Immanquablement, les performances impressionnantes de Tadej Pogacar et Primoz Roglic sur le Tour de France 2020 suscitent la suspicion. Le premier est le plus jeune vainqueur du Tour depuis 1904, quand le second a affiché une forme étincelante tout au long de la compétition, terminant deuxième. Le spectre du dopage plane sur la Grande boucle. Notre envoyé spécial en Slovénie a mené l'enquête.
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Ces soupçons proviennent aussi de leur nationalité : la Slovénie a un passif très lourd en termes de contrôles positifs de ses coureurs. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 8 des 19 coureurs slovènes passés professionnels au plus haut niveau entre 2009 et 2019 ont été suspendus pour dopage, soit 42%. L'an dernier, la Slovénie était le deuxième pays avec le plus grand nombre de coureurs contrôlés positifs derrière la Colombie.
Récemment, les répercussions de l'affaire Aderläss ont entrainé la suspension de coureurs et de directeurs sportifs slovènes, soupçonnés d'avoir fait affaire avec le médecin allemand Mark Schmitt qui organisait un vaste réseau de dopage par transfusion sanguine. Son procès s'est ouvert la semaine dernière.
"Cela m'a dégouté du cyclisme"
Certains jeunes dénoncent ouvertement l'influence néfaste de managers pourris. Izidor Penko, 24 ans aujourd'hui, était vice-champion du monde du contre-la-montre chez les jeunes mais n'est jamais passé professionnel : "J'ai toujours été propre et je ne voulais pas risquer ma santé, je ne voulais pas faire certaines choses... Donc je ne voulais pas avoir affaire à certains managers. J'avais de bons résultats, mais du coup aucun des managers influents n'a voulu de moi. Cela m'a dégoûté du cyclisme", raconte le jeune homme qui a décidé d'arrêter le vélo en 2018.
S'il dénonce la grande influence des managers quand lui-même courrait, il y a quelques années, Izidor Penko affirme ne pas soupçonner les deux stars slovènes du Tour de France de dopage. Il a couru dans la même équipe que Tadej Pogacar chez les jeunes et, comme beaucoup d'entraineurs, il assure que le nouveau vainqueur du Tour était déjà au dessus du lot.
Un problème trop grand pour l'Agence anti-dopage
Les autorités slovènes du vélo effectuent un travail de prévention auprès des jeunes, dans les clubs, les écoles et avec les parents, pour tenter de prendre le problème à la racine. De son côté, l'Agence anti-dopage Slovène mène des centaines de contrôles au plus haut niveau. Mais son patron Janko Dvoršak dresse un constat amer : cette année, sur les 500 tests effectués chez les pros, seuls 1,5% se sont avérés positifs, un chiffre comparable au reste du monde.
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"Cela pose la question de l'efficacité de nos tests : l'aspect scientifique, aujourd'hui, est le point faible de la lutte anti-dopage", affirme Janko Dvoršak. "C'est très difficile à dire pour moi parce que c'est mon travail... mais c'est un problème trop grand pour nous." Il rappelle en tout cas que Roglic et Pogacar sont suivis de très près, depuis le début de leur parcours, et que jamais leur nom n'a été associé à la moindre anomalie.