Richard Gasquet le reconnaît lui-même : "ça n’a pas été une belle saison" pour le tennis français. Éliminé sèchement par Novak Djokovic au 3e tour de l’US Open, le Français a conclu une saison en tournois majeurs à l’image de celle de l’ensemble de ses compatriotes : décevante. L’élimination du dernier tricolore en lice à New York laisse place à une statistique inquiétante. En 2018, que ce soit chez les hommes ou chez les femmes, aucun Français n’a atteint les quarts de finale d’un Grand Chelem, une première depuis 1980.
Les "nouveaux Mousquetaires" s’essoufflent
Fers de lance du tennis français depuis plus d’une décennie, les "nouveaux Mousquetaires" ont clairement marqué le pas en 2018. Tous trentenaires, Richard Gasquet, Jo-Wilfried Tsonga, Gilles Simon et Gaël Monfils, qui écument le circuit depuis leurs 15-16 ans, multiplient les blessures et sont désormais bien loin du top 10.
Les résultats français ont clairement pâti de l’absence de longue durée de Tsonga, de très loin le plus régulier en Grand Chelem depuis dix ans et sa finale surprise à l’Open d’Australie en 2008. Le Manceau a atteint 15 fois les quarts de finale en tournoi majeur, soit autant que Monfils, Gasquet et Simon réunis. Mais il n’a pas rejoué depuis le tournoi de Montpellier et une opération du ménisque gauche en avril, retombant à la 65e place mondiale.
En son absence, les trois autres n’ont guère brillé, et seuls Monfils et Simon ont atteint les huitièmes de finale, à Wimbledon. Ils n’ont cependant jamais été vernis au tirage au sort, leur chute au classement les exposant à des matchs compliqués dès les premiers tours. Ainsi Monfils a chuté au 3e tour de Roland-Garros contre le Belge Goffin, alors 9e mondial. De son côté, Gasquet a dû affronter Federer en Australie, Nadal à Roland-Garros et enfin Djokovic à l’US Open.
De nouveaux leaders qui peinent à confirmer
Alors que les trentenaires traînent la patte, les joueurs ou joueuses censés prendre le relais ont aussi connu un trou d’air important en 2018. Chez les hommes, Lucas Pouille avait pourtant explosé en 2016 avec deux quarts de finale consécutifs sur le gazon de Wimbledon et à l’US Open, avant d’apporter en 2017 le point décisif permettant à la France d’enfin remporter la Coupe Davis.
Mais la prise de pouvoir de l’actuel numéro 1 français a été de courte durée. Éliminé par un Joao Sousa largement à sa portée à New York, Pouille n’a obtenu qu’une seule victoire face à un membre du top 50 depuis mars. Et il n’a plus atteint les huitièmes en Grand Chelem depuis un an.
Le doute a également atteint les Françaises, qui tardent à confirmer dans les gros tournois les belles promesses de l’an dernier. Nouvelles coqueluches du public français depuis leur quart de finale à Roland- Garros 2017, Caroline Garcia et Kristina Mladenovic ont connu toutes les deux blessures et contre-performances. Alors que Mladenovic est retombée à la 53e place mondiale, Garcia, qui occupe pourtant le meilleur classement de sa carrière (5e), et se montre régulière sur le circuit, est à la peine en Grand Chelem où elle n’a plus dépassé les huitièmes depuis Roland-Garros.
La relève se fait attendre
Lucas Pouille risque de se sentir un peu seul dans les prochaines années. Les espoirs français en catégories de jeunes ne montrant pas les mêmes promesses qu’un Tsonga ou d’un Gasquet au même âge.
Certaines jeunes pousses aux portes du top 100 pourraient cependant incarner la relève comme Corentin Moutet, 19 ans, demi-finaliste à l’Open d’Australie et Wimbledon junior en 2017, et Ugo Humbert, 20 ans, vainqueur en août de son premier challenger et qui a passé un tour à l’US Open.
Classés respectivement 112e et 139e à l’ATP, ils sont toutefois bien loin de jeunes joueurs étrangers de la même génération, comme le Canadien Shapolapov, 19 ans et 28e mondial, ou le Grec Tsitsipas (15e), qui a explosé aux yeux du monde entier en atteignant la finale du Masters 1000 de Toronto en août.
Faut-il pour autant parler de crise du tennis français ?
Si sur RMC, le Directeur technique national Pierre Cherret a reconnu que la Fédération devait "se remettre en cause au niveau de notre système de formation, nos méthodologies, et notre approche", la mauvaise année 2018 ne doit pas masquer le fait que le tennis français, malgré l’absence de victoires en Grand Chelem, a connu une constance exceptionnelle au plus haut niveau ces dernières années. "En France, on n’a pas complètement pris la mesure de cette génération-là", s’agace dans Le Parisien l’ancien joueur français Sébastien Grosjean, à propos des "Mousquetaires". Quatre joueurs, qui, rappelle-t-il, "ont été dans les dix premiers, ont fait des quarts, des demies, et même une finale en Grand Chelem, et qui ont été là pendant plus de dix ans".
Au micro d'Europe 1, le 75e joueur mondial Pierre-Hugues Herbert a reconnu lundi "une année noire". Mais il a cependant pointé " le négativisme ambiant" à l’œuvre en France et appelé à être "positif". "Il faut encourager les jeunes, ne pas leur dire 'il n'y a personne pour prendre la relève' et leur mettre une pression énorme".