Le président de la Fifa Gianni Infantino a affirmé samedi se sentir "arabe", "gay", "travailleur migrant", en critiquant vivement, à la veille du coup d'envoi du Mondial-2022, les "leçons de morale" des détracteurs du Qatar, qui relèvent selon lui de "l'hypocrisie". Dans une conférence de presse débutée par un long monologue, très théâtral, le dirigeant italo-suisse a mis en avant ses origines italiennes pour assurer se sentir proche des migrants venus travailler à Doha dans des conditions fustigées par les organisations de défense des droits humains.
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"Aujourd'hui, je me sens qatari, aujourd'hui je me sens arabe, aujourd'hui je me sens africain, aujourd'hui je me sens gay, aujourd'hui je me sens handicapé, aujourd'hui je me sens travailleur migrant", a-t-il récité dans cette anaphore introductive. "Cela me renvoie à mon histoire personnelle, parce que je suis le fils de travailleurs migrants", a-t-il lancé. "Je sais ce que cela veut dire d'être discriminé, d'être harcelé, en tant qu'étranger. Enfant, j'étais discriminé (en Suisse) parce que j'étais roux et j'avais des taches de rousseur, j'étais Italien, je parlais mal l'allemand."
Face aux nombreuses critiques dont la Fifa a été la cible en raison des conditions de travail des ouvriers sur les chantiers du Mondial, Gianni Infantino a affirmé que la fédération internationale était l'une des rares à se soucier de leur sort.
"De l'hypocrisie"
"Parmi les grandes entreprises qui gagnent des milliards au Qatar, combien ont réglé la question du sort des travailleurs migrants? Aucune, parce qu'un changement de législation veut dire moins de profits. Mais nous, nous l'avons fait", a-t-il lancé, avant de s'interroger: "Pourquoi personne ne reconnaît ces progrès?" Le Qatar est régulièrement critiqué par les ONG pour son traitement des travailleurs migrants, notamment dans les secteurs de la construction, de la sécurité et du travail domestique, ainsi que des personnes LGBTQ+.
Ces accusations sont vigoureusement rejetées par les autorités, qui soulignent avoir réformé leurs lois sur le travail, et par les organisateurs qataris du Mondial, qui assurent que les membres de la communauté LGBTQ+ seront accueillis sans discrimination, en dépit des lois criminalisant les relations sexuelles entre personnes du même sexe dans le pays.
"Ces leçons de morale, biaisées, sont juste de l'hypocrisie", a asséné Gianni Infantino, à la tête de l'instance suprême du football mondial depuis 2016 et seul candidat à sa succession en 2023. "Pour tout ce que nous, les Européens, avons fait pendant 3.000 ans, nous devrions nous excuser pendant les 3.000 prochaines années avant de commencer à donner des leçons de morale aux gens", a-t-il ajouté.
"On peut survivre sans bière pendant trois heures"
Quant à la volte-face des autorités qataries qui ont subitement interdit vendredi la vente d'alcool à proximité des stades, elle a été balayée d'un revers de main par le Suisse: "Je pense personnellement qu'on peut survivre sans bière pendant trois heures. Que ce soit en France, en Espagne, en Ecosse."
Au-delà de la consommation d'alcool en soi, plusieurs associations de supporters se sont inquiétées de ce revirement soudain. Comment être certain qu'il n'y en aura pas sur d'autres sujets? Que se passera-t-il si des supporters étrangers arborent les couleurs arc-en-ciel ou si des couples affichent des marques d'affection, dans ce pays conservateur où l'homosexualité et les relations sexuelles hors mariage sont criminalisées? Plusieurs sélections occidentales ont répété leur intention de ne pas éluder ces questions des droits humains pendant leur séjour au Qatar.
Les fédérations anglaise et allemande ont prévenu qu'elles étaient prêtes à payer des amendes infligées par la Fifa s'il le fallait. Les Américains veulent pavoiser leur camp de base d'un drapeau multicolore. Les capitaines de huit sélections ont en outre dit leur intention de porter durant la compétition un brassard inclusif. Le gardien des champions du monde français, Hugo Lloris, a toutefois annoncé qu'il renonçait à cette initiative, ce qui lui a valu d'être critiqué dans son pays. Mais le bras du capitaine anglais Harry Kane sera observé par des millions de personnes lundi, avant le match contre l'Iran.
Cette question des droits humains continue donc de dominer l'actualité du Mondial à la veille du lever de rideau. Sur les droits des LGBTQ+, le dirigeant a assuré que les autorités qataries lui avaient donné la garantie que "tout le monde" était "le bienvenu" pendant la Coupe du monde. "Si quelqu'un dit l'inverse, ce n'est pas l'opinion du pays, et ce n'est pas l'opinion de la Fifa", a-t-il clamé. Le Mondial, qui se termine le 18 décembre, débute dimanche avec la rencontre entre le pays hôte et l'Équateur.