A la base, il n'y a pas sport plus individuel (ou individualiste) que le tennis. Sur un terrain (la compétition de double exceptée), vous êtes seul avec vous-même et face à votre adversaire. Votre coach n'a (officiellement) pas droit de cité. Et puis, quatre week-ends dans l'année - on écarte les compétitions de moindre importance comme la Hopman Cup -, tout change.
Un capitaine est assis à côté de vous aux changements de côté. Des partenaires vous encouragent sur le bord du terrain. Et vous ne représentez plus vous-même mais votre pays : c'est la Coupe Davis, dont la finale France-Suisse a lieu ce week-end au stade Pierre-Mauroy, à Villeneuve-d'Ascq.
Pour essayer de comprendre la magie de cette épreuve, Europe 1 a soumis à la question trois acteurs majeurs de la campagne victorieuse de 1991 contre les Etats-Unis : un joueur, Guy Forget, qui avait apporté le point décisif, l'entraîneur, Patrice Haguelauer, et le préparateur physique, Jean-Claude Perrin, également consultant pour notre station.
"Ca relève du merveilleux." Toute l'année, Jo-Wilfried Tsonga, Gaël Monfils ou Richard Gasquet se disputent la place honorifique de premier Français. N'est-ce pas un peu étrange de les retrouver sous le même maillot ? "Ça ne relève pas tant de l'étrange que du merveilleux", s'enthousiasme Jean-Claude Perrin. Guy Forget, vainqueur de l'épreuve à trois reprises, deux fois en tant que joueur et une fois en tant que capitaine (2001), emploie un terme équivalent, celui de "fabuleux". "Je crois que ce qui nous manque au quotidien dans notre sport, c'est cette dimension-là de partage", souligne l'actuel patron du Masters 1000 de Paris-Bercy. "Et je dirais que si on regarde la Coupe Davis sous cet aspect, elle en devient fabuleuse. On vit alors le tennis non plus comme un sport individuel mais comme un sport d'équipe." Et ce changement ouvre le champ des possibles.
Quand le groupe transcende les individus. "On a vu tellement d'équipes plus fortes que d'autres sur le papier, tellement de joueurs un peu suffisants, un peu arrogants, ce qui est la force des plus grands champions de l'histoire du tennis d'ailleurs, rater des matches et tout d'un coup se faire cueillir par des équipes soudées, bien préparées", relève Forget. Et il en sait quelque chose. Joueur, il a battu les Etats-Unis de Pete Sampras en 1991 aux côtés d'un Henri Leconte qui végétait à l'époque à la 159e place mondiale. Capitaine (entre 1999 et 2012), il a mené les Bleus à la gagne en Australie, sur les terres du n°1 mondial de l'époque, Lleyton Hewitt. La vérité du tennis comme sport individuel n'est pas toujours celle du tennis comme sport collectif.
A chacun son rôle. Mais il ne faudrait pas limiter l'équipe simplement aux quatre joueurs retenus le jeudi. "C'est en gros 13 ou 14 personnes", rappelle Patrice Hagelauer. "Vous avez souvent deux kinés, un préparateur physique, de temps en temps il y en a même deux, l'entraîneur, le capitaine, le cordeur, la personne qui s'occupe de tout ce qui concerne la logistique, et puis après, vous avez les quatre joueurs. C'est un groupe et, dans ce groupe-là, chacun a son rôle." C'est dans cette détermination des rôles, comme dans une équipe de foot, que la mayonnaise peut prendre. "Quand on se prépare ensemble pour une finale de Coupe Davis, il ne doit y avoir qu'un seul objectif et c'est la gagne."
Un capitaine qui définit le cap. Mais, évidemment, pour gagner en équipe dans le tennis, il faut aussi pouvoir s'appuyer sur des individualités. Et notamment au poste de capitaine. Jean-Claude Perrin le concède volontiers. "Pendant très longtemps, Noah a été la locomotive du tennis français. Et en 1991, avec sa nomination comme capitaine, il est devenu le conducteur du train", considère le consultant Europe 1. "Yannick est un homme de partage. Ce n'est pas du tout un homme de pouvoir et surtout, il est fanatique quand il poursuit un but. Et ce but, c'était la conquête de la Coupe Davis (Noah a finalement réussi à l'emporter deux fois, en 1991 et 1996, ndlr). Il a réussi à développer un esprit de corps et l'a fait partager à tous."
Du temps pour construire. Mais pour réussir le passage de sport individuel à sport d'équipe, il faut aussi… du temps. Et une partie de la réussite d'une équipe se joue dans la dizaine de jours précédents l'événement. "En 1991, nous avons effectué un stage de 8-10 jours en quasi isolement à Montreux, avec des entraînements en pleine nature", se souvient Jean-Claude Perrin. "Quand nous sommes arrivés, le message de Yannick a été clair. Il a dit : 'c'est cette semaine qu'on gagne la Coupe Davis'." De là à dire que l'édition 2014 de la compétition s'est jouée la semaine dernière, à la Villa Primrose…
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