La présidente du comité olympique et sportif français (CNOSF) Brigitte Henriques a démissionné jeudi de son poste, à quatorze mois des JO de Paris 2024, un objectif sur lequel le Comité international olympique (CIO) lui a demandé de se "focaliser" dans un rappel à l'ordre dont il est peu coutumier. Quelques heures après cette démission surprise, épilogue de mois de crise, l'instance internationale basée à Lausanne, et généralement peu bavarde, a officiellement demandé au mouvement olympique français de "se focaliser" sur les JO de Paris et de "cesser les conflits internes".
Boss des JO de Paris et ex-membre du CIO, Tony Estanguet a lui aussi, dans un message à quelques médias, appelé à "la responsabilité collective" et à "l'apaisement et à la stabilité" en vue de "la réussite" des JO. Dans la matinée, la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra avait appelé l'instance à se "rassembler" et à "rebondir". Cette crise, qui dure depuis des mois, alors que se rapproche l'échéance des JO de Paris, inquiétait de nombreux acteurs du sport français. La ministre des Sports a convié le bureau exécutif de l'instance "mardi soir" afin de "faire le point".
Dans son discours de clôture devant les membres du CNOSF, Brigitte Henriques, première femme à présider cette instance, dans un monde sportif où les dirigeantes ne sont pas même une poignée, a expliqué qu'elle "l'a fait pour le sport français (...) et pour tous les Français qui nous regardent juste avant que le monde entier arrive".
"Elle n'avait plus le choix"
Les conflits et rivalités internes ont donc eu raison de l'ancienne vice-présidente de la Fédération française de football (FFF), 51 ans, en guerre ouverte depuis des mois avec son prédécesseur Denis Masseglia, trois mandats au compteur, et qui faisait face à un noyau d'opposants. "Elle n'avait plus le choix", a réagi auprès de l'AFP un président de fédération présent dans la salle de la Maison du sport français lors d'une assemblée générale qui était très attendue au cours de laquelle Brigitte Henriques, en poste depuis juin 2021, a annoncé sa démission. "La situation n'était plus tenable, elle a fait le choix qu'il fallait", a réagi un autre président de fédération après l'annonce-surprise de la présidente du CNOSF, une instance qui regroupe plus de cent fédérations françaises, représente le CIO en France et n'a qu'un rôle mineur dans l'organisation des JO du 26 juillet au 11 août 2024.
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Elle a détaillé le bilan de son action avant d'annoncer se démission qui sera effective le 29 juin, un scénario que peu avaient prédit, tant Brigitte Henriques avait répété ne pas envisager de démissionner malgré les nombreux épisodes de crises ayant émaillé sa mandature. La secrétaire générale de l'instance Astrid Guyart va maintenant assurer l'intérim jusqu'à l'élection d'un nouveau président "dans les trois mois à venir", précise un communiqué du CNOSF. Cette démission devrait ouvrir une nouvelle page pour une institution traversée depuis plus d'un an et demi par de nombreuses turbulences, entre plaintes, menaces de plaintes, coups bas et révélations d'échanges de mails dans la presse...
"Victime de violences"
L'éviction en septembre 2022 de l'ancien bras droit d'Henriques, Didier Seminet, avait révélé cette crise au grand jour, dont l'institution ne s'est jamais vraiment relevée. Fin 2022, très touchée, la présidente s'était mise en retrait pendant plusieurs semaines pour se reposer. Mais à son retour, le climat ne s'est pas apaisé et il s'est encore alourdi ces derniers jours avec l'annonce par Denis Masseglia de son intention de déposer de plainte au parquet national financier (PNF) pour abus de confiance visant la mandature de Brigitte Henriques.
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Brigitte Henriques et Didier Séminet avaient eux porté plainte l'un contre l'autre, entraînant l'ouverture fin mars de deux enquêtes par le parquet de Paris et confiées à la police judiciaire parisienne. "Denis (Masseglia) l'a 'tué', comme il l'avait fait auparavant avec d'autres femmes, c'est la victoire de l'ancien monde", a réagi dans un texto à l'AFP une source au sein de l'entourage de l'ancienne présidente.
L'avocat de Brigitte Henriques, Me Arash Derambarsh, estime de son côté que sa cliente "n'a cessé d'être harcelée et diffamée durant son mandat". "Je regrette que la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra n'a jamais soutenu fermement et ouvertement ma cliente alors qu'elle était victime de violences", déplore-t-elle. Philippe Bana, le président de la Fédération française de handball, a lui salué "une décision courageuse qui diminuera sûrement sans doute les conflits en cours" : "On était dans une spirale sans fin, il faut espérer que les tensions s'apaisent", a-t-il déclaré à l'AFP.