Le 3 juin dernier, Cristiano Ronaldo inscrivait un doublé face à la Juventus Turin en finale de la Ligue des champions (4-1), permettant au Real Madrid de remporter sa douzième Coupe aux grandes oreilles. Un nouvel accomplissement sportif pour le Portugais, et assurément un pas de plus vers un cinquième Ballon d'Or, qui en ferait l'égal de son rival Lionel Messi. A priori, tout allait donc bien dans le meilleur des mondes pour "CR7", dont le contrat revalorisé et courant jusqu'en 2021 en a fait en novembre dernier le sportif le mieux payé du monde, avec 83 millions d'euros de rémunération sur la saison écoulée.
Pourtant, un peu plus de deux semaines après le sacre européen de Cardiff, son troisième avec le Real, la donne a changé. Ronaldo, qui porte les couleurs de la "Casa blanca" depuis huit ans maintenant, aurait évoqué la possibilité d'un transfert. Petite bouderie ? Simple bluff ? Réelle envie ? Alors que le joueur est convoqué le 31 juillet en vue d'une mise en examen pour fraude fiscale, Europe1.fr fait le point sur ce qui est pour le moment le feuilleton de ce mercato estival.
Portuguese daily @abola claim Ronaldo has made irreversible decision to leave Real Madrid. @Record_Portugal running with same story. pic.twitter.com/H520afB6I2
— Tom Kundert (@PortuGoal1) June 16, 2017
La Une qui a mis le feu au poudre. "Ronaldo veut quitter l'Espagne." C'est clair, net, précis, tranché. Vendredi dernier, le journal portugais de référence A Bola annonce à sa Une que "CR7" ne souhaite plus évoluer en Espagne. Le quotidien espagnol pro-Real, Marca, confirme. Et indique, sans citer de source, que l'entraîneur des Merengue, Zinédine Zidane, a interrompu ses vacances en Italie pour appeler Ronaldo en Russie, où il dispute actuellement la Coupe des confédérations avec le Portugal. Zidane, poursuit le journal, aurait fait comprendre à Ronaldo que le Real est "une équipe qui gagne grâce à lui" et qu'il "a besoin de lui autant pour son esprit de compétition que pour ses buts". Depuis son arrivée en Espagne, Ronaldo a marqué 406 buts en 394 matches avec le Real, soit un peu plus d'un but par match. Ça compte, forcément.
La plainte qui a tout déclenché. Le 13 juin, soit trois jours avant la "révélation" d'A Bola, le parquet de Madrid a annoncé que Ronaldo était visé par une plainte pour une fraude fiscale présumée à hauteur de 14,7 millions d'euros. Le ministère public estime que le Portugais "a profité d'une structure créée en 2010 pour dissimuler au fisc les revenus générés en Espagne par les droits à l'image, ce qui suppose un non-respect volontaire et conscient de ses obligations fiscales en Espagne". Le parquet relève que "CR7" aurait ainsi déclaré 11,5 millions d'euros de revenus d'origine espagnole pour la période entre 2011 et 2014, alors que ceux-ci auraient atteint sur la période "quasiment 43 millions d'euros". Il est également accusé d'avoir "volontairement" omis d'inclure 28,4 millions d'euros de revenus liés à la cession de ses droits à l'image pour la période 2015-2020 à une autre société, basée en Espagne et baptisée Adifore Finance LTD. "Parfois, la meilleure réponse est de se taire", a simplement commenté le Portugais au sujet de cette affaire.
Le précédent qui change la donne. Le parquet précise que la plainte pénale déposée contre Ronaldo est fondée sur un rapport transmis par l'Agence fiscale espagnole (AEAT) et se base notamment sur la jurisprudence créée par la condamnation de la star argentine du Barça Lionel Messi et de son père Jorge en juillet 2016, une décision confirmée dans ses grandes lignes par la Cour suprême espagnole le mois dernier. Dans le cas de Messi, une fraude fiscale de 4,1 millions d'euros lui a valu d'être condamné à 21 mois de prison, une peine non exécutée car inférieure à deux ans. Le précédent Messi, voilà qui pèserait aujourd'hui dans la tournure que prend le feuilleton Ronaldo.
