EXCLUSIF - Olivier Giroud : «Je savourerai quand je m'arrêterai »

Olivier Giroud EDF
Olivier Giroud EDF © FRANCK FIFE / AFP
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Colin Abgrall
En direct du centre d'entraînement de son club actuel, le Milan AC, Olivier Giroud a accordé un entretien exclusif à Europe 1. Il répond aux questions de l’éditorialiste Jacques Vendroux et de Cyrille de la Morinerie. Il évoque notamment sa carrière, la situation en Ukraine et l’équipe de France, qu’il va retrouver après le forfait sur blessure de Karim Benzema.
EXCLUSIF

Deuxième meilleur buteur de l'histoire de l'équipe de France - 46 buts en 110 sélections -, à seulement cinq longueurs de Thierry Henry, l'attaquant français a passé 30 minutes avec nos journalistes pour se livrer sur sa carrière. Rencontré en début de semaine au centre d’entrainement du Milan AC, il évoque son enfance, ses débuts en Ligue 1, son passage en Premier League, son incroyable capacité à rebondir grâce notamment à ses croyances religieuses et bien sûr, l’équipe de France, avec laquelle il a marqué l’histoire. Un entretien passionnant, à retrouver en intégralité dans Europe 1 Sport avec Lionel Rosso.

Son enfance à Froges, dans l’Isère : "C’est là où tout a commencé"

"Froges, c’est mon village, c’est là où tout a commencé avant d’aller à Grenoble. J’ai tous mes amis et une bonne partie de ma famille qui vit encore dans la région grenobloise. J’ai pris ma première licence là-bas, j’y ai fait toutes mes classes jusqu'à 12 ans. J’en garde des souvenirs impérissables. Je prenais le ballon après l’école et j’allais taper contre un mur. Je travaillais ma technique et mon pied gauche sur ce mur et quand ce n'était pas un ballon, je prenais une balle de tennis et je tapais contre la porte d’entrée. J’entends encore mon père me dire ‘mais tu n’en as pas marre ?’ C’est là où tout a commencé, c’est chez moi."

Les débuts à Montpellier : "J’avais envie de laisser une trace en Ligue 1"

"Je me suis révélé au grand public avec ma première sélection en équipe de France. Après mon titre de meilleur buteur avec Tours, j’avais la possibilité d’aller outre-manche, au Celtic Glasgow. Mais j’avais envie de laisser une trace en Ligue 1. J’ai eu ce coup de fil de Loulou (Louis Nicollin, président de Montpellier de 1974 à 2017) qui m’a persuadé de signer à Montpellier. Je ne regrette pas du tout d’avoir fait ces deux très belles années, surtout la deuxième avec ce titre de champion et de meilleur buteur."

Arsenal, premier rêve de gosse : "Je dois beaucoup à Arsène Wenger"

"Arsène Wenger a contacté mon agent. Quand j’ai eu l’opportunité de réaliser ce rêve de gosse de jouer en Premier League, j’ai accepté rapidement. Il y avait deux clubs qui me faisaient rêver, Liverpool et surtout Arsenal. Après l’Euro 2012, j’ai signé mon contrat avant de partir en vacances. J’y ai passé cinq années et demie extraordinaires. J’ai beaucoup progressé, beaucoup appris, et je dois beaucoup à Arsène. Arsenal, c’était un rêve de signer là-bas."

Sur son parcours : "Je savourerai quand je m’arrêterai"

"Je suis très fier de mon parcours, du travail accompli jusqu’alors. Je savourerai pleinement quand je m’arrêterai. Je m’en rends compte, mais tous les clubs ou j'ai joué font partie du gotha européen. C’est quelque chose que je ne pouvais imaginer en tant qu’adolescent, on ne s’imagine pas avoir autant de chance. J’en profite pleinement. Quand on fera le bilan, il y aura aussi l’Équipe de France, un fil rouge qui est une immense fierté. Quand je ferai une salle de trophée et de maillot destinée au foot et à ma carrière, elle sera chez moi, mais je ne sais pas encore ou est-ce que je me poserai avec ma famille. Ça me remémorera de très beaux souvenirs. Je me sens béni. J’ai gagné beaucoup de titres. L’un de mes rêves, c’était la Premier League. Ça reste quelque chose que j’aurais voulu gagner. Maintenant, mon autre rêve, c'est de devenir champion d’Italie avec le Milan."

Sur son aventure à Chelsea : "Il y en a plus d’un qui ont été surpris"

"J’y suis resté trois ans et demi. Je pense qu’il y en a plus d’un qui ont été surpris de voir que je pouvais rebondir à Chelsea. J’ai eu cet appel via un ami d’Antonio Conte, qui avait besoin d’un attaquant. Arsène Wenger recrute Alexandre Lacazette à l’été 2017 à Arsneal. Six mois après, il voulait faire venir Pierre-Emerick Aubameyang. J’ai eu une discussion très simple et honnête avec lui, en lui demandant de me laisser partir et il a été gentleman. Il a tout fait pour que ça se fasse, même chez un concurrent. Tout s’est fait rapidement fin janvier 2018."

Sur son aventure à Milan : "J’ai cette capacité d’adaptation."

