Formule 1 : un halo qui pose question

Kimi Räikkönen en essais hivernaux (1280x640)
Les monoplaces vont arborer cette saison un nouvel élément de protection des pilotes, le halo. © LLUIS GENE / AFP
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avec AFP
La saison de F1 qui débute ce week-end en Australie marque l'introduction, décriée, d'un nouveau système de protection des pilotes, le halo.

C'est incontestablement LA nouveauté de la saison de Formule 1, dont le premier Grand Prix se tiendra dimanche en Australie. Les monoplaces sont dorénavant équipées d'une structure de protection des pilotes, un halo (auréole en anglais), dont la forme, incurvée, rappelle celle de la lanière d'une tong. Origine, utilité, critiques : Europe1.fr vous dit tout sur ce système qui va logiquement faire beaucoup parler cette année.

  • À quoi sert-il ?

Le halo a pour vocation de protéger la tête des pilotes en cas de choc avec un objet propulsé dans les airs, que ce soit une autre monoplace, un élément d'une monoplace (roue, amortisseur, etc.) ou tout autre objet de l'environnement (mur de pneus par exemple). Les tests menés par les autorités sportives ont permis de constater que le halo, censé être la structure la plus résistante de la monoplace, avait été capable de dévier une roue lancée à 225 km/h. Il serait même capable de supporter une charge allant jusqu'à 12,7 tonnes, soit l'équivalent d'un bus à impériale. Le halo peut également servir de protection dans le cas où la monoplace se retourne.

Infographie halo

  • Qui a décidé de son installation ?

L'installation d'un système de protection de la tête des pilotes est depuis longtemps à l'étude en F1. L'idée a été entérinée à l'été 2016. Le dossier s'est soudainement accéléré après plusieurs accidents mortels. Justin Wilson, pilote britannique d'IndyCar, avait perdu la vie en 2015 après qu'un débris d'une autre monoplace a percuté son casque. 

Présidée par le Français Jean Todt, la Fédération internationale de l'automobile (FIA), soucieuse de sécurité et marquée par l'accident mortel de Jules Bianchi, en octobre 2014, dont la voiture avait heurté un véhicule de dépannage au Grand Prix du Japon, à Suzuka, a opté pour le halo plutôt que pour le "shield" ou l'aeroscreen, deux dispositifs de protection plus conventionnels, semblables à un pare-brise, et qui avaient été étudiés eux aussi.

Ce qui a fait la différence, ce sont évidemment les résultats des tests de sécurité. "Parmi les nombreux dispositifs élaborés et évalués au cours des cinq dernières années, le halo est sans conteste celui qui présente les meilleures performances globales en matière de sécurité", avait indiqué la FIA l'an dernier.

Felipe Massa reçoit un débris dans le casque :

Pour en venir à cette conclusion, la FIA a étudié plusieurs dizaines d'accidents remontant pour certains aux années 1990 pour évaluer l'impact qu'aurait eu le halo (plutôt positif (accident de Felipe Massa), positif ou neutre (accident de Jules Bianchi), comme l'explique le site motorsport. La FIA, qui gère également plusieurs autres championnats automobiles, entend instaurer le halo en Formule 2 ou encore en Formule E au cours de la saison.

  • Nuit-il à la visibilité des pilotes ?

Conduire à plus de 300 km/h avec une barre devant les yeux : c'est le défi,  a priori insurmontable, que vont devoir relever les pilotes à partir de cette année. Et pourtant, peu se plaignent d'un manque de visibilité. "Pour le moment, je vois bien avec le halo", avait expliqué en février dernier le pilote Red Bull Daniel Ricciardo, cité par Sport auto.

Découvrez le ressenti du pilote au volant avec le pilote d'essai de Williams, Robert Kubica :

"Je n'avais fait que quelques tours d'installation donc c'était assez nouveau, mais je n'ai pas vraiment remarqué qu'il était là, ce qui est plutôt bon (…) Sincèrement, à moins qu'il y ait des choses au dessus, je ne vois aucun souci sur une piste sans dénivelé." Le souci est que sur, certaines des pistes, comme Spa, présentent un dénivelé… "La seule chose bizarre, c'est que, dans le garage, on ne voit plus la tête des mécaniciens", a de son côté relevé le Français Esteban Ocon, l'un des trois pilotes tricolores au départ de cette saison 2018.

  • Que lui reproche-t-on ?

Si les pilotes voient bien, où est donc le problème alors ? Les critiques sont essentiellement de trois ordres : esthétique, philosophique et pratique. Au niveau esthétique, beaucoup d'observateurs estiment que le halo dénature les monoplaces. D'un point de vue philosophique, les critiques soulignent que cette nouvelle protection donne aux F1 une apparence de voiture fermée, alors qu'elles sont par essence ouvertes. Enfin, d'un point de vue pratique, si certains pilotes, comme Fernando Alonso ou Sebastian Vettel, pointent l'avancée que le halo représente en termes de sécurité, d'autres pointent la difficulté, désormais plus grande, à s'extraire désormais du cockpit ou rappellent que le halo ne va pas protéger de tous les débris, notamment les plus petits.

Mais le critique le plus sévère envers le halo n'est autre que le champion du monde en titre, le Britannique Lewis Hamilton, qui a regretté que les pilotes soient désormais "protégés comme s'ils étaient des bébés". "Nous allons devoir conduire comme des pilotes d'endurance (…) Nous avons déjà tout ce carburant, et avec l'arrivée du halo, ce sera comme conduire un bus !", avait raillé en fin d'année dernière le Britannique, qui en avait profité pour adresser un petit tacle aux propriétaires américains de la F1, accusés de ne pas bien saisir ce qui fait l'essence de la discipline.

  • Que change-t-il dans le fonctionnement des monoplaces ?

Le halo ne change pas seulement le visuel des monoplaces. Il en change le poids, et donc la "maniabilité", comme le sous-entend Hamilton. "Ça a été des mois de travail", explique Éric Boullier, le directeur sportif de McLaren. "Ça a posé quelques challenges quant au poids de la voiture et à l'interaction avec son efficacité aérodynamique." Le halo pèse autour de 7 kilos et, pour qu'il puisse supporter le poids d'un énorme débris, il a fallu renforcer les châssis, sans dépasser le poids maximum autorisé (733 kg, monoplace et pilote compris). Son ajout rehausse également le centre de gravité des monoplaces, alors qu'elles sont conçues pour évoluer au plus près du sol, et modifie également les flux d'air autour d'elles. Bref, le halo change tout et cela a nécessité des ajustements qui valorisent son coût à plusieurs centaines de milliers de dollars, voire un million, son le directeur des opérations de l'écurie Force India, Andrew Green.

Malgré l'introduction du halo, et contrairement au discours que pouvait tenir Hamilton, les F1 2018 semblent pourtant tenir la route. Et plutôt bien. Lors des essais de pré-saison, Sebastian Vettel a pulvérisé le record du tour du circuit de Barcelone de plus d'une seconde, grâce notamment à l'introduction de nouveaux pneus hyper tendres dans la gamme Pirelli. Peut-être la deuxième grande nouveauté de la saison 2018 de F1…