En effet, le Portugais, dont l'orgueil est particulièrement prononcé, serait vexé de la façon dont le Real a réagi à l'annonce du parquet, mais aussi irrité par le traitement de cette affaire par la presse espagnole. Le club, lui, s'est dit "convaincu" que son joueur phare "démontrera sa totale innocence". Pas impossible que Ronaldo ait trouvé le communiqué du Real un brin trop froid par rapport à ce qui avait été la réaction du Barça au moment de l'annonce des ennuis de Messi. Le club catalan avait notamment lancé sur les réseaux sociaux le slogan "todossomosMessi" (nous sommes tous Messi). Et avait ensuite (et peut-être surtout), comme le rappelle El Mundo, procédé à "des augmentations progressives de salaire" qui ont permis à Messi de s'acquitter de l'amende de 2,1 millions à laquelle il avait été condamné.
Une bouderie qui peut rapporter gros. Vous voyez peut-être où nous voulons en venir. Et si Ronaldo avait "organisé" les fuites sur un possible départ pour mettre la pression sur son club, obtenir son soutien et quelques euros de plus, comme Messi il y a quelques mois ? Ce ne serait pas une première. En 2013, le Portugais avait déjà manifesté son "mal-être" sur la pelouse, en "célébrant" ses buts par un visage fermé et une moue boudeuse. Il avait obtenu une augmentation de salaire substantielle. Pour le commun des mortels, quand on émarge déjà à plusieurs dizaines millions d'euros par an, c'est difficilement compréhensible. Mais Ronaldo a soif de titres et de reconnaissance, et pas seulement sur le terrain. Sur ses comptes en banque aussi. La compétition avec Messi se fait sur tous les fronts, y compris judiciaro-financier, donc…
Un président qui calme le jeu. La réaction officielle du Real aux vélléités de départ supposées de Ronaldo était très attendue. Réélu à la tête du club lundi soir (il était le seul candidat), Florentino Perez, 70 ans, a défendu son attaquant vedette avec force, estimant qu'il était "beaucoup plus puissant et plus important que tous (les joueurs) qui sont ici". Le président du Real a précisé qu'il savait que Ronaldo s'était senti blessé par la présentation faite dans la presse de l'annonce du dépôt de plainte du parquet. "C'est très dur qu'on l'ait traité comme un délinquant. (...) Cela me déplaît que l'on ne respecte pas l'innocence d'une personne qui a eu un comportement exemplaire", a-t-il encore dit au quotidien généraliste ABC. "Je n'ai pas encore parlé avec lui. Nous ne voulons pas perturber sa concentration avec la sélection" portugaise, a par ailleurs indiqué l'homme fort du Real sur la radio Onda Cero, assurant qu'il avait "une bonne relation" avec Cristiano Ronaldo. "Il faudrait qu'il se passe quelque chose de très bizarre pour qu'il parte", a-t-il conclu.
Un départ qui changerait tout. Un départ de Cristiano Ronaldo du Real Madrid est-il crédible ? Oui. Probable, non, mais crédible oui. À 32 ans, "CR7" a peut-être envie d'un dernier défi alors qu'il a tout gagné avec le Real. Malgré ses buts en pagaille, il n'a pas à Madrid le statut d'idole dont jouit Messi à Barcelone.
La tendance qui a émérgé ses dernières heures est celle d'un retour à Manchester United, club avec lequel il avait gagné sa première Ligue des champions en 2008. Il y retrouverait José Mourinho, qui a été son entraîneur au Real entre 2010 et 2013 (Lequel a aussi des ennuis avec le fisc espagnol d'ailleurs…). Il y a évidemment la piste PSG. Chelsea est un autre hôte potentiel pour la star portugaise. Le Bayern Munich, lui, a tenu à démentir un possible transfert en Bavière. Un départ de Ronaldo entraînerait un gigantesque jeu de chaises musicales au niveau européen. Une chose est acquise : le club qui souhaiterait "exfiltrer" Ronaldo d'Espagne devra passer à la caisse. Le coût d'un transfert du Portugais est aujourd'hui estimé à 200 millions d'euros.