Premier Grand Chelem de l'année, l'Open d'Australie n'a jamais été, historiquement, avare en surprise. Cela s'est une nouvelle fois confirmé, mardi, avec les qualifications pour les demi-finales du Britannique Kyle Edmund, 49ème mondial, aux dépens de Grigor Dimitrov (n°3) chez les hommes et d'Elise Mertens, 37ème au classement WTA, face à Elina Svitolina (n°4) chez les femmes.
Mais rien, absolument rien, ne pouvait nous préparer à l'affiche du troisième quart de finale du tableau masculin qui opposera mercredi après-midi à Melbourne (dans la nuit de mardi à mercredi en France) l'Américain Tennys Sandgren au Sud-Coréen Chung Hyeon, deux joueurs classés au-delà de la 50ème place mondiale et qui n'avaient jamais vu plus loin qu'un troisième tour en Grand Chelem. Sandgren-Chung, c'est sans doute là l'un des quarts de finale les plus improbables de l'histoire du tennis en Majeurs.
Chung, tombeur de son modèle Djokovic. Bien moins connu que ses contemporains Nick Kyrgios (22 ans) ou Alexandre Zverev (20 ans), Chung Hyeon, 21 ans, sera peut-être pourtant le premier à atteindre le dernier carré d'un Grand Chelem. Le Sud-Coréen était déjà devenu le premier, en novembre dernier, à remporter le Masters "Next Gen", ce Masters alternatif réservé aux huit meilleurs joueurs âgés de 21 ans ou moins. Son parcours à l'Open d'Australie est remarquable : après s'être qualifié sur abandon face à l'Allemand Mischa Zverev, quart de finaliste l'an dernier, il a battu successivement le Russe Daniil Medvedev, lui aussi grand espoir de 21 ans, puis Alexandrer Zverev et enfin, last but not least, l'ancien n°1 mondial Novak Djokovic, de retour de blessure, certes. "Quand j'étais petit, j'essayais de le copier. Je n'arrive pas à y croire ! C'est un rêve qui devient réalité", a reconnu mardi Chung, 58ème mondial, qui a emprunté à son modèle Djokovic sa vitesse de déplacement et son élasticité.
Joueur sur les conseils d'un médecin. Chung a été mis au tennis par ses parents sur les conseils d'un médecin. Regarder les courts verts était censé améliorer sa vue. Le Sud-Coréen, qui continue à porter de grosses lunettes blanches pour jouer, a ensuite passé deux saisons aux États-Unis, de 13 à 15 ans, dans la fameuse académie de Nick Bollettieri. Vainqueur du Masters Next Gen, Chung est devenu en novembre dernier le premier Sud-Coréen vainqueur d'un tournoi ATP depuis 2003 et Lee Hyung-Taik, précurseur du tennis sud-coréen, avec qui il s'entraîne parfois quand il retourne dans sa ville natale, Suwon, non loin de Séoul. Chung a déjà fait mieux que Lee en devenant le premier Coréen qualifié pour les quarts de finale d'un Grand Chelem. Et son parcours à Melbourne pourrait se poursuivre…
Sandgren, le sans grade. Car Chung sera opposé mercredi à un joueur moins bien classé que lui encore, l'Américain Tennys Sandgren, 97ème mondial. Alors, non, son prénom ne signifie pas que ses parents le destinaient à devenir joueur de tennis. Il s'agit du prénom de son grand-père. Dernier Américain en course alors qu'il n'est que le dixième joueur de son pays au classement mondial, Sandgren a longtemps joué en universitaire aux États-Unis. Puis il a écumé les tournois Futures et Challengers (3ème et 2ème divisions de l'ATP) pour se frayer un chemin vers le grand circuit. La voie a souvent été douloureuse pour ce joueur qui a intégré le tournoi final d'un Grand Chelem pour la première fois, l'an dernier, à Roland-Garros, à l'âge de 25 ans.
Également éliminé au premier tour à l'US Open, en août dernier, il a gagné son premier match en Majeur lors de cet Open d'Australie et même disputé - et gagné - sa première rencontre en cinq sets face à l'Autrichien Dominic Thiem, lundi. Cette victoire de prestige face au 5ème joueur mondial est venue s'ajouter à celle décrochée face à Stan Wawrinka au 2ème tour. Pas mal pour un joueur qui a raconté avoir regardé la finale de Wawrinka face au Serbe Novak Djokovic en 2016, dans un bar, au Tennessee, État du Sud des États-Unis dont il est originaire.
Des tweets embarrassants. Jusqu'à lundi, le parcours de Sandgren à l'Open d'Australie avait tout de la belle histoire. Mais le joueur, âgé de 26 ans, a été rattrapé par… son compte Twitter. En effet, il y suit plusieurs journalistes de la chaîne conservatrice Fox News, mais aussi des personnalités liées à l'alt-right américaine, dont l'une des manifestations, en août dernier, à Charlottesville, en Virginie, avait causé la mort d'une contre-manifestante. "Les informations que vous regardez ne dictent pas ce que vous pensez ou ce que vous croyez", s'est défendu le joueur, lundi, en conférence de presse. Mais la remontée de son fil Twitter ne laisse guère de doutes sur sa tendance politique - pro-Trump et anti-Clinton - et fait apparaître aussi certaines réflexions injurieuses. "J'ai atterri dans un club gay la nuit dernière… Mes yeux saignent encore", avait-il ainsi écrit en décembre 2012, comme l'a relevé L'Équipe. Mardi, le joueur a effacé l'intégralité de ses tweets.
Un premier affrontement il y a… deux semaines. Les deux joueurs surprises de ces quarts de finale se sont affrontés une seule fois. C'était pas plus tard que le 13 janvier dernier. Au premier tour du tournoi d'Auckland, Sandgren, lucky loser (il avait perdu en qualifications avant d'être repêché), avait été battu en trois manches par Chung. Revanche mercredi dans un cadre autrement plus spectaculaire.