En France, parler d'argent est souvent tabou. Et le rugby n'échappe pas à la règle. Le journal L'Equipe s'est malgré tout attaqué au sujet en réalisant une enquête sur les salaires des joueurs en Top 14. Et il n'a pas été aisé pour les journalistes chargés du dossier d'obtenir des informations. "Au pire, je peux te le donner à la baisse pour éviter les jalousies", lâche même un joueur de Montpellier, sous couvert d'anonymat, qui reconnaît toutefois que "les étrangers en parlent plus facilement entre eux".
Dan Carter, joueur le mieux payé de Top 14. Mais un classement, non exhaustif, des joueurs les mieux payés du championnat de France a tout de même pu être établi grâce aux informations obtenues "auprès de diverses sources du milieu du rugby". Et celui qui arrive en tête n'est autre que Dan Carter, la star des All Blacks qui évolue au Racing 92. L'ouvreur néo-zélandais touche pas moins de 71.000 euros bruts mensuels. Il est suivi par deux Toulonnais : l'ouvreur australien Matt Giteau (65.000 euros) et l'arrière gallois Leigh Halpenny (55.000 euros).
Morgan Parra, Français le mieux payé. Le premier Français de ce classement est Morgan Parra (Clermont), qui se retrouve à égalité avec deux Toulousains, le Néo-Zélandais Luke McAlister et l'Ecossais Richie Gray. Les trois hommes sont chacun payés 50.000 euros bruts par mois par leurs clubs respectifs.
Une explosion en 15 ans. S'ils sont encore bien inférieurs à ceux que l'on peut rencontrer dans le milieu du football, ces chiffres paraissent astronomiques au regard des salaires que touchaient les joueurs de rugby il y a encore 15 ans. Par exemple, lors de la saison 2002/2003, le salaire moyen d'un joueur du championnat de France de rugby s'élevait à 5.700 euros bruts mensuels. Aujourd'hui, il est de 18.973 euros. La moyenne a même augmenté de 89% depuis l'exercice 2007/2008 (10.038 euros). La comparaison est encore plus flagrante lorsque l'on prend la moyenne des 30 salaires les plus élevés, qui ont augmenté de 107% entre 2007 (19.921 euros) et aujourd'hui (41.237 euros).
Des présidents surpuissants. Plusieurs raisons expliquent cette hausse assez soudaine des rémunérations en Top 14. La première est évidemment la professionnalisation des joueurs, intervenue au milieu des années 90. L'augmentation régulière des droits télévisuels en est une autre. Mais c'est surtout l'arrivée de présidents économiquement très puissants à la tête des clubs qui a fait exploser les chiffres : Jacky Lorenzetti au Racing, Mourad Boudjellal à Toulon, Mohed Altrad à Montpellier, Thomas Savare au Stade Français et Laurent Marti à l'UBB.
Les JIFF prennent de la valeur. La mise en place de règles concernant les JIFF (joueurs issus des filières de formation) a également contribué à faire augmenter les salaires. La saison prochaine, chaque équipe devra inscrire en moyenne 14 JIFF sur chaque feuille de match sous peine d'être sanctionnée par un retrait de points. Ces joueurs sont donc devenus précieux pour les clubs et leurs salaires ont augmenté "d'environ 30% sur les trois dernières années", explique un agent.
Argent ne rime pas toujours avec résultats. En dehors des salaires, les clubs les plus riches sont-ils forcément ceux qui s'en sortent le mieux en Top 14 ? En général, la réponse est oui. Hormis Castres en 2012/2013 (9e budget) tous les champions depuis 2010 faisaient partie des cinq plus gros budgets au début de la saison. Mais cette année, même si le champion n'est pas encore connu, La Rochelle a déjà réalisé quelque chose d'exceptionnel. Le Stade Rochelais, 12e budget du championnat au départ (19,586 millions d'euros), est arrivé en tête de la saison régulière, devant Clermont, 2e budget avec 33,514 millions d'euros.
Toulouse, plus gros budget mais... Et le plus gros budget de cet exercice 2016/2017, où en est-il ? Eh bien on ne le retrouvera même pas en barrages pour accéder aux demi-finales ! Il s'agit de Toulouse, et ses 34,309 millions d'euros, qui a terminé la saison à la 12e place. Le petit Poucet du championnat, Brive (16,442 millions d'euros), a quant à lui terminé à une très honorable 8e place et aura donc le droit de rejouer en Top 14 la saison prochaine.
L'argent ne fait donc pas forcément le bonheur en Top 14, même si il y contribue souvent. En tout cas, une chose est certaine, sa présence est de plus en plus forte.
Méthodologie
L'Equipe a obtenu certains salaires de joueurs arrondis. Pour d'autres, le quotidien a eu droit à des fourchettes, qui ont été ramenées au millier inférieur. C'est-à-dire que pour un salaire compris entre 40.000 et 45.000, c'est le chiffre 40.000 qui a été retenu.