Toute la journée de jeudi, des files d’attente interminables se forment autour du célèbre court numéro 1. Les spectateurs de Roland-Garros se pressent autant pour voir le jeune Français Antoine Hoang, auteur d’un immense exploit contre l’Espagnol Fernando Verdasco, que pour dire adieu à cette arène ovale à l’architecture et à l’ambiance devenues mythiques. Dans quelques semaines, le "numéro 1" sera complètement détruit dans le cadre du vaste plan de restructuration qui a, déjà, profondément changé le visage du site parisien. Un nouveau Central, entièrement reconstruit, et le flambant neuf court Simonne-Mathieu, niché dans les Serres d’Auteuil, sont ainsi sortis de terre en moins d’un an. Mais que pensent les spectateurs de ce Roland-Garros "new look" ?
Le Central, séduisant mais toujours aussi agaçant
Quelques mètres après avoir passé les portes d’entrée, les habitués peinent à reconnaître le court Philippe-Chatrier. Plus haut (désormais 26 mètres), plus large (105 mètres contre 85 avant), plus moderne, le Central, reconstruit à environ 90%, n’a plus rien à voir avec l’enceinte décrépie qu’elle était encore il y a quelques mois. Le stade, toujours doté d’une capacité de 15.000 places, a désormais des allures d’arène avec ses angles arrondis, tandis que les sièges verts ont laissé place à de sublimes strapontins en bois clair.
"Les sièges sont très confortables, et esthétiquement le court est parfait. Il est vraiment très beau", s’émerveille Mickaël, présent à Roland-Garros pour la sixième année. "Le Central est vraiment incroyable. C’est la première fois que j’assiste à un tournoi du Grand Chelem, et c’est vraiment tout ce que j’imaginais avant de venir", approuve Alan, un jeune Argentin accompagné de sa petite amie. Pour les spectateurs, peu importe que le Central ne soit pas encore achevé, que des câbles pendent ici ou là, ou que quelques bâches servent de cache-misère (le fameux toit, tant attendu, sera posé l’an prochain).
Mais même avec cette cure de jouvence, le vénérable Philippe-Chatrier a conservé ses vilains défauts. Comme chaque année, les loges restent tristement désertes à l’heure du déjeuner, et c’est donc devant des tribunes clairsemées que l’Autrichien Dominic Thiem, finaliste l’an passé, a difficilement écarté le Kazakh Alexander Bublik. "C’était pareil mardi, il n’y avait pas grand monde. En fin de matinée et en milieu de journée, c’est relativement vide", constate Mickaël. Même le roi Roger Federer n’avait pas complètement fait le plein dimanche (oui oui…), pour son grand retour après quatre ans d’absence sur la terre battue parisienne.
Le court Central était bien vide en début d'après-midi pour le match de Dominic Thiem. (@Europe1)
Le court Simonne-Mathieu déjà adopté
A quelques dizaines de mètres à l’est du Central, les sièges vides se font nettement plus rares. Le court Simonne-Mathieu, inauguré en grandes pompes après des années de bataille judiciaire, a déjà été adopté par le public. "Le court est magnifique et il y a une belle ambiance. On sent que les gens sont contents d’avoir un nouveau court dans un décor aussi beau", s’exclame Vanessa, présente pour la cinquième année d’affilée. Ce court semi-enterré, niché derrière les Serres d’Auteuil, a effectivement de quoi impressionner. L’enceinte, avec ses larges panneaux de verre, s’intègre naturellement au milieu des arbres et des pelouses environnantes.
A l’intérieur aussi, où les plus de 5.000 spectateurs sont assis à seulement quelques mètres des joueurs, le résultat est impressionnant. Dès le premier tour, dimanche, le tout nouveau court Simonne-Mathieu s’est transformé en une arène incandescente, digne d’une ambiance de Coupe Davis, poussant le Français Nicolas Mahut vers la victoire contre l’Italien Marco Cecchinato, demi-finaliste l’an passé.
Le court Simonne-Mathieu, dont on aperçoit au fond les panneaux en verre, est situé au cœur des Serres d'Auteuil. (@Europe1)
A l’extrémité ouest du site, quatre nouveaux courts de compétition (10, 11, 12, 13) et deux nouveaux terrains d’entraînement (15 et 16) ont également fait leur apparition. Ce vaste espace, situé derrière le stade Suzanne-Lenglen et baptisé "le Fonds des princes", attire une impressionnante foule de passionnés colorés et bruyants, au point de donner lieu par instants à des bouchons aux abords des courts. "C’est beaucoup mieux qu’avant. Les courts sont semi-enterrés, on peut voir de loin ce qui se passe avec les écrans géants", assure Geoffrey, qui vient pour la deuxième fois à Roland-Garros.
La nostalgie du court n°1
Si les nouveautés de cette année font quasiment l’unanimité, la future destruction du court numéro 1 suscite des réactions plus contrastées. Construite en 1980, cette enceinte mythique de 3.500 places vit ses dernières heures avant de laisser place à une extension de la place des Mousquetaires et à la création d’un jardin. Alors avant de dire adieu à cet "amphithéâtre", aussi célèbre pour sa forme arrondie que pour sa chaude ambiance, Vanessa sort la boîte à souvenirs. "C’est un court historique. C’est dommage de le détruire, il avait une vraie valeur ajoutée. Puis c’est là où beaucoup de Français ont gagné", se remémore la jeune femme, interrogée en début d’après-midi.
La joie d'Antoine Hoang, vainqueur de l'Espagnol Fernando Verdasco au deuxième tour sur le court n°1. (@Europe1)
Quelques heures plus tard, Antoine Hoang écrira à son tour la légende du "numéro 1". Dans une arène bondée et bouillante (surtout dans le quatrième set), le jeune Français de 23 ans, quasi inconnu jusqu'ici, a réalisé la plus grande performance de sa carrière en battant l’Espagnol Fernando Verdasco. L’une des clés de l’exploit ? Le court numéro 1, de l’aveu même de l’intéressé : "C’est la première fois que je jouais devant autant de monde et dans une telle ambiance. Ça m’a énormément aidé". Au "nouveau" Roland-Garros, désormais, d’écrire sa propre légende.