Avant de défier l'Angleterre en amical mi-novembre à Wembley, l'équipe de France s'est hissée à la première place de son groupe de qualification à l'Euro 2012 grâce à une série de trois victoires de rang sur le même score (2-0), contre la Bosnie, la Roumanie et le Luxembourg. L'occasion de faire, avec Laurent Blanc, un premier bilan de l'action du nouveau sélectionneur un peu plus de trois mois après sa prise de fonction. UNE NOUVELLE PAGE Non, la page sud-africaine n'est pas totalement tournée. Du moins pour les joueurs, à écouter Laurent Blanc. "Ça ne s'efface pas un traumatisme comme celui-là. Vous l'avez à vie, assure-t-il. Les gens qui étaient présents en Afrique du Sud y penseront toute leur vie. Ils sont en train de surmonter cet épisode. Ça se fera avec le temps, mais surtout avec les victoires. Si on avait la chance de créer une nouvelle histoire, ça pourrait être moins douloureux pour eux. Mais la cicatrise, ils l'auront toujours." Peut-être. Mais l'arrivée du sélectionneur a d'ores et déjà pansé les plaies les plus purulentes. Désireux de dépassionner les rendez-vous avec la presse, dont son prédécesseur avait fait un champ de bataille, Laurent Blanc a gagné son pari grâce à un vrai sens de l'échange, qui donne à ses conférences de presse l'occasion enfin de parler tactique, qu'importe ses tics de langage ("Je crois que bon...") et ses réponses parfois à rallonge. Une volonté de s'ouvrir vers l'extérieur, illustrée par des sorties symboliques (match de basket à Bercy, visite du Centre Pompidou de Metz), qui transpire au sein d'un groupe France. "La vie en interne, individuelle et collective, c'est important pour un entraîneur, reconnaît Blanc. On a beaucoup observé, on a proposé beaucoup de choses pour voir si les joueurs étaient motivés et concernés. On en apprend un peu plus sur les hommes, sur la personnalité de chacun. Il faut qu'on apprenne à bien vivre ensemble. C'est le cas pour l'instant. Sur ce sujet-là, il y a un gros motif de satisfaction." Et ce n'est pas le seul. Forte de ses bons résultats, la première préoccupation du sélectionneur, l'équipe de France regagne sortie après sortie le coeur des Français, dernière illustration à Metz. "Le public français est amoureux du foot français, il a été tellement déçu, sa joie est à la mesure de cette déception, estime Blanc. On peut mesurer l'amour de l'équipe de France de football, comme on l'a vu pour l'équipe de France d'athlétisme ou de natation, les gens sont heureux de soutenir leur équipe nationale surtout quand elle gagne. J'espère qu'il y aura d'autres victoires pour reconquérir ce public qui ne demande que ça." LE PEPIN GROSSIT, LE CHANTIER DIMINUE Lors de sa première intervention en qualité de sélectionneur de l'équipe de France, Laurent Blanc se désolait de ne disposer comme héritage de Raymond Domenech que d'un "pépin de melon" pour noyau dur. Qu'en est-il du pépin ? "Ça grossit. On l'arrose, s'amuse-t-il. Tous les joueurs nous ont donné satisfaction dans leur comportement. Les trois ou quatre matches qu'on a fait ont permis à certains de postuler pour faire partie du noyau dur." Pour ne citer que ceux-là, Lloris, A. Diarra, Diaby, M'Vila, Malouda, Gourcuff ou encore Benzema, sans oublier le duo Rami-Mexès (voir ci-dessous), ont vraisemblablement convaincu le sélectionneur. "On va les surveiller en club. On aura peut-être un peu plus de certitude en mars concernant ce noyau", conclut Blanc. Un début de quelque chose. Et rien d'autre... "On est réaliste. Quand on a pris l'équipe de France après ce qui s'est passé en Afrique du Sud, on connaissait le chantier qui nous attendait, ajoute-t-il. On s'y est attaqué. Mais le chantier est encore là et bien là. Des progrès à accomplir, il n'en manque pas, dans la complémentarité, dans le choix des joueurs, dans les performances individuelles et collective de l'équipe." Pour résumer, les victoires, même fondamentales, contre la Bosnie, la Roumanie et le Luxembourg lors de ces éliminatoires à l'Euro 2012 - une étape dans le processus de construction - ne permettent pas d'en savoir beaucoup sur le niveau réel de cette équipe de France. Les deux prochains matches amicaux des Bleus, contre l'Angleterre en novembre et contre le Brésil en février, devraient nous en dire plus. Mais Blanc avance prudent: "Ce sont des matches particuliers et intéressants à jouer. Je sais les titres que vous allez mettre : « On va enfin savoir ce que vaut l'équipe de France ». Mais je n'en ai rien à faire. Ce sont des matches qui vont nous aider à progresser, qu'on va