On ne verra donc probablement plus Marion Bartoli sur un court de tennis. La joueuse française a annoncé mercredi après une ultime défaite à Cincinnati son retrait des affaires tennistiques. Gageons que cette retraite, comme l’ensemble de la carrière de la joueuse, ne recevra pas l’écho mérité par la mal-aimée du tennis français. Car si c’est d’abord une grande championne de tennis, victorieuse du dernier Wimbledon, qui tire sa révérence, elle restera pour beaucoup une joueuse un peu enveloppée, au jeu bizarroïde et au comportement étrange. Europe1.fr lance l’opération réhabilitation.
Parce qu’elle était la meilleure Française
Soyons clairs : depuis 2007 et le déclin d’Amélie Mauresmo, le tennis féminin français, parfois bien ingrat, doit à Marion Bartoli de n’avoir pas totalement sombré. Hormis la comète Alizé Cornet en 2009, aucune joueuse n’a été en mesure de contester le leadership de la jeune retraitée, 28 ans. Qui s’est souvent retrouvée bien seule lors des derniers tours des tournois, du Grand Chelem notamment.
Car la Ponote de naissance (Puy-en-Velay) a un palmarès dans les tournois majeurs à faire pâlir bien des compatriotes. Elle est ainsi la seule Française de l’ère Open (depuis 1968), avec Amélie Mauresmo et Mary Pierce, à avoir atteint au moins les quarts de finales de chaque levée du Grand Chelem. L’une des rares, aussi à avoir remporté l’un des quatre Majeurs. C’était à Wimbledon, en juillet dernier, et ça a probablement précipité sa décision.
Surtout, le départ de Marion Bartoli, actuelle 7e mondiale, laisse un grand vide. Un trou béant. La deuxième meilleure Française, désormais la première par défaut, Alizé Cornet, ne pointe qu’à la 28e place. Kristina Mladenovic pointe elle à la 38e place. Ajoutez Caroline Garcia, 78e, et Virginie Razzano, 95e, et c’est tout pour le Top 100. Autant dire qu’il va falloir probablement patienter quelques longs mois, sinon quelques années, pour voir une Française briller sur les courts.
Pour son jeu atypique
Le tennis est un milieu parfois étrange. Là où Michael Chang se faisait lever le public de Roland-Garros en servant à la cuillère, Martina Hingis recevait, pour avoir osé le même geste, une bronca du même public. Là où Monica Seles était louée du temps de sa splendeur pour sa technique atypique, en frappant des deux mains de chaque côté, Marion Bartoli a souvent été moquée parce qu’elle utilisait la même technique. C’est pourtant tout ce qui faisait le charme du jeu de la Française : il était unique, en tous cas au très haut niveau. L’analogie avec Monica Seles n’a d’ailleurs rien d’un hasard, la tenniswoman yougoslavo-américaine étant l’idole d’enfance de la Française.
Outre ce coup à deux mains des deux côtés, le jeu de Bartoli se caractérise aussi par une agressivité de tous les instants, symbolisée par une position très avancée sur le terrain en retour de service. Cette agressivité, la Française l’a cultivée dès ses premières années de tennis. A partir de 6 ans, à Retournac, en Auvergne, dans un local peu adapté, elle ne disposait alors pas du recul nécessaire et était contrainte de jouer dans le court. Finalement une bonne habitude bonifiée par son entraîneur de père.
Car qui dit jeu atypique dit parcours atypique. Et celui de Marion Bartoli l’est particulièrement. Hormis les tout derniers mois de sa carrière, la Française s’est en effet toujours entraîné avec son paternel, loin des structures fédérales. Un choix qui a pu expliquer l’amertume, sans doute trop fréquente, de l’appareil à son égard, mais qui a payé. Pourtant, Walter Bartoli, médecin de profession, n’y connaissait rien au tennis. C’est en détectant un don particulier chez sa fille qu’il a potassé des livres et tiré la quintessence de son potentiel, sans doute moins élevé que chez d’autres. L’homme a aussi créé de nouveaux exercices spécifiques, parfois déroutants.
Exemple lors du dernier US Open, en septembre 2012, avec ces élastiques noués aux chaussures.
Pour ses tics à répétition
Avec Marion Bartoli, le spectacle n’avait pas lieu seulement pendant les échanges. La joueuse française est en effet percluse de tics dès qu’elle entre sur le court. Incapable de tenir en place entre les points, la Française avait pour habitude de multiplier les gestes parasites, que ce soient petits sauts, coups dans la vide, ou moulinets du bras. Souvent, père et fille ont tenté de remédier à la chose qui, outre qu’elle attire les railleurs de tous poils, coûte son lot d’énergie. Avant de se rendre compte que tous ces mouvements permettaient à Marion Bartoli de rester dans son match.Et de nous faire sourire...
Marion Bartoli évoque ses manies face à une équipe de Roland-Garros :
Les manies de Marion / Marion's game time ritualspar rolandgarrosPour ses déclarations fracassantes
Agressive sur le court, Marion Bartoli a parfois aussi pu l’être en dehors. "Je suis Corse et j’ai beaucoup d'orgueil. Il vaut mieux ne pas me titiller, sinon je sors mon venin et je suis encore plus agressive", disait-elle ainsi aux journalistes en 2007 après un match à Roland-Garros gagné contre sa compatriote Aravane Rezaï, mieux traitée selon elle par les médias tricolores. "Oser dire que je suis 21e mondiale uniquement parce que je joue des petits tournois et dire que je n’ai pas un physique de joueuse professionnelle, c’est très humiliant", poursuivait-elle au sujet d’un article dont l’auteur était absent de la salle de presse. "Tant mieux pour lui", avait conclu, très remontée, la joueuse.
Ce franc-parler s’accompagne d’une intelligence rare. La Française est réputée pour s’attaquer avec succès à des grilles de Sudoku de niveau 7 et pour son exigence dans les études. J'avais plus de facilité à l'école qu'en tennis", explique celle qui a "toujours voulu être la première" et qui parlait de "catastrophe" lorsqu'elle ramenait un 19,5 sur 20 à la maison. Elle parle aussi un anglais parfait, comme elle l’a montré à Wimbledon après sa victoire. Cela avait surpris pas mal d’observateurs, car Marion Bartoli est souvent restée dans sa bulle au cours de sa carrière. Cela entraîna une absence de près de neuf ans en Fed Cup, ce qui restera peut-être comme le point noir de sa carrière.
Cela entraîna, aussi, un manque certain de reconnaissance. Début 2010, à l’Open d’Australie, elle remarquait ainsi qu’elle était la seule joueuse du Top 20 à ne pas disposer de sponsor pour ses tenues. "Je suis onzième mondiale mais je vais acheter mes chaussures et mes tenues au magasin comme tout le monde. Peut-être je ne suis pas assez blonde, assez grande ou assez mince", s’interrogeait-elle avec humour.
Désormais retraitée des courts, Marion Bartoli n’a toutefois peut-être pas fini de faire parler d’elle. Quelques jours après sa victoire à Wimbledon, en juillet 2012, elle confiait sur BFM son intérêt pour le poste de … ministre des Sports.
Marion Bartoli: "Ministre des Sports? Ça m...par BFMTV