"Ce n’est jamais fini, il faut toujours y croire, chercher le prochain challenge et prendre du plaisir. J’ai gagné une Cup, une ligue Europa et une ligue des champions avec Chelsea. En manque de temps de jeu, je pensais que mon aventure en Angleterre touchait à sa fin. J’ai eu cet appel avec le coach Stefano Pioli et Paolo Maldini en préparation de l'Euro, à Nice, et ils m’ont tout de suite fait bonne impression et convaincu que cela pouvait être un super projet. J’ai eu un très bel accueil des tifosis. J’ai été mis à l’aise rapidement avec le staff technique, le coach et les joueurs. J’ai cette capacité d’adaptation, je vais vers les autres et j’ai envie d’apprendre la langue italienne, les us et coutumes du pays dans lequel j’arrive. C’était important de très vite m’adapter. J’en suis content, il nous reste neuf matchs pour réaliser quelque chose de grand pour le Milan après quelques années sans trophées. On a un soutien inconditionnel des tifosis qui m’ont bien adoptés, tous les feux sont au vert. Il y aussi la demi-finale retour en coupe d’Italie contre l’Inter. Le club n’a jamais réalisé ce doublé. La route est encore longue, on y va étape par étape, mais ce sera indécis jusqu’au bout.”

Le doublé dans le derby face à l’Inter : "Cela m’a fait entrer dans le cœur des supporters."

"Oui cela m’a donné beaucoup d’énergie et d’assurance. Ce jour-là, on est mené 1 à 0. Premier derby pour moi. En trois minutes, je fais chavirer nos supporters. C’était une émotion incroyable que je n’oublierai jamais. Ça fait partie des matchs qui comptent dans une carrière  et cela m’a fait rentrer dans le cœur des supporters."

Sur la religion et ses croyances : "J’aimerais aller en terre sainte"

"Je ne m’en cache pas. C’est un peu mon rôle d’être un porte-drapeau, de parler de ça. Je me suis fait baptiser catholique quand j’étais plus jeune pour être le parrain de mon filleul, je suis toujours allé au culte évangélique avec ma mère et je souhaite renouveler prochainement mes vœux de baptême dans le jourdain. J’aimerais aller en terre sainte. J’aime bien en parler, ma force de caractère vient de cette foi qui m’anime et qui me donne la force d’avancer. La parole de la Bible amène à beaucoup d’humilité. Je me sens aimé et chanceux d’être en bonne santé et faire ce que j’aime."

Sur Zlatan Ibrahimovic : "Il a ce rôle de grand-frère"

"Il est super. C’est une personne avec un charisme et une personnalité hors du commun. Il a cette façon de communiquer avec les médias bien à lui. Il peut paraître très dur, impressionnant et parfois intimidant. Mais c’est une personne normale comme vous et moi qui a cet amour pour le foot et l'exigence du haut niveau, il la transmet aux jeunes, il prend beaucoup de place, il a ce rôle de grand frère. Tout comme moi, avec nos expériences. Ça a été une chance de pouvoir se frotter à l’un des joueurs que je supportais plus jeune. Quand je commençais, il était déjà dans de grands clubs.

Mes potes m’avaient offert un maillot de lui quand il était à Barcelone. C’est une personne avec qui j’échange beaucoup. Il a beaucoup de respect quand un joueur arrive dans un groupe et encore plus quand il a cette expérience du haut niveau. C’est une chance d’être en concurrence avec lui pour pouvoir marquer des buts et apporter le meilleur à l’équipe. Il a été blessé donc j’ai enchaîné. Peu importe qui joue, ce qui compte, c'est d’être décisif. Cela montre que même à 35 ou 40 ans, on peut continuer à être performant."

Sur l'Équipe de France : "Ça ne se fait pas de refuser une sélection"

"110 sélections et 46 buts. J’ai battu Platini, Papin et Trezeguet. Ça a été une bénédiction, des années extraordinaires avec des hauts et des bas. Quand tu as de la chance d’avoir été sur le toit du monde en 2018, tu ne peux qu’être reconnaissant et dire merci pour la chance de rendre fiers les siens. En portant le maillot bleu… je ne parle pas de l’Équipe de France au passé, car je suis encore potentiellement sélectionnable. C’est un fil rouge tout au long de ma carrière, ça reste un bonus, mais l’objectif est de gagner le Scudetto avec Milan.

L’Équipe de France, c'est un cadeau, c’est un bonus. Ça ne se fait pas de refuser une sélection. Si le coach m’appelle je répondrai présent comme je l’ai toujours fait, c'est pour ça que je n’ai jamais dit que j’arrêterai l’équipe de France. Ce n’est pas quelque chose que je ferai. C’est quelque chose qui fait partie d’une carrière, qui peut être difficile à gérer à certains moments, mais je vais très bien ! Avec ou sans moi, l’équipe de France est favorite. Pour moi, avec les joueurs de cette sélection, elle fait partie des favorites."

Sur la guerre en Ukraine : "On se doit de se serrer les coudes"

"Je prie régulièrement pour ça, pour que les choses s’améliorent et mettre un peu d’amour dans les cœurs endurcis. Il faut soutenir le peuple ukrainien, comme l’a fait le Milan AC avec ce t-shirt avec la mention "Peace for Ukraine, peace for the world" (Paix pour l'Ukraine, paix pour le monde). Il y a beaucoup de choses qui m’émeuvent. Des familles qui sont divisées, qui fuient l’Ukraine. C’est tellement triste de se dire qu’en 2022, on est en période de guerre. J’espère que les choses vont s’améliorer. Quand je vois un joueur comme Yarmolenko (joueur de West Ham) fondre en larmes après avoir marqué un but, c’est très touchant. On se doit de se serrer les coudes et je trouve ça super que les pays limitrophes à l’Ukraine apportent leur soutien pour les personnes qui fuient l’Ukraine."