jouer avec beaucoup de plaisir, mais on n'est pas au niveau de ces équipes. Il faut se rendre à l'évidence. Je vous donne déjà la réponse avant que vous ne posiez la question." DEFENSE, ÇA AVANCE C'était sa priorité: construire une véritable assise défensive, chantier que n'a pas pu ou su terminer son prédécesseur. Depuis quatre matches, une défense-type s'est dégagée: Sagna-Rami-Mexès-Clichy, le premier ayant été remplacé sur blessure par Anthony Réveillère lors des deux dernières rencontres. Résultat, l'équipe de France n'a pris qu'un but en quatre matches. "Dans ce domaine, on est aussi en construction, souligne le sélectionneur. Il n'y a jamais de certitudes dans ce domaine. Mais c'est vrai qu'on est en nets progrès. Le bloc défensif est l'un des sujets de satisfaction. C'est une bonne habitude à prendre de ne pas encaisser de but parce que ça aide beaucoup dans le football." La sanction n'est pourtant pas passée loin contre la Roumanie. "Paradoxalement, on s'est mis en difficulté tout seul dans ce match", reconnaît Laurent Blanc, ne dédouanant par Gaël Clichy pour sa perte de balle amenant le poteau roumain. "Gaël, dans sa phase défensive, doit être meilleur. C'est un joueur qui a une activité énormissime (sic) mais dans l'aspect défensif, il doit être meilleur", tranche le sélectionneur, séduit en revanche par les performances de Réveillère: "Moi, il m'a plu Anthony. Il m'a donné entière satisfaction. Dans le comportement, mais ça on le savait, c'est un garçon sérieux et appliqué. Mais, plus important, sur le terrain, où il a démontré des qualités offensives et défensives intéressantes. S'il concurrence Sagna, ça ne peut être que bénéfique pour l'équipe de France." Adil Rami et Philippe Mexès, installés en charnière, seront-ils eux aussi mis en concurrence ? Pas sûr même si les deux hommes n'ont pas toujours dégagé une assurance sans faille. Bref, la défense a encore du travail. "Elle a des progrès à faire face à une équipe qui présentera des attaquants de niveau international, avoue Blanc. C'est là où on va la jauger, c'est là où vous allez la juger. Ça ne vous suffit pas ce que vous avez vu. Et c'est normal. On attend de la voir face à l'Angleterre ou le Brésil." UN SELECTIONNEUR AIMANT ET EXIGEANT "Je ne suis pas agent de joueur, je suis sélectionneur." Un sélectionneur qui prend soin de ses joueurs, comme avec Florent Malouda, moins performant lors de ses deux dernières sorties: "Ça arrive d'être un peu moins performant avec la sélection. On peut avoir un coup de fatigue physique et moral et rater ses matches. Soyez un peu indulgent. Il n'était pas au top sur ces deux matches, mais il reste certainement le meilleur joueur français. S'il n'a pas de pépin physique ou une baisse de régime très importante, il sera présent lors du prochain stage." On peut parier que Yoann Gourcuff le sera aussi, remis en selle par son ancien entraîneur à Bordeaux après un début de saison compliqué, toujours marqué par le traumatisme de Knysna et son transfert tardif dans un club en difficulté. "C'était aussi la raison pour laquelle nous l'avons sélectionné, avoue Blanc. C'est un garçon dont on sait ce qu'il est capable de faire s'il retrouve la confiance. Ça s'est passé comme on l'avait prévu en ce qui le concerne. Tant mieux pour lui, pour son club et pour l'équipe de France, je l'espère, dans le futur. Pendant ces dix jours, on a vu une personne heureuse." Accompagné par les sifflets de Saint-Symphorien, Guillaume Hoarau l'était moins mardi à sa sortie du terrain. Mais à la question de savoir si on le reverra en équipe de France, Laurent Blanc s'est montré catégorique: "Oui. Quand on joue à deux attaquants, c'est quelqu'un qui peut être très complémentaire avec son coéquipier." L'évidence n'a pas sauté aux yeux mardi soir. La faute aussi à son coéquipier, Karim Benzema, que le sélectionneur ne lâche pas d'une semelle, persuadé que le Madrilène peut s'imposer comme le successeur de Thierry Henry. "Il faut qu'il enchaîne les matches et le problème, c'est qu'il ne les enchaîne pas, glisse le patron des Bleus. On s'est posé la question de savoir si on le titularisait contre le Luxembourg sachant qu'il a fini carbonisé face à la Roumanie. Je l'ai aligné pour qu'il prenne confiance parce que j'étais certain qu'il allait avoir des occasions et marquer des buts. Il en a marqué un. Ça va lui faire du bien. Le problème, c'est qu'il ne joue pas et que c'est difficile pour lui physiquement. A lui de résoudre ce problème. On va essayer de l'aider." Prochain patient, Franck Ribéry ?