Savez-vous que le Maillot jaune n'est pas né avec le Tour de France ? La célèbre tunique est pourtant la plus emblématique de la Grande Boucle, qui partira cet été de Bruxelles. À tel point qu'elle colle à la peau de tous ceux qui l'ont portée, avec plus ou moins de bonheur. François Clauss et ses invités ont retracé l'histoire de certains d'entre eux dans Le Tour de la question, vendredi, sur Europe 1.
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"Il est devenu le phare de la course…"
"Le Tour de France en était déjà à sa treizième édition lorsque le Maillot jaune est apparu", rappelle d'abord Philippe Bouvet, ancien journaliste à L'Équipe et commissaire d'une exposition consacrée aux 100 ans du maillot emblématique à Nice. "Il est arrivé au lendemain de la Première Guerre mondiale, il a un peu illuminé cette période obscure et, depuis, il est devenu le phare de la course… Il colle à la peau des grands champions, mais parfois, il éclaire aussi des destins plus obscurs, des équipiers qui, au gré des circonstances de course, peuvent connaître leur jour de gloire."
Mais pourquoi le Maillot jaune est-il… jaune ? "Les idées simples sont souvent les meilleures", répond l'ancien journaliste. "C'était la couleur du journal créateur du tour, Loto (l'ancêtre de L'Équipe, ndlr), et il y avait derrière une intention commerciale. Mais il s'agissait surtout de permettre aux foules, qui étaient déjà nombreuses, de reconnaître le leader du classement général : il n'y avait pas de télévision, très peu de représentations des champions de cette époque et le public voyait passer les coureurs du Tour de France mais ne les reconnaissait pas."
Ocaña, le Maillot jaune qui attaqua Merckx
Parmi ces 100 ans d'histoire du Maillot jaune, Christian Laborde, écrivain et auteur de Tour de France, à paraître à la fin du mois aux éditions du Rocher, retient l'histoire du coureur espagnol Luis Ocaña. "Nous sommes en 1971, et enfin quelqu'un ose attaquer (Eddy) Merckx (vainqueur de cinq Tours, ndlr), qui règne sur le peloton. Il lui prend le Maillot jaune dans les Alpes en lui mettant 7 minutes dans la vue, dans la montée. Il restait les Pyrénées, et il pensait en finir là-bas avec Merckx, singulièrement dans le col du Portillon, qui était le col par lequel ses parents étaient arrivés d'Espagne. Il voulait faire repasser son père vers son pays natal avec le Maillot jaune sur le dos. Mais dans le col précédent, le col de Menté, ce fut la chute. Luis n'arriva jamais au col du Portillon, il quitta le Tour et Merckx, en hommage à Luis Ocaña, refusera pendant une étape de porter le Maillot jaune."
Voeckler, un maillot qui donne des ailes
Côté français, on se souvient de Thomas Voeckler et de son Maillot jaune acquis puis conservé au terme d'une étape dantesque dans les Pyrénées, sur le Tour 2004. "Je l'ai eu pendant 20 jours, 10 jours en 2004 et 2011", sourit-il au micro d'Europe 1. "J'ai fait d'autres résultats mais je suis toujours associé au Maillot jaune : dès qu'on m'aborde dans la rue, c'est pour me parler du Maillot jaune, et jamais pour d'autres résultats que j'ai eus dans ma carrière."
Ce succès est d'autant plus étonnant pour le coureur qu'il admet avoir, au début, sous-estimé l'impact du maillot de leader du Tour. "Le premier jour où j'ai endossé le Maillot jaune dans ma carrière, c'était en direction de Chartres", se souvient-il. "Mon assistant sportif, m'a dit : 'C'est génial, c'est génial !'. J'ai dit : 'Non, j'ai fait quatrième de l'étape, c'est nul'. Il m'a dit : 'Mais non, tu as le Maillot jaune, ça va te donner des ailes'. Dans ma tête, je m'étais dit : 'Ça ne va pas me faire grimper plus vite'. Mais si, le Maillot jaune a ce pouvoir - si on a envie d'en être digne. Ça donne cette motivation, cette force pour aller puiser dans des réserves insoupçonnables."
Armstrong, un "passage maléfique"
Le Maillot jaune est aussi associé à des souvenirs moins glorieux pour l'histoire du sport. L'exposition niçoise pilotée par Philippe Bouvet a ainsi choisi "de ne pas nier le passage maléfique de Lance Armstrong", selon les termes de l'ancien journaliste. "Nous (la direction du tour, ndlr) avons laissé sept lignes vierges au palmarès, pour montrer qu'il s'est passé une époque tout à fait frelatée, de 1999 à 2005, et même au-delà, parce que Lance Armstrong a été l'imposture absolue et a fait des émules. Nous lui avons réservé une place particulière, en contrepoint des rois soleils que sont les multiples vainqueurs, Eddy Merckx, Jacques Anquetil, Bernard Hinault, Miguel Indurain..."
Dans son livre, Christian Laborde a, lui, choisi d'évoquer le coureur américain "car un écrivain ne juge pas, il est là pour raconter". "Il faudrait le talent d'un auteur de polar pour raconter ce personnage, sa façon d'affronter la maladie, de survivre, de revenir et d'être un espoir pour pas mal de personnes", estime-t-il toutefois. "Et puis, s'il est à ce point maléfique, durant les années Armstrong, L'Équipe a vendu beaucoup d'exemplaires grâce à lui…"