Voilà qui valait une sacrée cote en début de saison. Roger Federer et Rafael Nadal se sont partagé les quatre titres du Grand Chelem de l’année 2017. Après le revival de la finale de l’Open d’Australie en janvier, remportée par le Suisse aux dépens de l’Espagnol, les deux se sont imposés un peu plus tard dans leur jardin, Roland-Garros pour Nadal (pour la dixième fois), Wimbledon pour Federer (pour la huitième fois), avant que le Majorquin ne remporte l’US Open, dimanche, aux dépens du Sud-Africain Kevin Anderson (6-3, 6-3, 6-4). Federer-Nadal-Federer-Nadal. À chaque exploit de Federer, "Rafa" a répondu en gagnant le Majeur suivant, portant son total à seize trophées.
"C'est incroyable, parce que jamais je n'aurais cru qu'il pourrait en gagner autant", s'est enthousiasmé dimanche son oncle Toni, dont c'était la dernière aux côtés de son neveu en tant que co-entraîneur. "Je me souviens quand Sampras a remporté son 14ème (à l'US Open 2002), et depuis, ce qui s'est passé est inouï." Inouï, oui : Federer en a gagné 19 (entre 2003 et 2017) et Nadal, 16 (entre 2005 et 2017).
À l'issue de cette incroyable saison 2017, les deux grandes figures du tennis du 21ème siècle sont donc toujours séparées par trois titres. Mais, à la lumière de ce qui s'est passé ces derniers mois, ces deux meilleures marques de tous les temps sont peut-être loin d'être figées.
Trois titres et cinq ans d’écart. Si l'on a relevé l'incroyable retour au premier plan de Federer cette année, vainqueur de l'Open d'Australie après quatre ans et demi d'insuccès en Grand Chelem et six mois de repos forcé pour se soigner, celui de Nadal est tout aussi impressionnant. Car l'Espagnol a lui aussi connu son lot de galères - soucis psychologiques en 2015, physiques en 2016, avec notamment un forfait au troisième tour de Roland-Garros - avant de revenir au top de manière spectaculaire.
"Il a été monstrueux lors de cet US Open", s'enthousiasme au micro d'Europe 1 Henri Leconte, ancienne figure du tennis français devenu consultant pour Eurosport. "Il me surprend, parce que, vu la dépense physique que demande son jeu, vu ses problèmes de genoux, il a encore prouvé qu’il était capable de jouer un tennis fantastique et surtout d’assumer la pression et de gagner un seizième Grand Chelem." Le tout à 31 ans. Ce n'est pas un détail. Car Nadal est devenu seulement le troisième joueur trentenaire à gagner deux levées du Grand Chelem la même année après Rod Laver et… Roger Federer, qui l'a fait lui à 36 ans. S'il suit l'exemple du Suisse, Nadal peut donc encore espérer quelques belles saisons encore…
"Il comprend probablement le jeu mieux aujourd'hui que quand il avait 20 ans", insiste son entraîneur, l'ancien vainqueur de Roland-Garros Carlos Moya. "Les qualités physiques ne sont plus les mêmes, mais il doit trouver un moyen de rester compétitif. Il est peut être un chouia plus lent qu'à l'époque, mais il comprend et anticipe mieux. C'est comme un jeu d'échecs." Serein, appliqué et efficace, Nadal devrait encore logiquement jouer les premiers rôles en 2018.
"On n'est sûr de rien". "Maintenant, au tennis, demain, il peut y avoir un joueur qui prend la main et qui privera 'Rafa' de Grand Chelem", nuance au micro d'Europe 1 Patrick Mouratoglou, entraîneur de Serena Williams et consultant sur Eurosport. "Je ne dis pas que ça va arriver, on n’est sûr de rien dans ce sport. Mais, les cartes peuvent être redistribuées à tout instant." Les deux autres membres du "Big Four", l'Écossais Andy Murray et surtout le Serbe Novak Djokovic (12 titres en Grand Chelem, à 30 ans), qui ont multiplié les pépins physiques ou/et psychologiques ces derniers mois et n'ont pas atteint une seule finale en Grand Chelem en 2017, seront peut-être de retour aux affaires dès l'Open d'Australie, en janvier prochain.
De son côté, Nadal, qui a reconnu réaliser "l'une de ses meilleures saisons", semble lui se désintéresser de cette chasse aux records qui continue entre Federer et lui, de manière si inattendue. "Je suis très heureux de ce que j'ai réussi, j'ai gagné l'US Open", a insisté le "Taureau de Manacor" dimanche. "Me comparer à Roger n'est pas une motivation. L'important, c'est que je gagne, peu importe s'il gagne un Grand Chelem de plus, deux ou 24 de plus. Je ne vois pas la vie ou ma carrière en me comparant avec les autres, dans la vie, il y aura toujours quelqu'un qui aura plus d'argent que toi." Zen, le n°1 mondial, qui a conforté sa 1ère place au classement publié lundi. Il y devance Roger Federer…