JO 2018 : Ryom Tae-ok et Kim Ju-sik, les visages de la Corée du Nord

Le couple de patineurs débutera sa compétition dès vendredi avec l'épreuve par équipes, avant même la cérémonie d'ouverture.
Le couple de patineurs débutera sa compétition dès vendredi avec l'épreuve par équipes, avant même la cérémonie d'ouverture. © AFP
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Ryom Tae-ok et Kim Ju-sik sont les deux seuls athlètes nord-coréens à avoir décroché leur qualification sportivement pour les JO 2018. Et ils le doivent en grande partie à un entraîneur canadien.

Bien malgré eux, ils sont devenus l'un des symboles du rapprochement entre les deux Corées, qui défileront sous le même drapeau vendredi, lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’hiver 2018. Les patineurs Ryom Tae-ok, 19 ans, et Kim Ju-sik, 25 ans, ont été les premiers – et les seuls – athlètes nord-coréens à se qualifier sportivement pour la compétition. Depuis, un accord leur a adjoint 20 autres compatriotes. Mais tous les regards seront braqués sur eux pendant la quinzaine.

Un entraînement très médiatisé. Mardi, à Gangneung leurs premiers pas sur la glace sud-coréenne ont été immortalisés par une armée de caméras. Leur entraînement s’est même conclu sous les applaudissements. Mais le couple, qui cultive la discrétion, n’a pas souhaité répondre aux journalistes en zone mixte : les deux natifs de Pyongyang, qui patinent ensemble depuis trois ans, sont là pour le sport. Et uniquement le sport.

Qualifiés dès septembre. C’est le 29 septembre dernier, sur la glace d'Oberstdorf, en Allemagne, que Ryom Tae-ok et Kim Ju-sik ont obtenu leur précieux sésame, en patinant sur l'air de Je ne suis qu'une chanson, de la chanteuse québécoise Ginette Reno. "Je me sentais ravi et extrêmement reconnaissant envers nos entraîneurs", avait alors réagi Ryom, selon le New York Times. "Il y avait beaucoup de gens de nationalités et de milieux différents qui nous encourageaient. Le fait que nous leur ayons donné une sorte de joie, c'était la meilleure partie de la performance", se réjouissait-il alors. Mais ce n’est que trois mois et demi plus tard que la nouvelle a officiellement été confirmée : absente à Sotchi en 2014, la Corée du Nord sera bien représentée à Pyeongchang.

Regardez le programme long du couple nord-coréen qualifié pour les JO :

 

"S'ils terminent dans le Top 12, on sera aux anges". Le couple ne l’a pas volé : en janvier, il a même apporté à son pays la première médaille internationale de son histoire en patinage artistique, aux Championnats des Quatre continents. Un an plus tôt, les deux athlètes avaient déjà remporté l'or au concours du trophée de patinage artistique asiatique. De là à en faire des médaillés potentiels aux JO, il n’y a qu’un pas, que leur entraîneur canadien Bruno Marcotte ne franchit pas. "Leur principal objectif et le mien, c'est qu'ils améliorent leur record personnel. Le plateau est vraiment relevé. Ils se sont classés quinzièmes aux Championnats du monde 2017 à Helsinki, s'ils terminent dans le Top 12, on sera aux anges", a-t-il estimé mardi.

La relation improbable entre le Québécois et les deux Nord-Coréens a démarré en février 2017, aux Jeux asiatiques. Bruno Marcotte dirigeait alors une équipe de Corée du Sud, mais, intrigué par les progrès réalisés par Ryom et Kim, l'entraîneur a convaincu ses patineurs sud-coréens de l'aider à le présenter.

Un été au Canada. Quelques conversations plus tard, les deux sportifs traversent le globe pour atterrir à Montréal, l'été dernier, en compagnie de leur propre coach et d'un officiel de la fédération nord-coréenne. L'organisation est complexe à mettre en place : ils ne parlent pas anglais, n'ont pas de carte bancaire, ni de permis de conduire. Après quelques aménagements - un ancien étudiant de Bruno Marcotte accepte notamment d'emménager avec sa petite amie afin de louer sa maison aux Nord-Coréens – le couple se joint finalement aux patineurs canadiens, japonais, américains et… sud-coréens, qui s’entraînent quotidiennement à la patinoire de Sainte-Julie.

Soutenus par le couple sud-coréen. "On se soutenait mutuellement et on s’est dit qu’on se retrouverait à Pyeongchang", a raconté le Sud-Coréen Alex Kang-chan Kam au micro de la chaîne canadienne CBC. Rendez-vous est donc pris dès vendredi : les deux sportifs débuteront leur compétition avec l'épreuve par équipes, avant même la cérémonie d'ouverture. Ryom et Kim rechausseront ensuite les patins les 14 et 15 février pour leur programme court et leur programme libre.

Un enjeu qui les dépasse. La date est déjà cochée sur le calendrier national. Car au pays de Kim Jong-un, le patinage est l'un des sports les plus appréciés. En 2010, ce sont déjà deux patineurs, l'un artistique, l'autre de vitesse, qui avaient représenté la nation à Vancouver. Et les deux seules médailles remportées par la Corée du Nord aux JO d'hiver l'ont été sur la glace : Han Phil-hwa avait glané l'argent en patinage de vitesse aux JO d'Innsbruck, en 1964, et le spécialiste du short-track Hwang Yong-ski était reparti d'Albertville avec le bronze autour du cou, en 1992. Cette fois-ci, tant aux yeux du dictateur qu'à ceux du reste du monde, Ryom et Kim incarnent un enjeu qui dépasse leur simple discipline. La question est maintenant de savoir s'ils seront capables de supporter une telle pression.