Alors que Karim Benzema doit s'exprimer mercredi soir sur TF1, Le Monde dévoile l'essentiel de son audition face à la juge d'instruction au début du mois de novembre, près de cinq mois après le début de l'affaire.
Acte I : de juin à octobre, le début de l'affaire. Alors que les Bleus se rassemblent à Clairefontaine pour préparer leurs deux matchs amicaux du mois de juin, Mathieu Valbuena reçoit plusieurs appels téléphoniques pressants. Ses interlocuteurs, affirmant être en possession d'une vidéo intime le mettant en scène avec sa compagne, lui demandent environ 150.000 euros. L'ex-Marseillais dépose une plainte.
Les enquêteurs entrent alors en contact avec trois hommes (Alex A., Mustapha Z. et Younes H.), soupçonnés d’être ceux qui ont appelé Mathieu Valbuena. Selon le journal Le Monde, six conversations téléphoniques sont enregistrées par la police. Le 5 octobre, lors d’un nouveau rassemblement de l'Equipe de France, l’affaire de la sextape refait surface au sein du groupe France. Selon Le Parisien, Mathieu Valbuena et Karim Benzema ont un échange sur le sujet. Une information confirmée depuis par le joueur de l'Olympique Lyonnais.
Acte II : l'affaire de la sextape devient "l'affaire Benzema". Huit jours plus tard, le scandale est rendu public. Quatre personnes, parmi lesquelles l’ancien footballeur Djibril Cissé, sont placées en garde à vue. L’ex-international est libéré dans la journée. Mais les enquêteurs interpellent Karim Zenati, proche de l’un des frères de Karim Benzema. Il aurait été chargé de convaincre l’attaquant des Bleus de parler avec Valbuena au sujet de la sextape. Dans la foulée, Benzema est lui aussi placé en garde à vue, où il reconnait son rôle d'intermédiaire.
Benzema est alors déféré au parquet et mis en examen pour "complicité de tentative de chantage" et "participation à une association de malfaiteurs." La mise en examen est accompagnée d'un placement sous contrôle judiciaire avec interdiction formelle "d'entrer en contact de quelque façon que ce soit avec la victime." Europe 1 a pu consulter des extraits de la conversation téléphonique entre Karim Benzema et son ami Karim Zenati. D’emblée, le buteur vedette donne le ton à son ami : "Je pense qu’il nous prend pas au sérieux". Karim Benzema rapporte alors comment il a argumenté pour prouver à son coéquipier que la menace était sérieuse. "Je lui ai dit : ‘moi je vais t’arranger la sauce. Faut que tu vas voir le mec (sic). Il va venir. Il va te parler. Mais je te donne ma parole que y a pas d’autre copie (de la sextape, ndlr)’", rapporte dans ces termes Karim Benzema à son proche. Un peu plus tard, l’attaquant poursuit : "je lui dis : ‘si tu veux que la vidéo elle soit détruite, mon ami, il vient te voir à Lyon, tu vois directement avec lui’".
Acte III : Valbuena réagit. Le 20 novembre, Mathieu Valbuena est auditionné pendant deux heures et demie par la juge d'instruction chargée de l'affaire, avant de s'exprimer publiquement dans un entretien au journal Le Monde. Il se dit "déçu, plus que déçu" par Karim Benzema. "Ses propos témoignent d’un manque de respect. Moi, je respecte tout le monde, mais là, j’ai l’impression de me faire prendre pour un con." "A un moment, je ne peux pas défendre l’indéfendable. Même à mon pire ennemi, je ne ferais pas ça", déclare notamment l'international français. La Fédération française de football décide de se porter partie civile.
Acte IV : Sportifs et politiques s'en mêlent. Mardi, Manuel Valls, invité de la matinale d'Europe 1, a déclaré qu'un "grand sportif doit être exemplaire (...) S'il ne l'est pas, il n'a pas sa place en Equipe de France". "Je n'aime pas ces gens qui donnent des leçons d'exemplarité", a répondu Nicolas Sarkozy, invité d'une matinale spéciale sur Europe 1 mercredi. "Je ne suis pas sélectionneur de l'Equipe de France, Monsieur Valls non plus." Pour l'ancien chef de l'Etat, "cette actualité est épouvantable. On accuse, on dénonce, on démolit, on reproche. C'est le contraire de ce que devrait être une démocratie apaisée".
