La justice européenne a infligé jeudi un revers à l'UEFA en estimant que ses règles de 2021 visant à empêcher la Super Ligue, dissidente de la Ligue des champions, étaient contraires au droit, une décision qui pourrait relancer la bataille sur l'avenir du football européen. "Les règles de la Fifa et de l'UEFA soumettant à leur autorisation préalable la création de tout projet de nouvelle compétition (...) et interdisant aux clubs et aux joueurs de participer à celle-ci, sous peine de sanctions, sont illégales" a indiqué dans un communiqué la juridiction établie à Luxembourg.
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L'initiative reste portée par deux clubs : le Real Madrid et le FC Barcelone
La juridiction, qui s'est prononcée sur les textes de la Fifa et de l'UEFA en vigueur au moment du lancement de cette procédure, estime en effet que les pouvoirs de ces deux organisations n'étaient "encadrés par aucun critère assurant leur caractère transparent". L'UEFA a minimisé la portée de cet arrêt, soulignant qu'il ne constituait pas une approbation ou une validation de la Super Ligue. "Il souligne plutôt une lacune préexistante" dans la réglementation de l'UEFA, a souligné l'organisation, précisant que cela avait été corrigé en juin 2022 avec de nouveaux textes.
La menace d'une sécession partielle des clubs les plus puissants, qui rêvent du modèle très lucratif des ligues fermées nord-américaines tout en voulant rester dans les championnats nationaux, plane sur le football européen depuis plus de vingt ans. "Le monopole de l'UEFA est terminé. Le football est libre", a réagi sur le réseau X Bernd Reichart, patron d'A22, la société promotrice de la Super Ligue. Mais l'avenir de cette initiative, qui n'est à ce jour portée que par deux clubs - Real Madrid et FC Barcelone - reste incertain.
Dans son communiqué, la Cour de justice européenne (CJUE) prend soin de préciser cependant que le projet de Super Ligue "ne doit pas pour autant être nécessairement autorisé", soulignant qu'elle ne se prononce de façon générale et pas sur ce projet spécifique. L'organisation A22 a évoqué "une nouvelle compétition européenne ouverte", avec 64 clubs répartis en trois ligues, promettant une diffusion gratuite de sa compétition sur une plateforme de streaming. Elle n'a cependant donné aucune précision ni sur le calendrier, ni sur le niveau d'approbation parmi les clubs européens.
"Modèle égoïste et élitiste"
La ligue espagnole de football, La Liga, a immédiatement rappelé sa vive opposition au projet, dénonçant "un modèle égoïste et élitiste". "Tout ce qui n'est pas totalement ouvert, avec un accès direct seulement à travers les championnats nationaux, saison par saison, est un format fermé", a réagi l'organisation sur le réseau X (anciennement Twitter). Pour l'association Football Supporters Europe, il n'y a "pas de place dans le football européen pour une Super Ligue séparatiste". Le projet lancé en 2021 "met en danger l'avenir du football européen", estime l'organisation, promettant que ses membres "continueront à se battre" pour l'empêcher. "C'est bien, ils vont pouvoir commencer leur fantastique compétition très vite avec deux équipes", a déclaré le président de l'UEFA, Alexandre Ceferin.
"La Super Ligue, elle pouvait largement être créée juridiquement, il y a deux ans, et elle peut toujours être créé aujourd'hui. La décision de la Cour de justice européenne, elle n'a aucune influence sur le principe ou la possibilité de créer une Super Ligue. Ce qui empêchait, c'est que les clubs se sont débiné sous la pression populaire et sous la pression politique. Aujourd'hui, quasiment la totalité des grands clubs, des grandes ligues et les grandes fédérations ont tous dit leur opposition à la Super Ligue. C'est ça le frein principal de la Super Ligue, ce ne sont pas des sujets juridiques", a déclaré l'avocat Pierre Barthélémy, avocat, au micro d'Europe 1.
En avril 2021, douze grands clubs avaient annoncé leur propre compétition privée, à l'énorme potentiel commercial, par une offensive lancée à minuit, juste avant une vaste réforme de la Ligue des champions, frontalement concurrencée. Attaquées par surprise, UEFA et Fifa avaient menacé de sanctions. La communication désastreuse des mutins puis la forte opposition des supporters, en particulier en Angleterre, avaient incité plusieurs pays à envisager des mesures législatives, poussant neuf des clubs rebelles à jeter l'éponge. L'aventure dissidente avait capoté en moins de 48 heures. Deux ans plus tard, seuls les clubs espagnols du Real Madrid et du FC Barcelone n'ont pas désarmé. Les frondeurs sont défendus par le cabinet d'avocats Dupont-Hissel, à l'origine du célèbre arrêt Bosman ayant consacré, en 1995, la liberté de circulation des joueurs au sein de l'UE et fait sauter les "quotas de nationalité".