Le rectangle n'est plus si vert : la sécheresse historique en France fragilise les pelouses de football et contraint les clubs à réguler l'arrosage de leurs gazons. La filière tente de s'adapter. Lors de la première journée de Ligue 1, le week-end dernier, les larges taches brunes visibles sur la pelouse du Stade de la Mosson, à Montpellier, ont interpellé les observateurs, habitués ces dernières années aux gazons parfaits du Championnat de France, très télégéniques.
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Prolifération d'un champignon indésirable
Avant la 2e journée de Ligue 1, le club de Lorient s'inquiète lui aussi pour son terrain, abimé par la sécheresse et le festival interceltique. Le Moustoir doit être inspecté jeudi et vendredi par les instances avant la réception de Lyon dimanche (13h00). Dans l'Hérault, c'est un champignon qui est en cause, le pyricularia, également apparu ces dernières semaines ailleurs en France, comme au stade de l'Aube à Troyes.
"C'est un champignon qui prolifère particulièrement en périodes de fortes chaleurs, or en ce moment, la température au cœur du terrain peut monter jusqu'à 50 degrés", détaille David Garnerin, chargé des sports à l'agglomération Troyes Champagne Métropole (TCM), qui gère l'entretien du stade.
"Tout était réuni : une jeune pelouse qu'il faut beaucoup arroser, des températures qui ne baissent pas la nuit, une chaleur qui dure. Alors que l'été dernier, beaucoup moins chaud, il n'y avait eu aucun problème", prolonge Bertrand Yot, chef des espaces paysages de l'agglomération, qui pilote les jardiniers du stade. À Montpellier, la métropole a reconnu que les conditions de canicule et de sécheresse "rend(ai)ent difficile l'éradication du champignon indésirable".
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"Il faut trouver un juste équilibre"
En parallèle, les clubs doivent composer avec des restrictions d'eau décidées par arrêté préfectoral dans de nombreuses zones du pays, placées en alerte sécheresse à différents niveaux. Si l'arrosage des espaces verts ou le remplissage des piscines privées est interdit en cas d'alerte sécheresse, le football, comme les autres sports d'extérieur, bénéficie lui d'une dérogation, avec, le plus souvent, une limitation stricte des horaires d'arrosage, interdit au cœur de la journée.
Mais "un gazon qui manque d'eau va moins se développer, va jaunir, brunir, absorbera moins les changements de direction et sera beaucoup plus hétérogène", note Sébastien Cottat, chargé d'affaires du groupe Sparfel, qui équipe et entretient plusieurs terrains de clubs professionnels. "Pour le moment, on tient. A Brest ou à Caen, il n'y a pas trop de souci à n'arroser que la nuit. On souffre beaucoup plus sur la Corse", reprend le spécialiste, qui reconnaît que ces restrictions empêchent de se lancer dans toute régénération de terrain, car "les jeunes semis demandent beaucoup d'eau".
"Il faut trouver le juste équilibre, car les terrains, ce sont l'outil de travail", souligne Baptiste Malherbe, directeur général de l'AJ Auxerre, qui pompe son eau dans l'Yonne voisine. "Mais nous faisons attention, on limite au maximum (l'arrosage)".
"Ce n'est sans doute que le début"
Fournisseurs, jardiniers, acteurs du jeu et instances sportives ont néanmoins intégré ces problématiques à la filière. Les pelouses hybrides, actuellement largement répandues dans le football professionnel, proposent ainsi "des substrats à fort pouvoir de rétention d'eau", plaide Bertrand Yot, de l'agglomération troyenne. Au stade de l'Aube, la consommation annuelle d'eau atteignait ainsi 3.000 m³ en 2018. À titre de comparaison, celle d'un golf de neuf trous est estimée à 25.000 m3 par la Fédération française de golf.
Certains clubs, comme Marseille et Lille, utilisent par ailleurs des systèmes de récupération d'eau de pluie dans leurs stades, ce que Rennes compte mettre en place dans son futur centre d'entraînement. Et face à la sécheresse, la Ligue de football professionnel a suspendu son championnat des pelouses récompensant le meilleur gazon de Ligue 1, appelant à un "arrosage le plus raisonné possible" qui maintienne une "qualité minimale de la pelouse".
Des mesures durables ? Les professionnels du secteur ne se voilent pas la face : "certes, cet été est exceptionnel, mais on sait que ce n'est sans doute que le début", reconnaît Sébastien Cottat.