Drôle de baptême du feu pour Roxana Maracineanu. La ministre des Sports, nommée il y a moins d’une semaine, a affronté son premier dossier chaud avec la publication vendredi dernier d’un projet de suppression de 1.600 postes dans son ministère. Le monde sportif, vent debout contre cette réforme, s’est vivement inquiété d’une potentielle disparition des conseillers techniques sportifs (directeurs nationaux, entraîneurs nationaux…), ces agents rémunérés par l’État essentiels pour les Fédérations, où ils sont chargés à la fois du haut niveau et du développement des pratiques sportives.
Face à cette grogne, Roxana Maracineanu a assuré lundi matin, à l’issue d’une réunion à Matignon, qu’aucun conseiller technique sportif (CTS) "ne perdra son emploi". De quoi rassurer Philippe Bana, le président de l’association des directeurs techniques nationaux, qui a exprimé sa "satisfaction" après une rencontre avec la ministre. Mais quel est, au juste, le rôle de ces conseillers techniques sportifs ?
- Un rôle sur la formation des futurs champions
Parmi les missions premières des CTS : la détection et la formation des futures stars du sport français. "Ce sont tous ceux qui fabriquent les champions qui sont concernés, mais aussi les gamins dans les pôles espoirs ", a détaillé Philippe Bana, interrogé lundi matin sur Europe 1, qui s’inquiète de potentielles suppressions de postes alors que le budget du ministère des Sports s’annonce à la baisse pour la deuxième année consécutive (moins 30 millions d’euros, soit environ 450 millions d’euros en 2019). "On pourrait passer à côté d’un Kylian Mbappé ou d’un Nikola Karabatic, qui était très tôt dans un petit club à côté de Montpellier", craignait Philippe Bana, quelques heures avant sa rencontre avec Roxana Maracineanu.
Dans les Fédérations sans grands moyens, comme la boxe, les CTS ont un rôle vital. "La Fédération de boxe n'a pas les moyens de se payer des cadres techniques, contrairement au foot", assure Patrick Wincke, directeur technique national de la Fédération française de boxe interrogé par Europe 1. "Après les JO de Rio, nous avons été obligés de reconstruire entièrement l'équipe de France, puisque la plupart des boxeurs étaient passés professionnels. S'il n'y avait pas eu un travail de fond et de détection des cadres techniques, notamment dans les régions, on serait repartis de zéro et on n'aurait jamais été prêts pour les prochains Jeux de Tokyo (en 2020)".
- Un rôle pour les sportifs de haut niveau
Parmi les 1.600 conseillers sportifs du ministère des sports, les Directeurs techniques nationaux (DTN) et les entraîneurs nationaux ont également la charge d’accompagner les sportifs de haut niveau, dont ceux des différentes équipes de France. "Teddy Riner est accompagné depuis plus de dix ans par Franck Chambily (son entraîneur est un CTS, ndlr). Ce sont des gens comme lui qui pourraient voir leurs postes disparaître", cite comme exemple Philippe Bana.
L’objectif de 80 médailles aux Jeux olympiques 2024 à Paris, fixé par l’ancienne ministre Laura Flessel, pourrait également être compromis par ces coupes budgétaires. "C’est un paradoxe. On ne peut pas donner de tels objectifs au sport français et dire derrière : ‘zigouillez-vous’ (sic). Le ministère des sports est le plus petit de tous. On a des événements majeurs et on nous dit de baisser les effectifs de 60%", poursuit Philippe Bana.
- Un rôle sur le sport amateur
Les conseillers techniques sportifs ne s’occupent pas uniquement de l’élite. Les CTS sont également chargés de former les éducateurs qui entraînent au niveau amateur, un rôle essentiel pour les petites fédérations sportives. "Sans cadres techniques, notamment en région, qui va dynamiser la vie territoriale, organiser la vie sportive, mener les actions éducatives, s’occuper du sport-santé ? Je suis perplexe. Dans une petite fédération comme la nôtre, ce sont les cadres techniques qui œuvrent sur le terrain", se demande Laurence Modaine, DTN de l’escrime, citée dans L’Equipe de samedi dernier.
"Comment vont faire les fédérations qui n’ont pas les moyens du foot, du rugby ou du tennis ? S’ils n’ont pas ces moyens publics, ils devront soit fermer boutique, soit augmenter le prix des licences", abonde Pierre Rondeau, expert en économie du sport interrogé par Europe 1. "On pourrait passer d’un sport populaire et démocratique pour tous à un sport élitiste, où la licence coûtera bien plus cher."
Malgré tout, le rôle des CTS devrait bien être amené à évoluer. Dans son communiqué, Matignon indique lundi que "leur mode de gestion doit être modernisé, leur rôle au sein des fédérations (...) retravaillé avec le mouvement sportif", et que "leur statut doit être ré-interrogé". Roxana Maracineanu rendra ses conclusions sur le sujet fin octobre au Premier ministre. Elle se sait très attendue.