Championnats du monde de Berlin, 2009. L'image avait fait le tour du monde. Caster Semenya, 18 ans à peine, assomme la finale du 800m en laissant plusieurs dizaines de mètres d'écart avec la deuxième place. Une performance d'autant plus spectaculaire que l'athlète sud-africaine avait débuté la compétition seulement une grosse année auparavant. Cible d'une polémique sur son genre en raison d'une physiologie et d'une voix particulièrement masculines, Semenya subit alors des tests de féminité, avant d'être diagnostiquée "intersexuée", un trouble du développement sexuel qui lui permet de sécréter plus de testostérone que la normale pour les femmes.
Sept ans plus tard, après une décevante médaille d'argent aux JO de Londres, voilà Caster Semenya de retour au plus haut niveau pour les Jeux olympiques de Rio. La Sud-Africaine, qui s'est reconstruite pour aborder les JO de manière la plus apaisée possible, a été très tranquille lors des séries du 800m mercredi, et sera favorite pour l'or olympique qui manque encore à son palmarès.
Sept années compliquées. À la suite de son titre de championne du monde en 2009, Semenya a vécu de longues et difficiles saisons. Sur le plan sportif, d'abord, avec des performances en-deçà de sa domination des Mondiaux de Berlin - elle a notamment échoué à la deuxième place des JO de Londres - même si la Sud-Africaine a été autorisée à concourir par la Fédération internationale, en 2010. Mais surtout d'un point de vue émotionnel, marquée par les doutes la concernant. "Ça m'a demandé beaucoup de caractère pour surmonter cette situation. C'est un test mental", a-t-elle déclaré au quotidien L'Équipe mercredi.
En vidéo, la course exceptionnelle de Semenya en finale du 800m des Championnats du monde 2009 :
Mariage, déménagement, nouvel entraîneur. Pour être au top à Rio, son principal objectif, Caster Semenya a quasiment changé de vie. Elle s'est d'abord installée à Potchefstroom, une petite ville à 120 km de Johannesburg, pour y étudier l'éducation physique. Elle a rejoint un nouvel entraîneur, Jean Verster, en 2014, et surtout, elle a épousé sa compagne athlète Violet Raseboya en 2015, insensible à l'hostilité des réseaux sociaux du pays. Bref, Semenya s'est totalement assumée, n'hésitant plus à porter des tenues masculines.
La polémique derrière elle ? À Rio, Semenya arrive donc en favorite sur 800m, au cœur d'une saison rassurante qui lui a permis de retrouver ses chronos de 2009. Très à l'aise lors de sa série remportée mercredi en moins de deux minutes, la Sud-Africaine apparaît également mieux acceptée par ses pairs sur le circuit. La Française Rénelle Lamote, vice-championne d'Europe sur la même distance, a par exemple expliqué ne pas être dérangée par la présence de Semenya sur les compétitions internationales. "Je sais que je ne peux pas battre Semenya. Mais j'essaie. Cela ne me démoralise pas", a-t-elle déclaré à L'Équipe, ajoutant qu'elle préférait "que ce soit des gens comme ça devant, parce que c'est leur nature, plutôt que des tricheuses."
Les contrôlées positives justement, sont trois fois plus nombreuses que les athlètes intersexuées sur les pistes. Ces dernières ont tout de même quelques représentantes (0.71% des athlètes selon une étude de 2011), en particulier sur les épreuves de demi-fond comme le 800m. Leur point commun : elles réussissent à briller en très peu de temps d'entraînement, parfois après seulement quelques mois de pratique, sur cette distance intermédiaire qui appelle à une grande puissance physique, plus qu'à une technique irréprochable. Suffisant pour aller chercher l'or olympique ?