Il faut sauver le soldat Benzema. Depuis plusieurs semaines, on ne compte plus les figures influentes du football, dont Zinédine Zidane, qui sont montées au front pour défendre l'attaquant du Real Madrid, alors qu'une confrontation de trois personnes mises en cause dans l'affaire de la "sextape" a eu lieu lundi. Le dernier soutien en date : celui de David Trézéguet. "J'espère, à titre personnel, qu'ils vont trouver une solution et que Benzema va figurer avec la France. On est tous conscient que c'est un joueur très important pour l'équipe de France", a déclaré l'ancien buteur des Bleus, mi-janvier. De l'extérieur, ces marques de soutien peuvent surprendre, alors que les prises de parole en faveur de Mathieu Valbuena ont été rares. Mais alors, pourquoi le monde du foot monte-t-il au front pour Karim Benzema ?
Parce que le monde du foot ne regarde que le sportif. Premier argument des pro-Benzema : il est indispensable à l'équipe de France. D'un point de vue purement sportif, difficile de leur donner tort au vu de l'exceptionnelle saison de l'attaquant du Real. Avec 19 buts en 18 matches de Liga et 4 réalisations en 4 rencontres de Ligue des champions, l'ancien Lyonnais est au sommet de sa forme.
"Ses performances sportives au Real Madrid sont hors-normes. C'est un très grand joueur, c'est LA star des Bleus" explique Jérôme Jessel, journaliste et auteur de "Sexus Footbalisticus" et "La face cachée du foot business", interrogé par Europe 1. "Mais si Karim Benzema ne mettait pas un pied devant l'autre, il n'y aurait pas ces manifestations de soutien", nuance-t-il. Autrement dit : seules comptent les performances sportives.
Parce que le monde du foot cultive "le silence, le secret et la solidarité". Au-delà du terrain, les soutiens de Karim Benzema s'expliquent également par une forme d'omerta dans le milieu du ballon rond. "Dans le monde du football, celui qui dit la vérité doit être assassiné", analyse Jérôme Jessel. "Mathieu Valbuena a eu le courage de porter plainte et de parler publiquement de cette affaire. Ce n'est pas très bien vu dans le monde du football, qui est régi par la règle des "3S" : silence, secret, solidarité."
L'interview de Mathieu Valbuena, fin novembre au journal Le Monde, a donc pu jouer contre lui. "Karim m'a manqué de respect. Même à mon pire ennemi, je ne ferais pas ça", avait lâché le meneur de jeu de l'Olympique Lyonnais. "On va peut-être lui en vouloir comme on en avait voulu à l'époque à Jacques Glassmann, qui avait fait éclater l'affaire de corruption VA-OM (en 1993, l'ancien défenseur de Valenciennes avait révélé avoir été approché pour ''lever le pied", entraînant la relégation de l'OM, ndlr)", craint Jérôme Jessel.
Parce que le monde du foot a "un sentiment d'impunité". Si les soutiens de Karim Benzema sont nombreux dans le monde du foot, le public lui est fortement hostile. Selon un sondage effectué début décembre, près de 82% des personnes interrogées s'étaient ainsi montrées opposées à un retour en Bleus de l'attaquant du Real. "Le monde du foot vit sur une autre planète à cause des sommes engrangées, l'argent perçu par les footballeurs et ce sentiment d'impunité que beaucoup d'entre eux ont", explique Jérôme Jessel.
"Ces appuis et ces soutiens directs sont cependant dangereux. Ca peut aussi montrer qu'un footballeur peut enfreindre la loi sans que rien ne lui soit reproché. On ne pourrait pas accepter, fusse-t-il le meilleur joueur, que Karim Benzema soit au-dessus des lois. Ce qui est facile à dire, c'est que c'est Mathieu Valbuena la victime. Il ne faudrait pas changer les rôles." Pour le moment, le monde du foot reste sourd à ces arguments.