La scène a lieu à Ottawa, au Canada, il y a un peu moins d'un an, le 5 février 2017. Denis Shapovalov, pas encore majeur (il a eu 18 ans en avril), est mené 6-3, 6-4, 2-1 par le Britannique Kyle Edmund lors du match décisif du premier tour de la Coupe Davis. Mécontent d'avoir une nouvelle fois perdu son service, "Shapo", comme on le surnomme, expédie une balle en direction du public
Mais celle-ci percute de plein fouet le visage de l'arbitre de chaise, Arnaud Gabas. Shapovalov est disqualifié, le Canada éliminé. L'arbitre français, durement touché, doit subir une opération du plancher orbital.
Shapovalov expédie une balle dans l'arbitre :
Dans d'autres sports, comme le football, par exemple, où l'on laisse passer moins de choses, la carrière de Shapovalov aurait été fortement compromise. Le joueur, ici, en a été quitte pour une amende de… 7.000 dollars (5.700 euros), évidemment ridicule au regard de qu'il peut gagner par ailleurs (le Canadien en est déjà à 843.000 dollars de gains en carrière, soit 689.000 euros). Aucune suspension, rien. Juste une image à changer, un événement à oublier. Désormais, le joueur refuse d'évoquer cet événement en interview, comme le précise Le magazine L'Équipe, qui lui consacrait un portrait samedi.
Tombeur de Nadal à Montréal. Heureusement pour lui, Shapovalov a fait aussi parler de lui en bien l'année dernière. Il y a le tempérament, bien sûr, qui, quand il reste dans les limites du court, égaie un monde du tennis parfois aseptisé. Il y a le look, aussi : belle gueule, cheveux longs, casquette à l'envers, qui apporte un peu de frais. Et puis, il reste le principal, le tennis, explosif, avec un revers à une main diabolique et une force de frappe terrible, qui lui a permis de devenir le plus jeune demi-finaliste d'un Masters 1000 (la deuxième catégorie de tournoi derrière les Grand Chelems), l'été dernier, à Montréal, avec une victime de poids sur sa route : Rafael Nadal.
Vainqueur de Wimbledon chez les juniors. Denis Shapovalov, né à Tel Aviv, en Israël, a déménagé au Canada à un an seulement avec ses parents d'origine russe. C'est là que sa mère, Tessa, qui fut une modeste 445e joueuse mondiale à la WTA, a commencé à lui enseigner le tennis, dès cinq ans. Très vite, Denis a commencé à faire ses preuves. Il gagne son premier tournoi chez les juniors à 14 ans. À 16, il remporte l'US Open juniors en double. À 17, il gagne Wimbledon en simple, toujours chez les juniors, avant de faire le grand saut et de disputer son premier tournoi ATP, à Washington, en juillet 2016. En 2017, il alterne les apparitions sur le grand circuit et deux nouvelles victoires sur le circuit Challenger, sur lequel les jeunes joueurs se font la main.
Première perf' en Grand Chelem. Battu d'entrée à Wimbledon par le Polonais Jerzy Janowicz pour sa première en Grand Chelem, il signe ses premiers succès à l'US Open, dans la foulée de sa victoire face à Nadal à Montréal. Issu des qualifications, il bat Daniil Medvedev puis Jo-Wilfried Tsonga (en trois sets secs) au deuxième tour, signant là sa première performance dans un Majeur.
Un peu moins de cinq mois plus tard, "Shapo" va retrouver "Jo" à Melbourne, jeudi, au deuxième tour de l'Open d'Australie. Et l'ancien (le Français est de quatorze ans l'aîné du Canadien !) sait qu'il va avoir fort à faire.
"C'est un super joueur, il est jeune, il a faim, il est gaucher, il a tout pour réussir, mais je suis toujours là", a insisté le Manceau avant la rencontre, programmée en ouverture de la journée australienne, sur le Margaret-Court Arena (11 heures locales, soit 1 heure du matin dans la nuit en France). Shapovalov, lui, est sans doute là pour longtemps. Il a fini l'année à la 51ème place mondiale, avec les prix de "star de demain" et de "joueur ayant le plus progressé" remis par l'ATP, qui a visiblement passé l'éponge sur son coup de folie de février. Shapovalov sera là pour longtemps, mais à condition de maîtriser ses nerfs…