Stop ou encore ? Tenant du titre mondial et rare espoir de médaille française, Kevin Mayer est incertain pour le décathlon qui débute vendredi aux Championnats du monde d'athlétisme à Budapest, rattrapé par un tendon d'Achille douloureux. "Quand mes probabilités de terminer un décathlon sont à plus de 50%, je n'en parle pas (d'éventuels problèmes physiques, ndlr), quand elles sont en dessous, j'en parle", évalue Mayer (31 ans) devant la presse réunie mardi matin à l'Institut français de Budapest, sur les bords du Danube.
"Ce n'est pas un aveu d'abandon", insiste cependant le double champion du monde de décathlon (2017 et 2022). Je fais tout ce qu'il faut pour arriver au départ du 100 m (la première épreuve), mais à tout moment ça peut s'arrêter."
"La priorité, c'est Paris"
Comme il l'avait déjà très clairement affiché avant d'arriver dans la capitale hongroise, "la priorité, c'est Paris" et les JO 2024 l'été prochain. "L'état d'esprit, c'est de ne rien faire pour que ça empire, pour que ça soit onéreux vis-à-vis de Paris, confirme-t-il. Tant que ça ne me coûtera pas pour Paris, je veux me laisser une chance."
"J'ai l'expérience d'une grosse blessure à Doha (fissure au tendon d'Achille gauche et déchirure aux Mondiaux 2019 en octobre), où j'ai trop poussé. J'ai mis jusqu'à février pour recommencer à courir. Je ne veux jamais que ça m'arrive avant Paris", martèle-t-il. C'est que le double médaillé d'argent olympique (2016 et 2021) court toujours après l'or aux JO.
Une déchirure aux ischio-jambiers en juin
Mayer, qui n'avait participé qu'à trois épreuves (poids, disque et perche) aux Championnats de France fin juillet à Albi - où il avait révélé avoir été victime d'une déchirure aux ischio-jambiers en juin - a été rattrapé par son tendon d'Achille gauche il y a deux semaines. "Sur un entraînement de 400 m, dans le virage j'ai senti mon tendon d'Achille me faire mal, et à froid c'était la catastrophe", raconte-t-il.
"Depuis, c'est la course à la rééducation, je donne tout comme un taré, c'est un énorme challenge" mais "ce n'est pas fini", assure Mayer. "J'ai beaucoup d'outils pour faire en sorte que ce ne soit pas le même discours vendredi matin. Je prends le problème heure par heure et je fais tout ce qu'il faut pour y arriver."
Un potentiel coup dur pour le clan tricolore
Un forfait ou un abandon de son double champion du monde serait un sérieux coup dur pour l'équipe de France, puisqu'il représente la meilleure chance de médaille. "Si jamais il devait douter, qu'il arrête !", s'exclame Jean-Claude Perrin, ancien entraîneur d'athlétisme sur Europe 1. "Le tendon, derrière la blessure aux ischios, est en général la chaîne numéro 1. On se blesse à la cuisse, après on est déséquilibré sur le membre inférieur, et on a du mal à récupérer du tendon", analyse-t-il. "Il a raison s'il arrête, c'est la prudence, surtout pour sa santé pour l'année prochaine", ajoute l'ex-entraîneur.
Il y a un an à Eugene (Oregon, Etats-Unis), l'or mondial conquis par Mayer à la dernière journée de compétition avait évité de justesse aux Bleus un embarrassant zéro pointé. "Même si je fais la première journée, le plus dur, ce sera le 400 m (la dernière épreuve de la 1re journée, ndlr) et le réveil du samedi matin après, prévient le multimédaillé français. Parce que dans le virage, c'est mon pied gauche qui est à l'intérieur, ça vient taper là où ça fait vraiment mal."
Son dernier décathlon terminé remonte justement aux Mondiaux de Eugene en juillet 2022, dans une saison longtemps perturbée, déjà, par des tendons douloureux, entre autres. Trois semaines plus tard aux Championnats d'Europe à Munich (Allemagne), il avait renoncé dès la première épreuve. S'il venait à ne pas terminer le décathlon de Budapest, ou à ne pas le disputer du tout, Mayer n'aurait pas d'autre choix que d'en programmer un autre pour obtenir sa qualification pour les JO 2024.