L’aveu est perturbant. Gênant, même. Le président de la Fifa Sepp Blatter a reconnu jeudi soir à la radio-télévision suisse RTS que confier l’organisation de la Coupe du monde de football au Qatar en 2022 était "une erreur". En raison des températures extrêmes en été, entre 40°C et 50°C, Blatter a estimé qu’il était "plus probable" que la compétition se joue en hiver. Une drôle de confession de la part du patron du foot mondial mais une évidence pour les connaisseurs et amateurs de ballon rond. Retour sur un désastre plus que prévisible.
Désignation surprise. Face à quatre concurrents crédibles (l’Australie, les Etats-Unis, le Japon, la Corée du Sud), le Qatar est officiellement désigné comme pays hôte le 2 décembre 2010. Si l’alternance géographique est immédiatement saluée (après l’Europe en 2006, l’Afrique en 2010, l’Amérique du Sud en 2014 et l’Europe en 2018), les critiques pleuvent d'emblée au même moment sur les conditions climatiques dans ce petit pays du Golfe. "C’est une mauvaise décision", lance même Barack Obama.
Lobbying à prix d'or. Deux jours plus tard, les premières accusations tombent. Zidane, icône du foot français, est soupçonné d’avoir reçu un chèque de 15 millions de dollars pour soutenir la candidature du Qatar à travers une seule et unique phrase ("je soutiens la candidature du Qatar"). L’ancien champion du monde 1998 n’est pas le seul à être accusé. Les dirigeants de la Fifa, Sepp Blatter en première ligne, rejettent en bloc toutes les accusations possibles.
Des climatiseurs. Pour essayer de calmer les critiques autour des conditions climatiques difficilement supportables, le Qatar développe des systèmes de climatisation dans les stades, en 2011. Des nuages artificiels seront également envisagés. Mais c'est finalement un autre solution, inédite, qui devrait être retenue : jouer en hiver.
Un Mondial en hiver. Toujours dans les mois qui suivent la désignation du Qatar, de nombreuses voix évoquent la possibilité de jouer le Mondial en hiver pour éviter les chaleurs caniculaires. Michel Platini puis Sepp Blatter, encore lui, envisagent l’idée. "Je m'attends à ce qu'elle se déroule en hiver parce que quand vous jouez au football vous devez protéger les principaux acteurs, les joueurs", a lâché le "boss" de la Fifa en janvier 2011.
Qatargate, le dossier à charge de France Football. Deux ans plus tard, en janvier 2013, l’hebdomadaire relance la polémique avec de nombreuses révélations. Dans ses colonnes, France Football compare la Fifa à une "petite mafia". "Le Congrès de la confédération africaine a carrément été acheté pour que le Qatar puisse venir présenter sa candidature", souligne l'un des auteurs de l'enquête, Eric Champel. Pour étayer sa démonstration, France Football cite un mail interne à la Fifa dans lequel le secrétaire général de la Fédération internationale de football, Jérôme Valcke, déclare : "ils ont acheté le Mondial 2022".
L'intervention de Sarkozy. France Football évoque également au Palais de l'Elysée, le 23 novembre 2010, une dizaine de jours avant le vote de la Fifa, le 2 décembre, entre le président de la République de l'époque, Nicolas Sarkozy, le prince du Qatar, Tamin bin Hamad al-Thani, Michel Platini, président de l'UEFA, et Sébastien Bazin, représentant de Colony Capital, propriétaire du PSG, alors en proie à de grosses difficultés financières. "Au cours de cette réunion", écrit le journal, "il a tour à tour été question du rachat du PSG par les Qataris (effectif en juin 2011 ndlr), d'une montée de leur actionnariat au sein du groupe Lagardère, de la création d'une chaîne de sport (la future BeIn sport, lancée en juin 2012) pour concurrencer Canal + - que Sarkozy voulait fragiliser -, le tout en échange d'une promesse : que Platini (président de l'UEFA) ne donne pas sa voix aux Etats-Unis, comme il l'avait envisagé, mais au Qatar". Accablant...
Un choix politique : deuxième aveu. Fin 2013, Sepp Blatter fait une deuxième concession troublante dans les colonnes de l’hebdomadaire allemande Die Zeit. "Il y a eu des influences politiques directes" dans le choix du Qatar, reconnaît Blatter. "Des chefs de gouvernement européens ont conseillé à leurs membres qui pouvaient voter de se prononcer pour le Qatar, parce qu'ils étaient liés à ce pays par des intérêts économiques importants".
"Entre le 15 novembre et le 15 janvier". Le secrétaire général de la Fifa Jérôme Valcke déclare que le Mondial se déroulera "entre le 15 novembre et le 15 janvier au plus tard" sans préciser l'année (saison 2021-2022 ou 2022-2023). La tenue du tournoi entre novembre et janvier permettrait en tout cas d'éviter un télescopage avec les JO d'hiver de 2022. Mais cette hypothèse déclenche la colère de fédérations de sports d'hiver.
L'AVEU - Mondial 2022 : Blatter reconnaît "une erreur"
POLÉMIQUE - L'appart à 500.000 euros de Blatter
CONFESSION - Le Mondial au Qatar : "un choix politique"
SAISON - Et si le Mondial 2022 se jouait en hiver