Longtemps dans l'ombre de Martin Fourcade, Quentin Fillon Maillet suit la trace de la légende du biathlon après son deuxième titre olympique et sa quatrième médaille décrochés aux JO de Pékin, dimanche, lors de la poursuite. La métamorphose est saisissante pour le Jurassien (29 ans), qui avait connu jusqu'ici une carrière plutôt discrète. En l'espace d'une semaine, il s'est mué en digne successeur de Fourcade et s'impose désormais comme le leader incontestable des sports d'hiver français.
Fillon Maillet, nouveau maître de la discipline
Avec le relais mardi puis la mass start prévue vendredi, Quentin Fillon Maillet aura même l'occasion d'enrichir un peu plus son palmarès pour entrer définitivement dans le panthéon du sport tricolore. Qui aurait pu imaginer que ce biathlète, si souvent effacé derrière l'imposant Fourcade puis son successeur norvégien Johannes Boe, deviendrait un jour le nouveau maître de la discipline ? Mais, cette saison, Fillon Maillet a pris une nouvelle dimension. Fidèle à son surnom de "Morbac", hérité dans ses jeunes années pour sa capacité à s'accrocher coûte que coûte en course, "QFM" n'a jamais lâché pour saisir sa chance au moment opportun.
Fourcade parti à la retraite en 2020, Boe en méforme au début de l'hiver : la place de n°1 mondial revenait de droit au Français, troisième de la Coupe du monde les trois dernières saisons. Et il n'a pas laissé passer l'occasion : cinq victoires avant les Jeux, déjà quatre médailles à Pékin (un record pour un sportif français lors d'une même édition des JO d'hiver), dont deux titres olympiques (individuel, poursuite), et, sauf accident, un premier gros globe de cristal qui l'attend fin mars.
"Quentin a la faculté de concrétiser les opportunités", estime Fourcade
"Il a progressé au niveau du tir de manière assez franche et ça l'a fait gagner en confiance et en sérénité", juge Martin Fourcade, interrogé par l'AFP. "Quand j'ai arrêté, j'étais loin de penser qu'un Français puisse jouer le général deux ans plus tard. Mais Quentin a cette faculté de concrétiser les opportunités qui lui sont offertes."
"On savait qu'il avait des qualités exceptionnelles", a de son côté déclaré à AFP Raphaël Poirée, première star du biathlon français et quadruple vainqueur de la Coupe du monde au début des années 2000. "C'est le mental qui fait la différence et on sent qu'il a pris de l'envergure. Il aime se faire mal sur les skis et c'est un atout. Il a eu des moments durs dans sa vie et il a dû se battre. Rien n'a été gratuit pour lui."
Premiers sacres dans une grande compétition en solo
Avant cette saison, Fillon Maillet avait en effet toujours couru après la gloire sans jamais pouvoir la toucher du doigt. Souvent placé, quelques fois gagnant (six succès en Coupe du monde avant cette saison), celui qui a débuté sur le circuit majeur en 2013 n'était qu'un solide soldat du groupe France, sans réelles étincelles. Jamais sacré dans une grande compétition en solo avant d'arriver à Pékin, il avait goûté à la victoire uniquement sur le plan collectif (deux titres mondiaux en relais en 2020 et en relais mixte en 2016).
Les doutes à son égard s'étaient renforcés lors d'un exercice 2019-2020 de nouveau frustrant. Une fois les skis et la carabine du roi Fourcade rangés, Fillon Maillet avait clamé haut et fort son ambition de se battre pour le classement général de la Coupe du monde. Le résultat final (3e) ne fut clairement pas à la hauteur de ses attentes. A quoi il faut ajouter des Championnats du monde 2021 à Pokljuka au goût amer (une médaille de bronze en mass start).
Une revanche sur les Jeux de Pyeongchang
"Quand on dit que l'on veut être premier aux Mondiaux et en Coupe du monde, on se met un peu de pression mais, pour moi, c'est de la motivation. Je n'ai pas envie de me cacher", explique celui qui, durant sa jeunesse, avait tapissé le mur de sa chambre d'un poster de la légende norvégienne Ole-Einar Bjoerndalen, surnommé justement le "Cannibale".
Ses quatre podiums aux JO de Pékin sont aussi une revanche sur une édition 2018 disputée dans des conditions mentales très compliquées: sa compagne souffre d'une maladie, son beau-père décède juste avant l'évènement et le Français n'a plus la tête au biathlon à Pyeongchang. Son bilan en Corée du sud est catastrophique (48e du sprint, 44e de la poursuite, 29e de la mass start).
"C'était une situation particulière et j'étais plus préoccupé par l'état de mes proches. Le biathlon est passé au second plan et j'ai vécu de mauvais Jeux. Et c'est une force maintenant pour moi", affirme-t-il. Pyoengchang n'est plus qu'un mauvais souvenir pour Quentin Fillon Maillet, qui écrit à Pékin une nouvelle page glorieuse de l'histoire du biathlon français.