Pressé, très pressé même d'aller fêter avec ses joueurs et le reste de son staff un Grand Chelem, qui ouvre son palmarès deux ans après sa nomination à la tête du XV de France, Marc Lièvremont n'a que faire des honneurs personnels et préfère retenir, même s'il regrette aussi leur manque de maîtrise, le pragmatisme de ses joueurs. Il n'oublie pas non plus les absents. Marc, en tant que "Papa" de cette équipe, l'accouchement fut difficile, mais quel beau bébé, serait-on tenté de vous dire ? Quel beau bébé, oui, dans la douleur, c'est vrai. Je crois qu'il faut avoir le triomphe modeste, mais on va quand même triompher. On est très heureux, je suis très heureux et très fier du comportement des joueurs, de leur courage, de leur solidarité pendant 80 minutes. Et puis je crois qu'il faut quand même rendre hommage aux Anglais, qui ont réussi un match magnifique et qui comme très souvent nous ont rendu la partie extrêmement difficile. Voilà, ça fait quand cinq victoires et c'est un Grand Chelem donc on est assez fier. N'est-ce pas de ce genre de match que l'on apprend le plus et qui font le plus grandir une équipe ? Oui, c'est vrai, il y a eu ce match, il y a eu la deuxième mi-temps contre le Pays de Galles... Honnêtement, j'aurais préféré un peu plus de maîtrise sur les évènements, j'aurais préféré certainement plus de spectacle, mais encore une fois, l'essentiel, c'était de le gagner ; et du spectacle, on en a produit au cours de ces cinq matches. Aujourd'hui, on l'a encore laissé aux Anglais, de la même manière qu'on l'avait laissé quelque part aux Gallois. Mais gagner dans la fouleur, en étant extrêmement pragmatique, en étant intelligent, en étant courageux, c'est aussi extrêmement appréciable. " Vous ne voulez pas nous libérer, s'il vous plaît..." Comment appréciez-vous ce Grand Chelem, ce premier titre, dans votre histoire personnelle depuis deux ans que vous êtes à la tête de cette équipe de France ? Je ne suis pas là pour écrire mon histoire personnelle. Je suis surtout super content pour les joueurs, et vous vous en doutez, vu la teneur du match, je suis aussi extrêmement soulagé, soulagé et heureux pour ce groupe, pour le rugby français aussi. J'ai une pensée aussi pleine d'affection pour tous les joueurs qui font partie de ce groupe parce que je pense, et j'ai même la certitude, que beaucoup aurait pu être là à la place des titulaires, à la place des 22, avec le même résultat. Donc je les inclus et je les englobe dans la victoire. Est-ce parce que vous sentiez votre équipe dans le rouge à force de trop défendre que vous avez procédé à un coaching assez précoce dans le match ? Vous ne voulez pas nous libérer, s'il vous plaît... (sourires) On a gagné, on a un Grand Chelem à fêter, on aimerait aller boire quelques bières plutôt que de répondre toujours aux mêmes questions avec toujours les mêmes réponses, je ne sais pas. Le coaching, bon, on peut parler du coaching. Oui, on souffrait, mais même en gagnant assez confortablement, on a toujours coaché assez tôt avec les deux piliers, Sébastien (Chabal), « Panpan » (Lapandry) sur blessure et Mathieu (Bastareaud), qui éprouvait quelques difficultés sur les montées défensives, par David Marty. Quelle performance une fois encore de votre paquet d'avants... Pour l'occasion, je n'aurai que quatre mots d'anglais: « No scrum, no win. » (pas de mêlée, pas de victoire). En tout cas, je suis particulièrement heureux que ce soit un pilier (Nicolas Mas a été désigné meilleur joueur du match, ndlr), un pilier droit, un homme de devoir, qui soit récompensé ce soir (samedi) et à travers lui, tout ce paquet d'avants. Et il est vrai que l'on doit certainement à notre mêlée cette victoire. "L'appétit vient en mangeant..." Alors que le doute semblait s'installer dans les têtes en seconde période, avez-vous senti que votre capitaine avait eu valeur d'exemple ? Oui comme toujours. Ne vous dites-vous pas qu'il va désormais être compliqué de composer à l'occasion des prochaines échéances un groupe de 30 joueurs ? Chaque chose en son temps, on va apprécier et puis, ce sera la première fois depuis deux ans que je quitte la compétition avec un peu de sérénité et de plaisir. On partira à trente en Afrique du Sud dans trois mois, on sait que ce sera solide. L'appétit vient en mangeant, évidemment qu'on a envie de continuer à gagner. On aimerait évidemment peut-être gagner un tournoi une année impaire, mais on a un peu de temps d'ici là...