Entreprises écrans, comptes cachés à l'étranger, enveloppes de cash, villas luxueuses et œuvres d'art... L'enquête sur la corruption présumée au sein de la FIFA a mis au jour des pratiques diverses, chiffrées en centaines de millions de dollars de pots-de-vin et de rétrocommissions.
L'arrestation de Chuck Blazer comme premier coup de semonce. Ces pratiques qui ont fait l'objet de "l'une des enquêtes financières internationales les plus complexes jamais menées", selon le fisc américain. Enquête qui aboutit donc à l'ouverture du procès du volet américain de l'affaire lundi à New-York, deux ans après les retentissantes arrestations de plusieurs membres de la Fédération internationale de football.
L'enquête américaine a démarré en 2011 avec l'arrestation par le fisc américain de Chuck Blazer, ex-membre du comité exécutif de la FIFA qui fut pendant 21 ans secrétaire général de la confédération Concacaf, regroupant les fédérations d'Amérique du Nord, d'Amérique centrale et des Caraïbes.
Décédé d'un cancer en juillet, ce New-Yorkais qui vivait en pacha dans son appartement de la Trump Tower à Manhattan avait accepté de devenir un informateur de la police fédérale (FBI) et d'enregistrer ses pairs de la FIFA. Il apporta aux enquêteurs les preuves les plus tangibles d'une corruption endémique parmi les grands barons du football, souvent vénérés dans des pays où ce sport est roi.
Chuck Blazer
Mort en juillet à 72 ans à New York, l'ancien secrétaire général de la Concacaf (la confédération d'Amérique du Nord, centrale et des Caraïbes) a été arrêté discrètement par le fisc américain en 2011. Pour éviter la prison à vie, il avait accepté de devenir l'informateur du FBI, enregistrant ses pairs à leur insu, notamment aux Jeux olympiques de Londres en 2012.
Ces enregistrements ont notamment fourni aux enquêteurs la preuve qu'il avait, avec deux autres responsables de la FIFA, reçu dix millions de dollars de pots-de-vin pour l'attribution de la Coupe du monde 2010 à l'Afrique du sud. Il a plaidé coupable à dix chefs d'inculpation fin 2013 mais est mort avant d'être condamné.
42 individus impliqués mais seulement trois sur le banc des accusés. Au total, 42 individus et deux sociétés de marketing sportif ont été mis en cause par la justice américaine. Mais trois seulement, tous des Sud-Américains, seront sur le banc des accusés lundi lorsque commencera la sélection des jurés de ce procès censé durer plusieurs semaines.
Il s'agit de l'ex-président de la grande fédération brésilienne José Maria Marin (à 85 ans, il est l'un des accusés les plus âgés), de Juan Angel Napout, ex-président de la fédération paraguayenne et de la confédération sud-américaine Conmebol, et de Manuel Burga, qui dirigea la fédération péruvienne de 2002 à 2014 et fut membre du comité de développement de la FIFA. Ils encourent des peines allant jusqu'à 20 ans de prison.
L'insaisissable Jack Warner. Mais plusieurs puissants protagonistes de ce scandale resteront invisibles, comme Jack Warner, l'ex-patron de la Concacaf, débarqué dès 2011 pour des soupçons de corruption et inculpé par la justice américaine en mai 2015.
Originaire de Trinité-et-Tobago où il est revenu après sa radiation à vie de la FIFA, ce septuagénaire considéré comme un héros dans son pays, qui fut ministre et parlementaire, combat depuis son extradition vers les États-Unis.
Jack Warner
Âgé de 74 ans, cet ancien vice-président de la FIFA, a régné onze ans durant sur la Concacaf. Cité pour huit chefs d'inculpation dans l'acte d'accusation américain de mai 2015, il a été rapidement remis en liberté.
Ancien ministre de la Sécurité et parlementaire dans son pays, où il est resté très populaire, il a toujours balayé les accusations contre lui. En revanche, ses deux fils Daryll et Daryan Warner ont plaidé coupable en 2013. Aucune date n'a été fixée pour leur condamnation.
Certains dirigeants ont plaidé coupable pour éviter un procès. Jeffrey Webb, qui succéda à Warner à la Concacaf et que beaucoup voyaient comme un Monsieur Propre avant son inculpation pour avoir empoché plusieurs millions de dollars de pots-de-vin, est une autre figure centrale du scandale. Mais comme vingt-trois autres inculpés, il a déjà plaidé coupable pour éviter un procès. L'accusation n'a pas voulu dire s'il serait appelé comme témoin.
Fifagate: 15 mois de prison pour l'ancien secrétaire général de la Fédération de football des îles Caïman https://t.co/TGNhNfnWZq#AFPpic.twitter.com/nBYZmJwyfh
— Agence France-Presse (@afpfr) 31 octobre 2017
À ce jour, deux condamnations seulement ont été prononcées, pour des protagonistes relativement mineurs de ce dossier : un adjoint de Webb, Costas Takkas, vient d'entrer en prison pour trois mois tandis que l'ex-président de la fédération guatémaltèque, Hector Trujillo, écopait de huit mois. Aussi mineur que soit Trujillo, il a "trahi la confiance" de ses concitoyens et leur "amour pour le football", estimait récemment Pamela Chen, la juge en charge de tout le dossier.
Le volet européen de l'affaire
Si le volet judiciaire américain vise essentiellement des responsables nord- et sud-américains, plusieurs hauts dirigeants européens, dont Sepp Blatter et son ex-bras droit français Jérôme Valcke, sont eux dans le collimateur des justices française et suisse.
Et malgré une direction presque entièrement renouvelée et l'adoption de nouveaux garde-fous, le monde du football peine à s'extirper du scandale, comme en témoignent les récentes auditions par la justice suisse de Nasser Al-Khelaïfi, président qatari de beIN Média et du club parisien PSG.