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Plus tôt, le nageur français Camille Lacourt avait déclaré : "pour moi, il n'a plus sa place en Equipe de France après toutes les erreurs qu'il a commises dans un temps trop bref. Il n'est pas apte à représenter la France". Djibril Cissé, un temps impliqué dans cette affaire, a lui préféré laisser à Benzema "le bénéfice du doute". "Pour l'instant, il est mis en examen, mais il n'a pas été jugé et il n'est pas coupable. Laissons-lui le bénéfice du doute, le temps de s'expliquer et laissons la justice faire son travail. Ne soyons pas trop méchants avec lui pour l'instant" a-t-il expliqué.
Acte V : Le PV d'audition de Benzema publié. Dans la matinée de mercredi, Le Monde publie l'essentiel des déclarations de Benzema lors de son interrogatoire de première comparution. "Non, je n'ai pas participé à tout ça. Je pense que c’est un gros malentendu. Au départ, je voulais le mettre au courant d’une histoire qu’il y avait sur lui et l’aider. Parce qu’on m’a déjà fait ça, le même style de fait. C’est quelqu’un qui joue avec moi en équipe de France, c’est un pote", a-t-il déclaré à la juge d'instruction, alors qu'il avait reconnu quelques heures auparavant, en garde à vue, devoir "servir d'intermédiaire". Après la publication de ce procès verbal, l'avocat du joueur a décidé de porter plainte pour "viol du secret de l'instruction", selon RTL.
D'après les informations d'Europe 1, l'attaquant des Bleus, dans une écoute téléphonique, raconte sa conversation avec Valbuena, auquel il a assuré avoir vu la fameuse sextape. Interrogé sur ce point par la juge, l'attaquant du Real Madrid affirme : "Non, je ne l'ai pas vue. [...] Franchement je ne sais pas pourquoi je lui dis ça. La vidéo, je ne l'ai pas vue." Et la juge de pointer au footballeur ses contradictions : "Est-ce vraiment un conseil d'ami de mentir sur l'existence d'une vidéo, crédibilisant ainsi le chantage mis en œuvre ?" Une question à laquelle Karim Benzema répond : "Je ne sais pas comment vous expliquer. [...] Ce n'était que de l'aide, je n'avais rien d'autre derrière la tête".
Acte VI : Quand Benzema qualifie Valbuena de "tarlouze". Tout au long de son interrogatoire, le joueur a ainsi tenté de minimiser son rôle, parlant de Mathieu Valbuena comme "d'un pote". Pourtant, lui rappelle la juge, il qualifie Mathieu Valbuena de "tarlouze", comme en atteste une autre écoute téléphonique. Benzema répond alors qu'à ce moment-là, il était énervé que son nom soit sorti dans la presse. Avant de se justifier : " 'tarlouze' on peut le dire à tout le monde, à ses amis, à ses potes. Pour moi, pour la nouvelle génération, c'est amical"...
Acte VII : La contre-attaque publique du clan Benzema. Farid Benzema, l'oncle de l'avant-centre, a de son côté tenu à répondre aux déclarations du Premier ministre au micro d'Europe 1. "Le Premier ministre a le droit de s’exprimer, mais je pense qu’il a un peu plus à faire au niveau politique qu’au niveau sportif. A chacun ses compétences", a-t-il réagi. "C'est un acharnement". "C’est de la démesure. C’est une affaire d’Etat ? De là à ce que le Premier ministre prenne position par rapport à ce dossier-là... Jusqu’à preuve du contraire, il y a la présomption d’innocence. Il a été entendu, Valbuena a été entendu. Laissons les choses faire. Faut qu’on arrête", a poursuivi Farid Benzema. L'attaquant des Bleus s'exprimera sur l'affaire mercredi soir, au JT de 20H de TF1. Objectif : laver son honneur et renverser le rapport de forces. Jamais le joueur n'aura fait face à une telle adversité.