Il n’a pas les abdos de Cristiano Ronaldo, le génie de Lionel Messi ou la vitesse de Kylian Mbappé. Pourtant, Luka Modric a damné le pion à tous ses concurrents pour remporter le Ballon d’Or 2018, le plus prestigieux trophée individuel du foot mondial, lundi soir, à Paris. À 33 ans, le petit milieu de terrain (1,72 m) est récompensé de son exceptionnelle saison, qui l’a vu gagner une troisième Ligue des champions de suite avec le Real Madrid et atteindre la finale de la Coupe du monde avec la Croatie. Son Ballon d’Or consacre aussi une certaine idée du foot, basée sur la technique, l’altruisme et l’esthétisme, au détriment des buts et des statistiques individuelles.
Le prodige de Zadar. L’histoire de Luka Modric ressemble à un conte de fées. Son enfance commence dans la douleur, dans une ex-Yougoslavie au bord de l’implosion. À 6 ans, il est contraint avec sa famille de se réfugier dans un hôtel de Zadar, sur les bords de l’Adriatique, alors que la guerre d'indépendance de la Croatie éclate (1991-1995). C’est là que son immense talent se révèle, avant d’éclore au Dinamo Zagreb puis à Tottenham, en Angleterre. Sa trajectoire le mène alors au Real Madrid, en 2012, contre un transfert d’une quarantaine de millions d’euros.
À la baguette lors du triplé du Real en C1. Depuis son arrivée dans la capitale espagnole, "Lukita", son surnom, est devenu indispensable au Real. Il l’a encore été cette année, lors de la conquête de la troisième Ligue des champions consécutive du club merengue, la quatrième de sa carrière (2014, 2016, 2017, 2018). Des performances qui lui ont valu d’être élu meilleur joueur UEFA, devant son ancien coéquipier Cristiano Ronaldo, le même qu'il a devancé lundi au classement du Ballon d'Or.
Le maître à jouer de la Croatie. Le "petit" Modric a également été géant avec son pays, cet été, en Russie. Installé au cœur du jeu, Modric a mené avec brio la Croatie vers sa première finale de Coupe du monde. Si la victoire n’a pas été au rendez-vous, Modric a tout de même été élu meilleur joueur de la compétition. Pas de quoi le consoler pour autant, lui qui rêvait d’apporter à son petit pays de 4,5 millions d’habitants le plus prestigieux trophée du foot mondial. "On avait tellement envie de faire quelque chose de grand avec la Croatie, que maintenant toutes ces émotions nous retombent dessus et qu'après ce n'était pas facile de s'en remettre", disait-il encore fin septembre, alors que son début de saison 2018-19 n'est pas forcément brillant.
Un symbole du beau jeu. S’il n’a pas gagné la Coupe du monde, Luka Modric a régalé tous les amateurs de beau jeu. Avec lui, il n’est pas question de statistiques (2 buts en Coupe du monde, un seul en Ligue des champions l’an dernier) mais d’esthétisme. Le n°10 du Real Madrid est un modèle de technique et d’altruisme, au point de s’attirer les louanges de toute la planète foot. "Luka ne joue pas au football, il le prêche ! Il ne faut pas commenter son jeu mais juste en regarder et en profiter", assurait l’ancien international croate Mario Stanic, cet été, dans le journal Sportske Novosti. Un plaisir qui se déguste, même sans buts.
Le virtuose à la part d'ombre. Luka Modric dénote également par sa personnalité. Joueur discret, il est rarement mis en avant dans les publicités et ne fait pas davantage sensation sur les réseaux sociaux, qu’il utilise avec parcimonie. Le Croate possède tout de même sa part d’ombre, qui lui a valu de nombreuses critiques dans son pays. Modric a été mis en cause pour faux témoignage présumé en faveur de Zdravko Mamic, son ancien dirigeant au Dinamo Zagreb et "parrain" du foot croate, dans une sombre affaire de transferts frauduleux. Mais la justice a abandonné lundi les poursuites contre la star du Real, le jour même de la remise du Ballon d'Or…