Il y a 40 ans, les Verts échouaient sur des "poteaux carrés"

L'équipe de Saint-Étienne de 1976 (1280x640) STAFF/AFP
L'équipe des Verts prend la pose avant sa finale de Glasgow, en 1976. © STAFF/AFP
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ANNIVERSAIRE - Le 12 mai 1976, les Verts s'inclinaient en finale de la Coupe d'Europe des clubs champions face au Bayern Munich, à l'issue d'un scénario cruel (1-0).

"Qui c'est les plus forts ? Évidemment, c'est les Verts." Ce 12 mai 1976, en finale de la Coupe d'Europe des clubs champions, les Verts l'avaient encore été, les plus forts. Même face au Bayern Munich, double tenant du trophée. Lors de la première période de cette finale, disputée au stade Hampden Park de Glasgow, en Écosse, une frappe de Dominique Bathenay et une tête de Jacques Santini ont heurté ce qui allait devenir les fameux "poteaux carrés". À l'arrivée, les hommes de Robert Herbin s'inclinèrent 1-0 sur un coup franc de Franz Roth en deuxième période. L'épopée européenne de l'AS Saint-Étienne prenait fin sur un double sentiment d'injustice et de communion. Les plus forts avaient perdu le match mais définitivement gagné les cœurs, comme on dit.

L'âge d'or des Verts. Le simple énoncé des noms donne le frisson : Curkovic, Repellini, Bathenay, Larqué, Revelli, Santini, Rocheteau… Tous sont entrés dans la légende du football français. La finale de Glasgow est le sommet de l'âge d'or stéphanois. Cette saison-là, les Verts décrochent leur troisième titre de champion de France de rang. Ils ont également gagné la Coupe de France en 1973 et 74 et la gagneront à nouveau en 1977.

Mais la magie verte prend tout son sens en Europe. Lors de la saison 1974-75, celle précédant la finale de Glasgow, les Verts atteignent déjà le dernier carré de la Coupe d'Europe des clubs champions, ancêtre de notre Ligue des champions, avec un premier match fondateur, en huitièmes de finale de la compétition (à l'époque, il n'y avait pas de phase de poules) : une victoire 5-1 après prolongation face à l'Hadjuk Split, après une défaite 4-1 lors du match aller. En demies, les joueurs de Robert Herbin sont éliminés par… le Bayern Munich, déjà (0-0, 0-2). Mais c'est la saison suivante que la fièvre verte a atteint des sommets.

Un printemps européen. La mythique campagne 1975-76 débute par deux premiers tours aux allures de formalité. Les Verts se débarrassent du KB Copenhague (2-0 à l'aller, 3-1 au retour) en seizièmes de finale puis des Glasgow Rangers en huitièmes (2-0 à l'aller, 2-1 au retour). Lors du tour suivant, la campagne des Verts quitte la rubrique des sports pour devenir phénomène de société. Battus 2-0 par le Dynamo Kiev d'Oleg Blokhine, les Verts l'emportent 3-0 lors du match retour à Geoffroy-Guichard, grâce à des buts d'Hervé Revelli, Jean-Michel Larqué et Dominique Rocheteau.

Les Verts s'imposent 3-0 face au Dynamo Kiev :

En demi-finales, l'ASSE et son gardien croate Ivan Curkovic, l'un des deux seuls étrangers de l'équipe avec l'Argentin Osvaldo Piazza, résistent au PSV Eindhoven (1-0, 0-0). La frénésie verte gagne l'Hexagone.

Les "poteaux carrés". L'approche de la finale n'est pas sans heurts. Lors du match de championnat de France précédant la finale, à Nîmes, deux joueurs sont victimes de l'engagement gardois : Christian Synaeghel et Gérard Farison doivent déclarer forfait pour le choc face au Bayern. La finale démarre difficilement pour les Verts, bousculés. L'avant-centre du Bayern Gerd Müller trouve le chemin des filets mais son but est refusé pour un hors-jeu (3ème).

Les Verts mettent ensuite le pied sur le ballon. À la 34ème minute de jeu, Bathenay adresse un tir splendide des 25 mètres, qui vient s'écraser sur la barre transversale de Sepp Maier. Seul au point de penalty, Hervé Revelli adresse une tête trop molle, facilement captée par le portier allemand. Cinq minutes plus tard, les Verts sont à nouveau à l'attaque. Christian Sarramagna déborde sur le côté gauche, adresse un centre au premier poteau que coupe Jacques Santini. Le milieu de terrain stéphanois voit lui aussi sa reprise de la tête repoussée par la barre. Les fameux "poteaux carrés" furent surtout une maudite barre.

Les Verts dominent la première période mais ne marquent pas :


Peu avant l'heure de jeu, Franz Roth punit les Stéphanois, qui paient au prix fort leur manque de réalisme. Son coup franc laisse Curkovic impuissant. À sept minutes de la fin, Rocheteau fait son entrée en jeu, mais "l'Ange vert" ne parvient pas à inverser la tendance. Le bloc munichois résiste jusqu'au bout.

Le Bayern Munich prive l'ASSE de la Coupe d'Europe des clubs champions (les commentaires sont en allemand au début, puis ensuite en français) :


La nostalgie triomphante. Le lendemain de cette finale perdue, la troisième pour un club français après les deux du Stade de Reims dans les années 1950, L'Équipe titre : "Ils ont tout tenté !". La défaite des Verts devient le symbole de la France qui tombe avec les honneurs, du "beau perdant". Les héros malheureux de Glasgow ont droit à une descente des Champs-Élysées et à une visite au président de la République, Valéry Giscard d'Estaing.

La légende des "poteaux carrés" perdurent aujourd'hui, notamment à travers le musée du club, qui a racheté les fameux bouts de bois à un pool d'actionnaires écossais il y a trois ans. L'épopée stéphanoise, nourrie de chants et de maillots ajustés Le Coq sportif, continue de titiller l'imaginaire et de réveiller les souvenirs, à l'image de l'ouvrage Un printemps 76 qu'en a tiré la plume de L'Équipe, le "Lyonnais" Vincent Duluc, qui écrit : "Là-bas, juste à côté, Saint-Étienne avait les Verts, la ville avait cette fièvre, un pays venu prendre son pouls, et sous ses yeux la classe ouvrière mourait en chantant 'Qui c’est les plus forts ?'".

 

L'ASSE marque le coup. Pour ce 40ème anniversaire, le club a décidé d'organiser une journée spéciale jeudi, avec notamment un match disputé à Geoffroy-Guichard par les anciens Verts. Plus tard dans la journée, certains des joueurs de 1976 seront au micro sur la place Jean-Jaurès de Saint-Étienne avant une soirée festive, marquée notamment par un concert du DJ The Avener.