Maria Sharapova n'a plus de points WTA après sa suspension pour deux ans, ramenée à quinze mois, pour un contrôle positif au meldonium ? On lui offre une invitation, une "wild card" qui permet d'entrer dans le tableau principal. Sa suspension se termine mardi à minuit ? On la programme mercredi à 18h30, même si une entrée aussi tardive dans un tournoi est généralement réservée aux têtes de série. Les organisateurs du tournoi de Stuttgart, en Allemagne, ont le sens du timing et de l'accueil pour l'ancienne n°1 mondiale, qui va retrouver les courts après quinze mois d'absence et son quart de finale perdu à l'Open d'Australie face à Serena Williams en janvier 2016.
"Maria devrait revenir autrement". Et le moins que l'on puisse dire est que les conditions de ce retour irritent. "Elle va pouvoir arriver mercredi et commencer son tournoi comme ça, c'est un peu bizarre pour les autres joueuses", a commenté l'Allemande Angelique Kerber au mois de mars, lorsque le sésame a été délivré à la Russe, également invitée à Madrid et à Rome (mais pas encore à Roland-Garros, qui donnera son avis le 15 mai prochain). "C'est un tournoi allemand, des joueuses allemandes auraient besoin d'invitation", a déclaré Kerber, détrônée lundi de sa place de n°1 mondiale par Serena Williams, vainqueur en janvier de l'Open d'Australie.
"Ce type d'invitation dans le tournoi devrait être réservé à des joueuses qui ont plongé au classement en raison d'une blessure, d'une maladie ou pour un autre motif incontrôlable", estime de son côté la Polonaise Agnieszka Radwanska, 8ème mondiale. "Pas pour celles qui ont été suspendues pour dopage. Maria devrait revenir autrement, en passant par de plus petits tournois."
"Le tennis reste du business". L'avis est partagé par la plupart des joueuses, notamment françaises. "Le fait qu'elle revienne, ce n'est pas vraiment le souci, c'est plus l'aide qui est mise à sa disposition", estime ainsi au micro d'Europe 1 Pauline Parmentier, 63ème joueuse mondiale. "Je sais que si ça nous arrivait à nous, les wild-cards, on pourrait les oublier."
Pour autant, les joueuses comprennent la position des tournois qui ont invité Sharapova. "Je comprends leur position, ça fait le buzz", reconnaît la n°1 française (et 19ème mondiale), Kristina Mladenovic. "Stuttgart doit être bien content d'avoir son retour à leur tournoi, ça attire les médias, plus de monde…" Les joueuses ne sont pas dupes, surtout dans le contexte du retrait d'une autre star, Serena Williams, qui a annoncé la fin de sa saison pour cause de grossesse. "Le tennis reste du business et les tournois ont envie de proposer Sharapova aux gens", souligne ainsi Alizé Cornet, 41ème au classement WTA.
Surtout le tournoi de Stuttgart, d'ailleurs. En effet, comme c'est le cas sur la majorité des tournois, celui-ci est sponsorisé, ici par Porsche (le nom officiel du tournoi est le Porsche Tennis Grand Prix et le compte Twitter officiel @PorscheTennis). Il se trouve que le constructeur automobile allemand est aussi l'un des principaux sponsors de… Maria Sharapova. Contrairement à certaines marques, comme Tag Heuer, qui ont rompu leur contrat avec la joueuse russe, Porsche s'était contenté de "repousser toutes les activités prévues" au moment du contrôle positif au meldonium. Dès novembre 2016, alors qu'elle était encore sous le coup de sa suspension, Sharapova posait aux côtés de la nouvelle Porsche 911 lors d'un salon automobile à Los Angeles…
Sharapova vainqueur à Stuttgart en 2014, dans une Porsche :
Sharapova en 2016 à Los Angeles, à côté d'une Porsche :
"Je trouve ça incroyable". Malgré la polémique, les marques n'ont donc pas toutes lâché Sharapova, et surtout pas la "marque" WTA. En mars, Alizé Cornet avait répondu à un tweet pour le moins étrange du compte officiel de la Women's Tennis Association, qui gère le circuit féminin professionnel. Celui-ci indiquait que les rivales de Sharapova "attendaient son retour"… Depuis, la WTA est revenue sur cette formulation malheureuse, mais sans mettre la pédale douce sur le come-back de la Russe, 30 ans.
"Je trouve ça un peu honteux que la WTA fasse de la promotion pour le retour de Sharapova qui a quand même été contrôlée positive. Je trouve ça incroyable", s'irrite Alizé Cornet. "Après, c'est une immense championne, dopée ou pas dopée, elle a des qualités extraordinaires et j'ai beaucoup d'admiration pour elle mais c'est quand même incroyable qu'on en soit arrivé là dans le tennis féminin, à faire de la promotion pour une fille qui a été contrôlée positive au meldonium et qu'on mette en avant son retour à ce point. Je ne trouve pas ça juste. Ce n'est que mon avis, mais je sais que, sur le circuit, on est beaucoup à le partager."
"Le cadet de mes soucis". Des voix plus conciliantes se font néanmoins entendre, comme celles de Venus Williams (12ème mondiale), qui s'est réjouie de "l'avoir de nouveau sur le circuit", ou de Simona Halep (5ème), pour qui elle pouvait de toute façon "revenir facilement même sans wild-card". Sharapova appréhende-t-elle son retour ? "C'est le cadet de mes soucis", a lâché la Russe cette semaine au magazine allemand Bild. "Je n'y ai même pas pensé. Je sais que je suis respectée dans mon domaine. Je le vois dans la façon dont elles (les autres joueuses, ndlr) jouent contre moi." Et elles feront à nouveau, dès cette semaine, à Stuttgart.
Chronologie de l'affaire Sharapova
1er janvier 2016 : le meldonium, médicament destiné à traiter des problèmes relatifs au diabète et vendu uniquement en Europe de l'Est, mais détourné pour un usage dopant, fait son apparition sur la liste des produits interdits.
26 janvier 2016 : Sharapova est contrôlée positive au meldonium à la suite de sa défaite en quarts de finale de l'Open d'Australie face à Serena Williams.
7 mars 2016 : elle annonce son contrôle positif et reconnaît avoir fait une "énorme erreur" en continuant à prendre du meldonium, "prescrit par son médecin", faute d'avoir vérifié la liste des substances prohibées.
8 juin 2016 : la Fédération internationale de tennis (ITF) suspend Sharapova pour deux ans, sanction habituelle dans les cas de dopage. La Russe annonce immédiatement qu'elle fait appel.
4 octobre 2016 : le Tribunal arbitral du sport réduit la suspension à quinze mois en retenant une "violation du code antidopage" mais "sans faute significative".
26 avril 2017 : la Russe fait son retour au tournoi de Stuttgart grâce à une wild-card et dispute le premier tour contre l'Italienne Roberta Vinci.