Le Saladier leur a tellement échappé qu'ils ont pu se croire maudits. Après des années d'amères défaites et de psychodrames en coulisses, les "nouveaux Mousquetaires", le nom donné à la génération Tsonga, Gasquet et consorts (Monfils et Simon n'étaient pas sélectionnés), ont enfin remporté la Coupe Davis, seize ans après le dernier succès tricolore, dimanche, face à la Belgique (3-2). La joie est immense pour ces joueurs sans titre majeur jusqu'ici, mais leur soulagement, après la victoire, l'a été encore davantage. Enfin, les quolibets et les moqueries que ceux que beaucoup qualifiaient de "losers" vont cesser.
L'émotion de Tsonga. Pour mesurer l'état d'esprit des Bleus à l'issue de cette victoire 3-2 contre la Belgique, au bout d'un week-end brûlant dans la chaude ambiance du stade Pierre-Mauroy, il faut se replonger dans les traumatismes du passé. Pour Jo-Wilfried Tsonga, en premier lieu. Le leader français n'avait toujours pas digéré les deux dernières finales de Coupe Davis. En 2010, il avait dû renoncer, blessé. En 2014, il s'était d'abord incliné lors du premier simple face à Stan Wawrinka, avant de déclarer forfait, une nouvelle fois, en raison de douleurs au bras. Le public français lui en a longtemps voulu, et Tsonga n'en est pas ressorti indemne.
Pour "Jo", cette victoire est une revanche sur ce passé tumultueux, même s'il a perdu contre David Goffin le quatrième match, dimanche, en début d'après-midi. "Pour nous, c'était un boulet depuis le début de notre carrière. On n'y arrivait pas, et ça a pesé sur nous. On était tristes", a déclaré Tsonga, très ému. "J'étais jusqu'ici considéré comme un gars qui ne gagnait pas de Grand Chelem, qui ne gagnait pas ça, ne gagnait pas ci. Maintenant, il y a la Coupe Davis à mon palmarès."
Pour Gasquet, cette victoire "restera pour toujours". Le constat est également valable pour Richard Gasquet. "Richie" a incarné, à son corps défendant, la "french lose" jusqu'à la caricature. Propulsé star dès son plus jeune âge, annoncé comme un futur numéro 1 mondial, le Biterrois au revers de rêve n'a jamais remporté le Grand Chelem qu'on lui promettait et n'avait jamais réussi à porter l'équipe de France en Coupe Davis (il avait été battu par Federer lors du quatrième match en 2014).
Mais Gasquet reste un superbe joueur, capable de coups d'éclat comme samedi lors du double, qu'il a survolé de toute sa classe. "Ça fait dix ans qu'on entend ça, cette appellation 'nouveaux Mousquetaires', qu'on trouve d'ailleurs assez grotesque", a balayé "Richie" d'un revers (évidemment) de main, en conférence de presse. "Ça fait longtemps qu'on court après. C'est quelque chose de magique qui restera pour toujours", a-t-il poursuivi.
"On en a rêvé, vous ne pouvez pas imaginer". Cette pression de la victoire à tout prix en Coupe Davis, Yannick Noah lui-même l'a ressentie. "Quand tu ne gagnes pas pendant seize ans, tout le monde s'habitue à perdre. Je n'avais jamais connu ça. Cette culture de la lose, c'est dur. Tu ne joues plus contre l'adversaire, tu joues même contre quelqu'un de ton équipe", a confié Noah, désormais vainqueur à trois reprises du Saladier d'argent en tant que capitaine (1991, 1996 et 2017).
Pour tout le tennis français, et pas seulement pour la génération "nouveaux Mousquetaires", cette dixième Coupe Davis est une délivrance. "On en a rêvé, vous ne pouvez pas imaginer", a assuré Noah. Nous aussi, Yannick, nous aussi.