France-Bulgarie. L'affiche sonne comme un électrochoc. Il y a 23 ans, les Bleus disaient adieu à la Coupe du monde aux États-Unis après une défaite lors du dernier match de qualifications face à la Bulgarie (2-1). Tous ceux qui l'ont vécu, et même les autres, se souviennent avec émotion du centre raté de David Ginola, du but à deux secondes de la fin du temps réglementaire d'Emil Kostadinov et du visage abattu du sélectionneur, Gérard Houllier, et de son adjoint, un certain Aimé Jacquet. Mais il y a peut-être des choses que vous ignorez encore sur ce match*. Ou que vous avez préféré oublier…
La Bulgarie s'impose 2-1 à la 90e minute :
Deux Bleus seulement ont chanté La Marseillaise. L'Amérique, très peu pour eux. Et La Marseillaise itou. Deux joueurs seulement du onze de départ avaient fredonné l'hymne national avant le coup d'envoi : Franck Sauzée et Jean-Pierre Papin, qui était capitaine. Cela n'avait ému personne à l'époque.
Un coq a entraîné l'interruption du match. Le début de match des Bleus avait été perturbé, non pas par le pressing des Bulgares mais par un coq. Plusieurs joueurs tricolores s'y étaient mis pour essayer de l'attraper, sans succès, comme Laurent Blanc et Alain Roche. Lesquels n'avaient pas été plus efficaces pour stopper la course de Kostadinov à la 90e minute.
Didier Deschamps est à l'origine du premier but. Aujourd'hui sur le banc des Bleus, Deschamps avait été l'un des hommes clés de la rencontre du 17 novembre 1993. C'est lui qui avait taclé (sévèrement) Tsanko Tsvetanov pour récupérer le ballon sur le but français. Libre de tout marquage, son adversaire étant resté au sol, "DD" avait délivré un superbe centre pour Papin, qui avait astucieusement remis de la tête pour Éric Cantona. Deschamps sera le capitaine des Bleus champions du monde en 1998, alors que Cantona achèvera sa carrière sans avoir disputé la moindre Coupe du Monde.
Emil Kostadinov et Luboslav Penev n'avaient pas de visa. Dix-huit secondes, c'est le temps qu'il avait fallu aux Bulgares pour mener leur contre-attaque gagnante. Les deux artisans principaux : Luboslav Penev, le passeur, et Emil Kostadinov, le buteur. Comble de l'ironie, ces deux joueurs auraient très bien pu ne pas être là. L'Équipe rappelle en effet mardi qu'ils n'avaient pas de visa. Ils avaient passé la frontière de nuit grâce à un ami résidant en Alsace. Et avaient ensuite bénéficié de la mansuétude d'un douanier à Mulhouse qui aurait lâché aux deux joueurs : "Je peux devenir un héros en France si je vous empêche de passer…" Ce douanier n'est pas dévenu un héros.
Une erreur d'incrustation a annoncé 2-1 pour la France. Le but "assassin" de Kostadinov - qui a été l'une des rares incursions bulgares dans le camp français - a plongé le Parc des Princes dans la stupeur. Même le responsable des incrustations en régie a eu visisiblement dû mal à y croire. À la reprise du jeu, il a en effet indiqué : "France : 2 Bulgarie : 1". Il a heureusement (ou malheureusement) corrigé son erreur quelques secondes plus tard.
Le commentateur bulgare a remercié Dieu. À l'inverse, du côté bulgare, le but de Kostadinov provoqua une joie extatique. À tel point que certains oublièrent la neutralité du métier de journaliste pour animer la tribune de presse. Le commentateur de la télé bulgare, déconfit et volontiers critique quelques minutes auparavant, avait ainsi arraché ses câbles et lancé ce qui allait devenir un cri de ralliement pour Hristo Stoitchkov et ses troupes : "Dieu est bulgare !"
Le but de Kostadinov vu depuis le coin des supporters bulgares :
Le maillot de David Ginola a fini chez un collectionneur bulgare. Ça, pour le coup, c'est un cadré collector. L'Équipe raconte mardi qu'Emil Kremenliev (celui-là même qui avait récupéré le ballon sur le centre raté du joueur du PSG) avait échangé son maillot avec David Ginola, tunique qu'il avait promise à un ami, Kiril Kolarov, qui gère un café à Sofia. Ce maillot a été prêté à Kostadinov pour la séance photo réalisée par L'Équipe. Le bourreau avec la défroque de la victime expiatoire…
Marcel Desailly avait "défoncé" la porte du vestiaire. On se souvient des larmes de Deschamps, du regard hagard de Blanc ou de Ginola, prostré. Mais certains avaient eu la déception plus expressive. Marcel Desailly, qui venait de rejoindre l'AC Milan, avait ainsi violemment frappé la porte du vestiaire tricolore. Histoire de faire passer un peu la frustration.
Johnny Hallyday a chanté lors de la soirée d'après-match. Pour fêter la qualification annoncée, la Fédération française de football (FFF) avait tout prévu. Dès le match face à Israël, d'ailleurs. Celui-ci, conclu par une défaite 3-1, avait été précédé de la diffusion de L'Amérique de Joe Dassin dans les enceintes. La FFF avait remis ça avant la Bulgarie, avec Sylvie Vartan et Johnny Hallyday invités pour une soirée VIP, se souvient dans L'Équipe Jean-Claude Darmon, alors directeur de la promotion de la FFF. Mais le tour de chant festif de "Jojo" était devenu finalement oraison funèbre.
Les joueurs bulgares ont croisé Vanessa Paradis dans la nuit. Tout à leur joie, la majorité des joueurs bulgares - qui allaient finir quatrièmes de la Coupe du monde - étaient allés fêter leur qualification aux Bains-Douches, rappelle encore L'Équipe. Ils y avaient notamment croisé Lenny Kravitz et sa compagne de l'époque, Vanessa Paradis. Et pendant que les Bulgares côtoyaient Paradis, les Bleus, eux, peinaient à digérer leur soirée en enfer…
*Le match est rediffusé mercredi soir sur la chaîne L'Équipe à partir de 20h45.