Federer-Nadal. Depuis le tirage au sort du tableau de Roland-Garros, c'est le match que tous les amateurs de tennis attendent. Federer-Nadal, une affiche historique qui claque plus encore qu'un Borg-McEnroe, un Lendl-Wilander ou un Sampras-Agassi. Une affiche qu'on n'espérait plus, surtout ici à Roland-Garros, alors que les deux joueurs ont désormais allégrement passé les 30 ans -Federer aura 38 ans en août, alors que Nadal a fêté ses 33 ans lundi - et que le Suisse avait pris l'habitude de zapper la terre battue parisienne depuis 2015.
De retour cette année après trois éditions manquées, Federer a (déjà) réussi son retour en rejoignant Nadal dans le dernier carré pour la première demi-finale de vendredi, programmée à 12h50. Et voilà donc "Fed" face à son plus grand rival pour un match à 37 trophées en Majeur : 20 du côté suisse, 17 du côté espagnol, dont onze Roland-Garros, devenu "sa" terre depuis 2005. Et ce qui nous amène à se poser cette question : Federer a-t-il ses chances vendredi ?
La question se pose d'autant plus qu'à Roland-Garros, Federer n'a jamais battu Nadal, ne réussissant au mieux qu'à lui prendre un set. Cinq matches, et cinq victoires du Majorquin : une demie, en 2005, et quatre finales, en 2006, 2007, 2008 et 2011.
"C'est la demi-finale rêvée, on s'attend à un match intéressant, mais entre les deux joueurs, il y a eu une fois un match accroché (en 2011 surtout), et les autres fois, ça a été à sens unique. Est-ce que Roger va pouvoir bousculer Rafa, qui a été impressionnant contre Nishikori ? C'est la demi-finale de rêve, mais est-ce que Roger va réussir à rivaliser, ça…", s'interroge au micro d'Europe 1 Henri Leconte, consultant pour Eurosport. "Avant ce tournoi, on ne savait pas du tout ce qu'allait faire Roger parce qu'on ne l'avait pas vu depuis trois ans sur terre battue, mais il a démontré qu'il était encore capable de très, très bien jouer et de nous surprendre, comme il l'a fait face à Stan Wawrinka."
Après avoir facilement dominé des joueurs classés au-delà du top 50 lors des quatre premiers tours, ne concédant pas le moindre set, Roger Federer a dû monter en régime en quarts de finale face à son compatriote, qui l'avait battu au même stade de la compétition, en 2015, lors de sa dernière venue à Roland-Garros. Appliqué et tranchant dans les deux jeux décisifs qu'il a eu à disputer, "Fed" a pris sa revanche sur son cadet de manière autoritaire. Mais, contre Nadal, le cannibale de la terre battue, qui n'a perdu que deux fois à Roland-Garros depuis 2005 (face à Robin Soderling en 2009 et Novak Djokovic en 2016, avec un forfait en 2015), ce sera forcément une autre histoire.
"Je suis très curieuse de voir ce que va proposer Roger, forcément", a réagi à notre micro Amélie Mauresmo, ancienne n°1 mondiale et consultante pour France Télévisions sur ce tournoi. "Après sa victoire en quarts, Roger a dit que, dans un coin de sa tête, c'était un peu pour ça, pour affronter Rafa, qu'il était revenu jouer sur terre et jouer à Paris. Ce qui est donc intéressant de mon point de vue, c'est vraiment l'aspect tactique. L'aspect physique va jouer aussi certainement, parce que, pour appliquer une tactique, il faut avoir physiquement les moyens de le faire. Je suis curieuse de voir ce que va pouvoir nous produire Roger à son âge. Rafa est évidemment favori de cette demie, assez largement même, au vu de ce qu'il a produit lors de ces derniers matches et au vu de son histoire à Roland-Garros. Il y a peu de chances peut-être pour Roger, mais je suis très intéressé de voir ce qu'il va proposer…"
Compte tenu de son âge et de la résistance physique de son adversaire, pour qui cela a toujours été une qualité première - peut-être un peu moins aujourd'hui -, Federer devra faire l'effort de ne pas laisser Nadal devenir maître de l'échange. Et le Majorquin en a bien conscience. "Je pense qu'il (Federer) va jouer agressif, changer de rythme, monter au filet. J'espère le mettre en danger, ou sinon, c'est moi qui le serai", a convenu l'actuel n°2 mondial, mardi, en conférence de presse. Nadal sait que Federer peut le faire déjouer. Car s'il a gagné cinq fois sur cinq à Roland-Garros, et 13 fois sur 15 sur terre battue, le Majorquin reste sur cinq défaites contre le Suisse, dont l'une, cruelle, en finale de l'Open d'Australie 2017. Cela ne fait pas de Federer, qui a gagné 15 de leurs 38 confrontations, le favori de cette demi-finale, mais cela peut lui donner, au moins, de l'espoir.
"Ce n'est pas le favori, et il le sait", poursuit Henri Leconte. "Roger est là, il prend énormément de plaisir à Roland-Garros, il s'est pris au jeu parce qu'il a gagné le 1er tour, le 2ème, le 3ème, et tout à coup, il a retrouvé des sensations. On voit même un nouveau Roger, un Roger qui monte, qui fait des volées à contre-temps, qui essaie d'écourter l'échange. Maintenant, est-ce que ce sera suffisant ? Quand on voit la violence des coups de Rafa… Mais, d'un autre côté, attention, on peut aussi avoir un Rafa qui peut avoir une pression incroyable sur les épaules vendredi, parce que ça va être très fort émotionnellement parlant pour lui. Il y a beaucoup d'enjeu du côté de Rafa, alors que du côté de Roger, ce n'est que du bonus. Il va arriver plus cool." Cette cool attitude, que Federer démontre depuis le début du tournoi, aussi bien sur le terrain qu'au micro d'ailleurs, peut-elle aider le Suisse à réussir l'exploit ? Les premiers coups de raquette donneront un premier élément de réponse…