"Un coup de pioche dans une roche qui contenait un trésor." C'est ainsi que notre consultant Guy Roux décrit la décision du président du Real Madrid, Florentino Perez, de nommer entraîneur de l'équipe première Zinédine Zidane, un novice à ce poste. Mais, et c'est peut-être plus important encore que son manque d'expérience en tant qu'entraîneur principal, "Zizou" n'est pas un novice au Real. Pas du tout même. Il connaît tous les recoins de la "casa blanca", pour y avoir été joueur (2002 à 2006), puis conseiller du président, entraîneur adjoint du coach Carlo Ancelotti, l'année de la "décima", en 2013-14, puis entraîneur de la réserve, depuis.
"Le nom et le vécu de Zidane lui permettent d'être un manager de haut niveau d'entrée parce qu'il aura l'écoute des joueurs", estime Raymond Domenech. "S'il ne fait pas de grosses erreurs de communication avec son équipe, il aura quelques résultats parce qu'à ce niveau de qualité, il aura toujours des résultats, quoi qu'il arrive. S'il avait commencé avec Tours ou Valenciennes, ça aurait été plus compliqué..." Pour autant, le défi qui s'avance devant "ZZ" est d'envergure et il devra pour cela relever trois principaux défis.
Passer le cap de la première demi-saison. Compte-tenu de sa connaissance du Real mais aussi de l'état de l'effectif qu'il récupère, d'une rare qualité mais également quelque peu désorienté par la gestion qu'en a faite Rafael Benitez, Zidane a toutes les clés pour réussir son intronisation. "Il a une formidable connaissance du football, il bénéficie d'un respect total de tous les gens qui l'entourent, de tout le club et de tous les gens d'Espagne et même peut-être de ceux de Barcelone", relève Guy Roux, l'une des sommités du banc tricolore. "Il peut réussir. Il se livre peu, donc parle peu. Et il ne dit donc jamais de bêtise."
Zidane n'est pas autrement que les autres, et il bénéficiera sans doute d'un "effet" rebond après sa nomination, d'autant que le calendrier du Real lui épargne de sérieux tests jusqu'à la fin février et la réception de l'actuel leader de Liga, le voisin de l'Atlético. On devrait même lui excuser les quelques anicroches qui irritaient tant avec son prédécesseur. Mais pour combien de temps ? "Les six premiers mois, il sera tranquille. C'est plus pour après que je suis inquiet", estime Raymond Domenech, qui relève la difficulté à s'imposer sur la durée dans un grand club. A peine Zidane était-il nommé qu'un ancien dirigeant du Real, Ramon Calderon, rappelait d'ailleurs lundi qu'un certain José Mourinho était désormais sur le marché...
Gérer son impulsivité.Les déclarations de Calderon sur le BBC ne sont qu'un avant-goût de ce qui attend Zidane au quotidien. Au Real, il va subir une pression terrible. Ceci étant, "Zizou", la pression, il connaît. Mais, quand on est coach de l'un des clubs les plus puissants au monde, cette pression a malgré tout une tout autre saveur. Et il va lui falloir certainement prendre sur lui...
"Ça a été le seul point faible de sa carrière, sa capacité à péter les plombs de temps en temps", reconnaît aisément Raymond Domenech, qui était sélectionneur des Bleus lors du fameux coup de boule asséné à Marco Materazzi au Mondial 2006. "Il termine sa carrière de joueur sur un coup de tête en finale de Coupe du monde, où il a craqué. Il n'a pas été capable de résister à une émotion trop forte pour lui. Et quand on est entraîneur, on est confronté à ce genre de situation. On ne peut rien faire sur le terrain, on est frustré en permanence, on vit à travers les autres, qui sont sur le terrain, et parfois, ça ne va pas comme on en a envie. Dans ces moments-là, il faut être capable de prendre du recul, être capable de comprendre que l'autre n'est pas forcément capable de faire ce qu'on aurait envie qu'il fasse et être capable de garder son sang-froid." On ne va pas cacher qu'on est assez impatient de voir Zidane à l'oeuvre sur son banc lors d'un grand match du Real. Loin, très loin des matches de la réserve...
Digérer cette première expérience. En choisissant de faire le grand saut sur le banc du Real (il a eu une offre concrète de Bordeaux à l'été 2014, qu'il avait refusée), Zidane n'a pas choisi la facilité. D'abord car on attend toujours beaucoup d'un génie de sa trempe. Avant lui, deux anciens grands n°10 ont souffert lors de leur première expérience sur un banc (il est vrai au poste de sélectionneur d'une équipe nationale) : Michel Platini et Diego Maradona. Le premier a fini sur un Euro manqué (en 1992), le second sur une humiliation contre l'Allemagne (Mondial 2010). La trajectoire de carrière d'un autre géant du foot, Marco van Basten, sélectionneur des Pays-Bas entre 2004 et 2008 avant d'y revenir en tant qu'adjoint en 2015, ne fait guère plus rêver.
Non, le modèle que Zidane entend certainement suivre au Real est plutôt à chercher du côté du... Barça. Il y a Johan Cruyff évidemment, inventeur d'un nouveau style de jeu, mais également Josep Guardiola, passé lui aussi par l'équipe réserve pendant un an, ou encore Luis Enrique, tous joueurs du club devenus des références au poste d'entraîneur sous le même blason. Mais aucun des trois n'avait récupéré une équipe en cours de saison, ce qui ne facilite jamais les choses.