Tout sourire, il avait partagé une dernière photo avec ses anciens coéquipiers. Quelques heures plus tard, le transfert d'Emiliano Sala de Nantes à Cardiff a pourtant tourné au drame. L'avion transportant l'attaquant italo-argentin a disparu lundi soir au-dessus de la Manche, plongeant le monde du foot dans la sidération et la tristesse. A 28 ans, Emiliano Sala venait de vivre les meilleures années de sa carrière, avec 12 buts en Ligue 1 cette saison, au point d'inciter le club de Cardiff, en Premier League, à en faire la recrue la plus chère de son histoire (17 millions d'euros). La récompense d'un parcours tortueux pour ce buteur atypique, pas épargné par les critiques ni les moqueries.
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— Emiliano Sala (@EmilianoSala1) 21 janvier 2019
Des débuts difficiles. Avant de se révéler comme l'un des meilleurs buteurs du championnat de France, le grand Emiliano Sala (1 m 87) a dû batailler. Repéré à l'âge de 15 ans dans son petit village de la province de Santa Fe, au centre-est de l'Argentine, il intègre le centre de formation argentin des Girondins de Bordeaux. Il rejoint finalement la France en 2010, à l'âge de 20 ans, mais ses débuts sont difficiles. Il est successivement prêté à Orléans, en National (2012-2013), puis à Niort, en Ligue 2 (2013-2014), où il marque à chaque fois 18 buts.
De retour à Bordeaux, il connaît un nouvel échec et est prêté à Caen, en Ligue 1, pour la deuxième partie de la saison 2014-2015. En Normandie, il inscrit cinq buts en six mois et participe grandement au maintien du club parmi l'élite. "Il n'a fait que six mois chez nous, mais c'est comme s'il avait fait plusieurs années. Au-delà du footballeur, c'est un garçon attachant. J'ai découvert quelqu'un d'exceptionnel, sans problème, heureux de vivre… Il faisait tout pour sa passion, le foot. Il fait partie des garçons qui m'ont beaucoup marqué", se souvient son entraîneur à Caen Patrice Garande, interrogé mardi sur Europe 1.
Longtemps moqué avant de gagner le respect. En dehors des terrains, Emiliano Sala fait l'unanimité par sa joie de vivre et sa capacité de travail. Mais son style peu académique, avec son allure dégingandée et ses grandes jambes, lui valent de nombreuses moqueries. Les Girondins de Bordeaux, qui ne croient plus en lui, le vendent au FC Nantes contre un million d'euros à l'été 2015. Et après une première saison correcte (6 buts), l'Argentin s'envole définitivement chez les Canaris. Toujours aussi généreux dans l'effort, Emiliano Sala franchit un cap et s'affirme comme un redoutable buteur (12 buts en 2016-2017 et en 2017-2018), faisant oublier sa technique parfois fruste. Cette saison, il fait encore plus fort avec 12 buts en à peine 19 matches, gagnant définitivement les cœurs nantais et s'attirant, par la même occasion, les convoitises des clubs étrangers. Cardiff, 18e de Premier League, n'hésite pas à en faire la recrue la plus chère de son histoire (17 millions d'euros), au grand dam de l'entraîneur nantais Vahid Halilhodzic.
"Emiliano est un garçon attachant. J'ai parlé avec lui. Il a 28 ans et il va gagner six fois son salaire actuel. J'aurais peut-être fait le même choix. Je voulais juste qu'on me mette au courant", avait regretté publiquement "coach Vahid", mécontent de ne pas avoir été informé du transfert de son attaquant vedette. Loin de cette polémique, Emiliano Sala était revenu lundi à la Jonelière, le centre d'entraînement du FC Nantes, prendre ses dernières affaires et faire ses adieux à ses coéquipiers. "Un dernier au revoir", avait tweeté l'attaquant. Comme un signe du destin.