"Ça fait deux ans que j'ai assimilé la chose. C'est sûr que ça chamboule le quotidien, les habitudes, mais plus le temps avance, plus je m'y fais." Kévin Anin, ancien joueur formé au Havre et passé par Sochaux et Nice, est aujourd'hui en fauteuil roulant après avoir eu un terrible accident de voiture en 2013. L'ancien espoir du football français, au caractère atypique, revient dans un entretien au mensuel So Foot sur son quotidien actuel, sa paraplégie et sa carrière qui s'est brutalement achevée à l'âge de 27 ans.
Dans la nuit du 3 au 4 juin 2013, Kévin Anin, qui vient d'achever sa première saison avec l'OGC Nice, revient d'un voyage en Belgique avec des amis et son cousin. Fatigué, il prend place sur l'un des deux sièges arrière. Mais le conducteur s'endort et le véhicule effectue des tonneaux. Kévin Anin, qui dormait lui aussi, est éjecté du véhicule. "(Au moment de monter dans la voiture) Moi, je me dis : 'De toute façon, si on fait un pèt', je vais pas le sentir, je dors'. J'ai dit ça, frère. C'était écrit. Ça devait arriver", raconte-t-il à So Foot.
Cette interview de Kevin Anin dans @sofoot est à lire absolument. Elle fait réfléchir ! pic.twitter.com/cjDyNJ5Fur
— EspoirsduFootball (@EspoirsduFoot) November 4, 2016
Hospitalisé au CHU de Rouen, victime de plusieurs fractures au bras droit et à la colonne vertébrale, le joueur, qui reconnaît s'être "senti mourir" juste après l'accident, est plongé plus de dix jours dans un coma artificiel. Et apprend à son réveil qu'il restera paraplégique. "Il (le médecin) ne m'a même pas expliqué. Au départ, j'avais un peu d'espoir, je pensais que c'était une blague. Je me dis : 'non, il veut me faire peur' comme dans les pubs préventives. Aïe, aïe, aïe, ce n'était pas ça… J'ai mis une semaine avant de craquer." Peu à peu, entouré par sa famille, sa mère et sa femme, Kévin Anin explique avoir repris le dessus. "Si je dois remarcher un jour, je sais que ce sera grâce à mes efforts. J'aimerais bien remarcher, mais si je ne peux pas, c'est comme ça."
" Je ne vivais pas comme un footballeur "
Ce tragique accident a mis fin à l'étonnante carrière de Kévin Anin. Révélé en Ligue 2, au Havre, il rejoint Sochaux en 2010. Excellent sur le terrain - il tape même dans l'œil d'Arsène Wenger, qui le recevra en personne en vue d'un transfert à Arsenal -, il lui arrive parfois de péter un plomb parfois, comme lorsqu'il reçoit deux cartons jaunes en 30 secondes lors d'une altercation avec le Niçois François Clerc. Kévin Anin explique aujourd'hui que celui-ci l'avait traité de "fils de p…". Le Havrais est un sanguin, un sensible aussi. Les dirigeants sochaliens s'en rendent compte : leur milieu de terrain retourne régulièrement chez lui, en Normandie.
"Sur le terrain, c'était une année de fou, mais à chaque fois que je rentrais, ça me soulageait. Je ne vivais pas comme un footballeur." Loin du "football circus", Kévin Anin préfère le vivre-ensemble de la Bigne à Fosse, du quartier Mont-Gaillard au Havre, où il a grandi. Cet attachement viscéral va le conduire à zapper ensuite des séances d'entraînement, sans donner de nouvelles, ce qui débouchera sur son transfert de Sochaux à Nice mais aussi à sa nomination pour le Ballon de Plomb des Cahiers du Football, pendant satirique du Ballon d'Or qui récompense chaque année les talents égarés.
Aujourd'hui, Kévin Anin, qui compte 85 matches de Ligue 1, suit le football de loin, mais garde un œil sur son dernier club, l'OGC Nice, avec lequel il avait signé un contrat de trois ans et demi en janvier 2012. "Aujourd'hui, je regarde Nice ou les gros clubs, comme le Barça", précise-t-il. "Sur une phase de jeu, je me dis : 'je me suis déjà vu faire ça' ou bien 'J'aurais plutôt fait ça comme ça'. Après, j'ai fait ça toute ma vie, c'est normal que ça me manque. Ce qui me manque le plus, c'est des phases de jeu, des trucs simples, des gestes. Balotelli et Ben Arfa, j'aurais kiffé jouer avec eux…"