Il est avec Luis Fernandez le seul entraîneur français à avoir remporté une Coupe d'Europe (la Coupe de l'UEFA en 2001 avec Liverpool). Manager historique en Angleterre, Gérard Houllier ne jouit pas exactement de la même popularité dans l'Hexagone, même s'il a été aussi le premier à mener le PSG au titre de champion de France, en 1986.
Il reste associé aux déboires des Bleus, que ce soit en 1993 au poste de sélectionneur (la défaite contre la Bulgarie) ou en 2010 à celui de directeur technique national (grève de Knysna). Cette figure du football français, qui a échappé de peu à la mort en octobre 2001 après une dissection aortique, revient sur son parcours dans une autobiographie qui traduit son incroyable passion pour le football : Je ne marcherai jamais seul*. Avant de recevoir longuement Gérard Houllier dans Europe 1 Sport, dimanche, à partir de 20h00, Europe 1 a isolé cinq épisodes racontés par celui qui occupe actuellement le poste de "directeur mondial de la branche football" du groupe Red Bull.
David Ginola, "crime" et châtiment. Pour le grand public français, Gérard Houllier reste associé au naufrage de l'automne 1993 quand, en deux matches face à Israël et la Bulgarie, la France s'était fermée les portes du Mondial 1994. A l'issue de la rencontre, le sélectionneur Houllier avait adressé des reproches à David Ginola, auteur du centre manqué qui avait été à l'origine du contre assassin des Bulgares.
Gérard Houllier adresse ses reproches à David Ginola (à 0'37") :
A propos de Ginola, Houllier avait parlé de "crime contre la cohésion et l'esprit d'équipe". Dans son ouvrage, Houllier revient dans le détail sur cet incident. Plus que le centre, c'est l'attitude égoïste du joueur qu'il avait voulu pointer du doigt. "Je lui reprochais surtout d'avoir déclenché le trouble dans l'équipe, préjudiciable à la bonne préparation du match. Qu'il ait raté son centre ne constituait qu'un fait de jeu accessoire, dans mon esprit." Houllier, qui avait quand même beaucoup insisté sur le centre raté à l'époque (la vidéo ci-dessus le prouve), rappelle également qu'il avait pensé à exclure Ginola après ses propos où il revendiquait un statut de titulaire. Et que c'est son adjoint d'alors, Aimé Jacquet, qui l'en avait dissuadé.
Liverpool, la première bière. Quand il arrive à Liverpool, à l'été 1998, Gérard Houllier explique avoir dû lutter contre un fléau chez les Reds : la fête. L'ancien sélectionneur raconte son premier stage de préparation avec l'équipe anglaise, en Norvège : "En fin d'après-midi, j'ai découvert que de nombreuses filles avaient investi la bar de l'hôtel où nous logions. Par petits groupes, elles consommaient des boissons, une paille aux lèvres, juchées sur des tabourets, en jetant des regards périphériques vers le hall d'entrée, histoire d’attirer l'attention et de croiser des regards."
Plus loin, le coach français ajoute : "Lors de certains entraînements matinaux, il m'est arrivé de voir des joueurs vomir ce qu'ils avaient ingurgité la veille au soir, tout en se soumettant aux exercices d'étirement. J'avais beau avoir été renseigné sur l'existence d'un phénomène qu'on qualifiait hâtivement de "culturel", j'étais sidéré." Gérard Houllier raconte notamment avoir dû sortir Jamie Carragher des pièges de l'alcool.
Les bonnes anecdotes de Sir Alex. Manager des Reds entre 1998 et 2004, Gérard Houllier a eu tout le loisir de découvrir le sel des confrontations entre Liverpool et Manchester United. Mais aussi de devenir ami avec Sir Alex Ferguson, manager des Red Devils à l'époque. Et le technicien écossais de lui raconter une anecdote concernant Eric Cantona. Gérard Houllier fait parler Sir Alex : "Un jour, nous étions allés ensemble, toute l'équipe de Manchester, dans un hippodrome pour assister aux courses de chevaux. Nous étions installés à un balcon, tranquillement. Mais au-dessus de nous, sur un autre balcon, il y avait un autre groupe, composé de supporters de Liverpool. Et les types ont commencé à nous pisser dessus ! Cantona s'est propulsé d'un bond pour aller les attraper et il a commencé à faire le coup de poing ! Tout seul, contre les vingt types de Liverpool ! Toute l'équipe l'a rejoint ensuite mais il était parti tout seul au feu..." Gérard Houllier évoque Eric Cantona pour rappeler qu'Arsène Wenger et lui ont contribué à crédibiliser le football français outre-Manche et qu'ils lui ont, en quelque sorte, faciliter la tâche.
Anelka et ses frères. Gérard Houllier n'a pas seulement lancé dans le grand bain la légende des Reds, Steven Gerrard, qu'il a fait débuter chez les pros. Il a également tenté de relancer Nicolas Anelka, quand celui-ci avait été prêté par le PSG lors de la deuxième partie de saison 2001-2002. Son passage, plutôt réussi, aurait pu se poursuivre, mais... "Tout semblait en place pour qu'il prolonge son bail avec les Reds lorsqu'une rumeur qui circulait en boucle dans le milieu du football anglais revint à mes oreilles et me contraria beaucoup", explique Gérard Houllier. "Ses deux frères entreprenaient, paraît-il, la tournée des clubs pour tenter de vendre Nicolas à celui qui mettrait le plus d'argent sur la table des négociations. Au moment même où je contribuais à la résurrection de sa carrière, ils entamaient une ronde pour l'aider à emprunter un autre chemin. Quelle ingratitude !" Cela s'est terminé par une franche explication en face-à-face avec les deux frères d'Anelka, à l'issue de laquelle Gérard Houllier concède avoir vu, "pour la première et seule fois de (sa) vie, des Noirs rougir".
Fred, cow-boy solitaire. Sur son passage à Lyon, marqué par deux titres de champion en 2006 et 2007, Gérard Houllier se souvient de la personnalité forte (mais pas forcément difficile) de Jean-Michel Aulas mais également du changement de comportement des joueurs. En plus de l'épisode du transfert de Michael Essien à Chelsea, Gérard Houllier cite également un épisode concernant l'ancien international brésilien Fred... "Fred, du jour au lendemain, décida de traîner les pieds car il estimait ne pas être assez rémunéré par rapport à ses partenaires. Pour exprimer son mécontentement, il arrivait en retard à l'entraînement, où il se présenta, une fois, déguisé en cow-boy, avec un chapeau sur la tête. Je suis sorti de mes gonds, ce jour-là : 'Ce n'est pas le Far West ici, quitte le terrain et rentre immédiatement chez toi !'" Mais c'est surtout avec Bernard Lacombe, conseiller du président Aulas, que Gérard Houllier connut ses plus gros soucis à Lyon, ce qui précipita son départ, en 2007, à un an de la fin de son contrat.
*Je ne marcherai jamais seul, Gérard Houllier, Hugo Sport, 352 pages, disponible le 15 octobre.