Après le rapport de la mission d'audit visant l'actuel président de la Fédération française de football, ni le ministère des Sports, au nom de l'autonomie des fédérations, ni les membres du comité exécutif de la FFF (instance qu'il préside), n'ont le pouvoir de faire partir Noël Le Graët contre son gré. Or, il continue de "s'accrocher à un pouvoir qui a été perdu", constate Éric Borghini, membre du Comex qui l'a appelé à démissionner dès le 11 janvier.
S'il démissionne, les statuts prévoient que l'actuel vice-président, Philippe Diallo, assure l'intérim jusqu'à la prochaine assemblée fédérale, en juin. Le Comex désignera alors une personnalité en son sein, qui doit recevoir l'approbation de l'assemblée fédérale, pour diriger la FFF jusqu'à l'issue du mandat actuel, en décembre 2024. En cas de statu quo, l'avenir de Le Graët sera au coeur d'un comité exécutif extraordinaire convoqué le 28 février.
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Compte-t-il encore des soutiens ?
En fixant ce rendez-vous crucial à fin février, le dirigeant de 81 ans espère convaincre ses colistiers qu'il est toujours l'homme de la situation. "Il veut nous rencontrer tous individuellement, ou à deux ou à trois maximum. Mais pourquoi ? Pour nous diviser, essayer de nous convaincre de changer d'avis, faire jouer la corde sensible. Ce n'est pas très digne", dénonce Éric Borghini.
Selon lui, Le Graët a perdu le soutien de son Comex, y compris des personnalités les plus écoutées, et aussi celui des représentants du football amateur. "C'est là où il est hors sol, il n'est plus en contact avec la réalité du football fédéral", dit-il.
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S'il ne démissionne pas, que se passe-t-il ?
Pour provoquer le départ de Le Graët, le Comex peut décider de se saborder afin de provoquer une nouvelle élection. Il faut pour cela qu'au moins sept membres (sur 14) démissionnent, une hypothèse désormais crédible. Si le quota n'est pas atteint, deux leviers peuvent être activés en dernier recours.
D'une part, il peut y avoir une saisine de la Haute Autorité du Football (HAF), organe de contrôle de gestion de la FFF, afin de convoquer une assemblée générale de révocation. D'autre part, le Comité national d'Ethique (CNE) peut traduire Le Graët devant la commission de discipline en vue d'une radiation. Les règlements le prévoient pour sanctionner "tout comportement contraire à la morale, à l'éthique ou portant atteinte à l'honneur, à l'image ou à la considération de la FFF (…) ou, plus généralement, du football français".
"Je préfèrerais nettement la démission à des procédures qui le mettraient dehors. Il sortirait encore plus par la petite porte, et elle est déjà étroite. Ça gâcherait tout ce qu'il a fait pour le football français et on ne parlerait de lui dans quelques mois ou années que par l'aspect négatif", commente le président du CNE, Patrick Anton.
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Quid de Florence Hardouin ?
Moins exposé médiatiquement que celui de Le Graët, l'avenir de la directrice générale Florence Hardouin risque pourtant d'être tranché avant celui de son président. Mise à pied à titre conservatoire depuis le 11 janvier, la DG est convoquée le 21 février à un entretien préalable à un licenciement, après une décennie aux commandes.
L'audit n'épargne pas l'ancienne escrimeuse. Elle n'est "plus en capacité d'assurer les missions qui sont les siennes", à cause notamment d'un "management brutal" (mais "pas harcelant"), d'un "comportement humiliant" et d'une "certaine passivité face à l'ambiance sexiste et violente qui a régné au sein du comité directeur jusqu'en 2020". Affaiblie par un infarctus consécutif à sa mise à pied, Hardouin s'est défendue par la voix d'une porte-parole, Dominique Rouch, qui la dit victime d'une "cabale médiatique et interne" et d'accusations "graves et fausses".
La DG a par ailleurs confié aux inspecteurs avoir "souffert du comportement inapproprié" de Le Graët : "Elle a été victime de harcèlement sexuel et moral, d'humiliations en public et en privé", développe Dominique Rouch, qui rapporte des insultes présumées du dirigeant envers sa directrice, ainsi que des invitations insistantes à dîner.