Mercredi soir se dispute la 24e journée du championnat d'Angleterre avec notamment au programme un alléchant Arsenal-Liverpool. Le quotidien de la Premier League, un joueur le détaille de façon anonyme dans un livre sorti en janvier. Sur 300 pages, The secret footballer raconte à la première personne sa vie de joueur de haut niveau. Qui est-il ? Sans doute Dave Kitson, joueur anglais passé par Reading ou Stoke City. Mais là n'est pas le plus important. Le plus important est ce qu'il dit sur le quotidien du championnat le plus cher d'Europe et sur ses acteurs. Europe1.fr revient sur les dix principales leçons de ce récit.
Le chambrage permanent. Sur les pelouses de Premier League, les noms d'oiseaux et les petits coups vicieux sont légion (le capitaine de Chelsea John Terry ne serait pas le dernier à les pratiquer, d'ailleurs). Mais, parfois, la tactique employée est encore plus pernicieuse. "J'entendis ainsi pendant un match un adversaire dire à l'un de mes coéquipiers qu'il connaissait quelqu'un qui avait couché avec sa copine du moment, une célèbre chanteuse. La remarque fut mal accueillie, l'atmosphère du match se dégrada, et chaque tacle sembla laisser un homme à terre. Ce n'est qu'à l'issue du match, quand il fallut séparer les deux joueurs dans le vestiaire des visiteurs, que les autres joueurs comprirent pourquoi le match s'était transformé en un tel combat."
L'homophobie dans les stades. Racisme et homophobie sont deux des fléaux les plus courants dans le foot anglais. Dans ces conditions, le narrateur explique que révéler son homosexualité relèverait presque de l'inconscience. "Et vous, vous feriez votre coming-out, avant de partir jouer au foot aux quatre coins du pays devant des dizaines de milliers d'individus qui vous haïssent ? Pas moi. Je resterais assis dans le vestiaire à déprimer parce que certaines composantes de ce sport magnifique et incroyablement populaire ne me laissent pas d'autre choix que le silence. Et je repenserais à Justin Fashanu, footballeur et homosexuel, qui s'ôta tragiquement la vie en 1998."
La course aux augmentations. Championnat le plus riche du monde, la Premier League rémunère bien ses ouailles. "Si mon employeur me propose une augmentation, je la prends. Et je ne la prends pas en pensant à mon petit confort où à toutes ces choses que je vais pouvoir accumuler, je la prends en pensant à ce que je vais pouvoir transmettre à mes enfants et à leurs enfants quand ils démarreront dans la vie. Si je gagne 100.000 livres par semaine et que mon club m'en offre 110.000, j'accepte et je sais que vous accepteriez aussi."
Le casse-tête des primes. "The secret footballer" confirme que, dans le football, tout se négocie, à commencer par les primes, calculées en fonction de l'affluence dans les stades, les matches consécutifs, les buts marqués, la série de victoires, etc. "Tenter de mettre d'accord sur les barèmes des primes un groupe de trente joueurs, c'est un défi de l'étoffe dont sont faits les cauchemars."
L'importance des agents. Plutôt que de parler lui-même du rôle souvent décrié des agents, "The secret footballer" a donné la parole à "l'un des agents les plus respectés et les plus influents actuellement en activité", qui témoigne lui aussi de façon anonyme dans cet ouvrage. Le discours est didactique mais n'oublie pas de souligner l'étendue du problème : "en Angleterre, tout le monde peut devenir agent. A bien y réfléchir, c'est peut-être un problème."
L'addiction aux paris. "The secret footballer" dresse un constat : "les paris et le football sont inséparables". Et le narrateur de raconter cette anecdote d'un joueur qui pariait sur quelle équipe allait bénéficier de la première touche avant de, une fois le coup d'envoi donné, balancer lui-même le cuir en dehors des limites du terrain. Gain assuré. Mais il y a pire... "La plus triste histoire de paris que j'aie jamais entendu concerne deux joueurs de Newcastle qui tuaient le temps dans les chambres d'hôtel avant les matches en pariant des fortunes sur la goutte qui serait la première à tomber du rebord de la fenêtre."
Le phénomène des Wags. Les épouses de footeux, les fameuses Wags, qui mènent la grande vie, ce n'est visiblement pas un mythe, si l'on en croit "The secret footballer". "Je connais des épouses qui ont trouvé leur mari en pleine action, sont reparties faire du shopping, puis sont rentrées et ont préparé le repas comme si de rien n'était. Elles ne peuvent tout simplement pas imaginer la vie sans une garde-robe haute couture, deux semaines à Dubaï et la moitié de Tiffany pour Noël et pour leur anniversaire. Alors, elles regardent ailleurs."
Le mythe Liverpool. Le narrateur détaille quelques-unes des émotions ressenties par le footballeur professionnel évoluant en Premier League. Parmi ces émotions, celle de fouler la pelouse de Liverpool figure en bonne place. "L'âme et l'histoire du club étaient partout, depuis le panneau "This is Anfield" jusqu'aux accents de You'll never walk alone à la sortie du tunnel. A ce moment-là, j'eus la sensation de toucher au nirvana du football - une sensation qui peut facilement vous engloutir.
La discipline tactique. Tout au long de son récit, réécriture de ses chroniques pour le Guardian, le "footballeur secret" parle football, et parfois tactique. Il explique ainsi l'importance qu'a prise dans les clubs anglais la Pomo (la position offrant le maximum d'opportunités). "Un ami joueur m'a raconté qu'à Bolton, Sam Allardyce avait disséqué des centaines de corners tirés en Premier League pour savoir à quel endroit le ballon retombait en moyenne après avoir dégagé en touche. Une fois qu'il eut identifié un modèle (...), il plaça un joueur à l'endroit exact où le ballon touchait le sol le plus souvent. Ainsi, le risque que Bolton encaisse un but à la suite d'une contre-attaque diminua considérablement."
La fête partout, tout le temps. Même s'il se défend d'être allé trop loin lors des fêtes d'après-match (dont une avec des joueurs du Barça, à Las Vegas), le narrateur dresse le portrait d'un monde du football constamment branché sur 100.000 volts et biberonné au "Jägerbomb", mélange de Jägermeister et de Red Bull. "J'ai fait toutes les méga soirées d'Ibiza (...). J'ai été dans toute l'Asie et je suis sorti dans les endroits les plus branchés de Tokyo. J'ai fait tout ce qu'il fallait faire en Angleterre et dans la plus grande partie de l'Europe, y compris les bars à glace en Islande et les strip-teases burlesques à Paris."
Le spectre de la dépression. Le narrateur anonyme explique avoir connu plusieurs phases de dépression au cours de sa carrière, une expérience qu'il serait loin d'être le seul à connaître ou à avoir connu dans le milieu du football. "Je me contentais de rester assis là, heure après heure, jour après jour, redoutant d'aller me coucher parce que je savais que, quand je rouvrirais les yeux, il faudrait que je quitte la maison et que j'aille à l'entraînement, et tout recommencerait."
*The secret footballer, dans la peau d'un joueur de Premier League, Traduction de Bertrand Pirel, Hugo Sport, 300 pages, 16,50 euros.