au Losc prévoit la possibilité, pour le club résident, d'utiliser un veto sur l'accueil d'un autre club. "On peut regretter que le Grand Stade n'accueille pas Lens", a pour sa part réagi la maire de Lille, Martine Aubry. "Mais Michel Seydoux a des arguments (...) C'est à lui qu'appartient la décision sur le plan juridique." Certains observateurs estiment néanmoins que le refus lillois pourrait être une tactique afin de négocier in fine une diminution substantielle du coût de la location du stade...
Un repli sur Valenciennes ? Si le refus devait se confirmer dans la durée, Lens et son président seront bien obligés de trouver une solution : Valenciennes et son stade du Hainaut (25.000 places au lieu de 50.000 pour le stade Pierre-Mauroy) serait une solution de repli intéressante. On pourrait alors assister la saison prochaine à une situation ubuesque : Lens, actuellement 2e de Ligue 2, pourrait évoluer en Ligue 1 dans un stade dont le club résident, Valenciennes, actuel 18e de Ligue 1, jouerait à l'échelon inférieur. Pas sûr que ça non plus soit du goût de tous.
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